Alors que la loterie verte revient dans une nouvelle formule proposée par Lottotech, nous avons rencontré Satish Moher, figure incontournable du Marché Central de Port-Louis, et l’un des dirigeants de la Tabagie Coronation. Cette institution a fait le succès des différentes loteries à travers le pays. Des années 40 à ce jour, Coronation continue son bout de chemin et attire toujours autant de monde en espérant que Dame Chance leur sourit.
C’est l’histoire d’une enseigne qui est entrée dans le folklore mauricien. L’histoire a débuté dans les années 40 avec Shivdutt Moher et se poursuit de nos jours avec Satish Moher, l’aîné de ses trois fils. En effet, Tabagie Coronation est depuis les années 40 le principal revendeur des loteries, dont le fameux billet vert retiré en 2018. Comme la chance sourit régulièrement aux clients de Coronation, sa réputation à grandi rapidement. «J’ai arrêté de compter après le centième millionaire», dit Satish Moher, que nous avons rencontré dans sa demeure de la Rue Volcy Pougnet, Port-Louis. «Je suis presque tous les jours au Marché Central pour travailler. Mais avec l’âge, j’ai aujourd’hui 65 ans, il faut aussi prendre un peu de repos.»
Son portable n’arrête pas de sonner, des clients appelant pour réserver leurs billets. Satish Moher est presque toujours présent, assis sur son tabouret au Marché Central. Après toutes ces années passées à faire marcher le business familial, le sexagénaire affirme avoir toujours beaucoup de plaisir à travailler et à bavarder avec ses fidèles clients ainsi qu’avec tous ses amis qui travaillent au marché. « J’ai toujours été au Marché Central, même quand j’étais au collège Trinity, je venais les après-midis donner un coup de main à mon père.» Après de longues années passées aux côtés de ses frères, Varun et Shrad, âgés aujourd’hui respectivement de 62 et 60 ans, et après la fin du billet vert , c’est lui qui continue à s’occuper du business, même si ces derniers restent toujours co-directeurs de CoroLottery Ltd, la compagnie qui englobe toutes leurs activités commerciales.
Le début de l’aventure.
En entrant au marché de Port-Louis, à gauche, Tabagie Coronation est toujours là, au même emplacement qu’à l’époque où feu Shivdutt Moher avait fait ses débuts dans les années 40. Ce dernier vivait à l’époque avec son frère jumeau, Ram, dans le petit village de Victoria, à Flacq. Très jeune et sans emploi, il décida un jour de venir à Port Louis, accompagné de Ram, dans le but de trouver un travail. Il emprunta Rs 8 à un voisin et débarqua dans la capitale en 1940.
Il avait 15 ans. A l’époque, la situation économique du pays était très difficile avec la Seconde Guerre mondiale qui était en cour. Shivdutt Moher trouva du travail comme serveur de thé dans un lotel ditey , situé juste à côté du fameux marchand de rotis Manilall Roti. Le jeune Shivdutt servait le thé aux clients, nettoyait les tasses et les tables. Ram, de son côté, trouva du travail dans la petite boutique à l’entrée du marché grâce à ses oncles. A l’époque, la tabagie vendait des cigarettes au détail, des sachets de thé avec des photos d’acteurs célèbres ainsi que des dragées.
L’appel de l’armée.
Un beau jour, Ram Moher décida de s’engager dans le Royal Pioneer Corps. Selon lui, le travail à la tabagie n’avait pas un grand avenir. «Comme c’était la guerre, le business ne marchait pas très bien. Ram appela un jour mon père Shivdutt et lui dit qu’il devait s’absenter pendant quelques heures pour un travail très urgent et demanda à celui-ci de bien vouloir s’occuper de la tabagie. Et voilà que quelques heures plus tard Ram revint portant l’uniforme du Royal Pioneer Corps et annonca à mon père qu’il s’est engagé dans l’armée !» C’est ainsi que Shivdutt commence à travailler dans la tabagie.
Il prit son mal en patience et développa en même temps un très bon sens de marketing. En effet, il avait remarqué à cette époque que les commerçants voisins et les clients se querellaient souvent à cause du manque de petites pièces de monnaie. Shivdutt décida de passer à la banque tous les matins pour s’approvisionner en petites pièces, et dès qu’il y avait un problème, celui-ci se présentait et offrait son aide en proposant ses pièces. Il devint vite très populaire au marché et les clients s’arrêtaient souvent à la tabagie pour acheter des cigarettes au détail, des bonbons, mais aussi des billets de loterie.
Dame Chance.
Les fameux petits billets de loterie de couleur verte se vendaient dans un premier temps à 25 sous et avaient été lancés dans le but de récolter des fonds afin d’aider les anciens combattants qui revenaient de la guerre en Europe. En avril 1940, le premier gagnant de la loterie verte avait remporté un peu plus de Rs 10 300. En 2018, le gagnant pouvait remporter Rs 10 millions pour un billet acheté à Rs 10. Le succès de la Tabagie Coronation poussa ses dirigeants à délocaliser leurs services en proposant des vans sur la rue de la Chaussée et à Rose-Hill, Quatre-Bornes, Vacoas, et aussi à Rose-Belle, Flacq et Mahébourg.
Dans les années 80 que Satish Moher et ses frères prirent en charge la direction de leur commerce. Dans un premier temps Satish Moher voulait faire des études en Management en Angleterre. Il était même parti à Londres pour s’inscrire dans une université en 1977. Cependant, à Maurice le boom sucrier dû au prix fort du sucre sur le marché international fit que les Mauriciens avaient plus de pouvoir d’achat. Satish Moher fut vite rappelé à Maurice pour donner un coup de main. Il modernisa les services et mit en place, avec son frère Varun, des formules comme la vente de billets à des groupes de personnes. « Avec des associations de plusieurs personnes le client a plus de chances de gagner» nous dit Satish Moher. « Même à l’époque des billets verts nous avions adopté cette formule » ajoute-t-il, en rappelant que son père Shivdutt Moher avait remporté, en 2004, Rs 3 millions en association avec neuf personnes.
« Mon père était toujours resté un homme très simple malgré sa richesse. Il nous disait toujours de travailler honnêtement et d’accorder beaucoup d’importance à l’harmonie entre toutes les membres de la famille.» Sur la fin du billet vert Satish Moher est d’avis que c’est une partie du patrimoine de Maurice qui a disparut à jamais. Et avant de terminer il n’oublie de nous rappeler que le fameux nom de la tabagie Coronation a été inspiré par le couronnement de la reine Elisabeth II en 1953.