Il est indéniable: c’est au tour du CD d’avancer vers une mort certaine. Désormais, la musique se vend ou se présente en version digitale. Ce nouveau marché et ses multiples possibilités attirent artistes, producteurs et sociétés de gestion. Surtout en ce temps de Covid-19.
Dans un contexte difficile avec la pandémie de la covid-19 où les ventes sont quasiment au point mort, seuls quelques irréductibles persévèrent en sortant des albums physiques. Parmi : Blakkayo, Zulu ou encore Otentik Groove et Jason Heerah qui ont récemment dévoilé La Famille. Ces derniers sont conscients que le retour sur investissement est loin d’être garanti malgré les 1000 ventes déjà enregistrés sur les 3000 CD pressés. “Nou kone nou pe al fer enn cd nou pe mor. Si nou pa ti gagn enn sponsor, nou pa ti pou kapav fer li. Sel motivasyon se lamour pou la mizik e fer dimounn tann nou lamizik”, confie Chris-Jo Clair. Ce dernier confie avoir constaté un net recul dans les enregistrements en studio. Indication que l’industrie musicale tourne au ralenti. “Avant de devenir producteur, j’ai été simplement musicien. J’étais constamment en studio. Or, il y a une baisse conséquente désormais.”
Si les sorties physiques deviennent de plus en plus rares, de nouveaux sons continuent à être lancés. Il ne se passe quasiment pas une semaine sans qu’il n’y ait des lancements de singles de la part d’artistes connus et moins connus. Le public continue ainsi à être inondé de musique, il n’y a que le mode de transmission qui a changé. En effet, aujourd’hui, on peut monétiser de la musique sur les plateformes digitales tels que Deezer et iTunes. Mais également avec le streaming à travers Tic Toc, Youtube ou encore Instagram. On parle ici d’avantage de singles qui sont souvent accompagnés de clips et auxquels le public a accès gratuitement. Les rémunérations sont prédéfinis en fonction des plateformes. Il revient ainsi à l’artiste, producteur ou gestionnaire de savoir où placer les morceaux. La possibilité de faire des concerts online est d’ailleurs d’actualité avec la situation sanitaire qui prévaut même s’il faudra convaincre le public de payer pour y assister.
Les artistes l’ont compris, l’avenir de la musique est sur le net. Longtemps considéré comme l’ennemi des musiciens en raison du piratage, le web est aujourd’hui devenu un allié précieux. Jimmy Veerapin de Culture Events explique : “Nous ne comptons plus sur la vente de CD. L’avenir est dans le digital. Par contre, ne pensez pas qu’il suffit de mettre un morceau sur une plateforme et attendre d’avoir de l’argent. Il faut être intelligent et être présent régulièrement en ligne. Plus tu as des produits en digitale, plus tu peux te faire des sous. Je peux dire que c’est viable. L’avantage est que le produit peut durer dans le temps et donc continuer à ramener de l’argent sur une longue période. Cela nous rapporte entre Rs 200 000 à Rs 300 000 par an avec nos projets.”
Ce dernier confie ainsi mettre en place plusieurs stratégies pour que ce moyen soit rentable. Par exemple, en collaborant avec des influenceurs. “Je leur demande de faire des vidéos avec la musique que je produis et je les rémunère. Nous obtenons alors des rémunérations en fonction du nombre de vues. C’est un bon moyen puisque les influenceurs ont beaucoup de followers.”
En parallèle avec ce nouveau marché, les compilations reprennent du poil de la bête selon Bruno Raya. “La donne a changé, il est plus intéressant aujourd’hui de sortir un single et le vendre à un producteur qui le mettra sur une compilation. Alain Ramanisum et moi y avons eu recours pour un morceau que nous avons fait ensemble. Un producteur en France nous avait contactés, il va mettre la compilation sur itunes. Nous aurons un pourcentage en fonction des ventes”, explique-t-il. Ce dernier confie que le digital est positif à bien des égards. “Dan plas li pe partaze lor telefonn gratwitman, nou artis pe resi tous kitsoz kan piblik pe ekout li.”
Un coup de pouce des autorités requis.
Suivant le même raisonnement, Rico Clair, a emprunté la voie du digital pour ses récents projets. Producteur également désormais, en sus d’être chanteur et musicien, il indique cependant que la rentrée d’argent prend un certain temps. “Tu peux devoir attendre entre 5 à 6 mois pour toucher tes premières rémunérations. Mais, le digital nous permet au moins de toucher de l’argent même si ce ne sont pas encore des sommes conséquentes.”
Si le digital est une véritable bouée de sauvetage pour les artistes, il reste du chemin à faire pour que le marché se développe d’avantage. Un coup de pouce des autorités est, selon nos interlocuteurs, nécessaire. “Si les autorités souhaitent que la musique explose d’avantage, elles doivent mettre les appareils de l’État à notre disposition. Par exemple, on aurait pu monétiser la musique directement à Maurice au lieu de passer par des sociétés étrangères. Cela éliminerait les frais. De même, Mauritius Telecom aurait pu faire plus de pub autour de Deezer qu’il propose dans ces abonnements. Ils devraient pousser plus de Mauriciens à venir y écouter la musique locale. Ils seraient gagnants en terme de revenus tout comme nous. D’autre part, ils auraient pu proposer des concerts organisés à Maurice sur leur système d’à la demande”, souligne Jimmy Veerapin.
D’autre part, le combat contre le piratage demeure également une priorité selon Bruno Raya. “Si nou gagn enn koudme avec Mauritius Telecom, li ti pou pli bon. Nou pe lager pou ki la lwa amande pou ki pirataz la aret. MT li kapav ouver e ferm regar la. Zot bizin fer seki bizin pou ki sa marse dizital la vinn pli korek.”