Cinq saisons de plusieurs épisodes depuis 2012 : Crazy TV a pris ses marques après avoir été diffusée à la télé et désormais sur internet. Derrière cette émission humoristique, un réalisateur et comédien qui carbure aux idées folles. Nadeem Varsally sait faire preuve de sérieux en matière de rire.
L’air sérieux des jeunes professionnels de son temps, de grandes lunettes, de la réflexion dans la conversation et des idées qui jaillissent à tout bout de champ. Au premier abord, Nadeem Varsally n’a pas le profil de l’emploi. Si ceux qui le découvrent se fiaient aux préjugés, ils éclateraient peut-être de rire si ce diplômé universitaire leur était présenté comme l’un des plus brillants comédiens humoristes dans le paysage audiovisuel du pays. Mais les zozo ne se jugent pas à leur plumage. Nadeem Varsally répondrait par ce large éclat de rire propre à Master Kulfimalay, l’un des personnages qu’il incarne depuis quelques années sur Crazy TV.
Infaux.
L’émission a pris ses marques : cinq saisons d’une dizaine d’épisodes chacune depuis 2012, elle a été diffusée dans un premier temps sur la MBC, puis a largement circulé sur internet avant de se retrouver sur le service VOD de MYT. Elle cumule des milliers de views. Ses clips, ses gags, ses parodies, ses faux bulletins d’information et d’info routière sont des rubriques attendues. Les personnages qui y participent sont aussi connus. En sus de faire appel à des comédiens de son entourage, Nadeem Varsally peut aussi compter sur le soutien des humoristes de Les Moustikers. Alain Narainsamy est un fidèle parmi les fidèles. Des invités surprises acceptent aussi de jouer le jeu : Shan Ip et Palmesh Cuttaree sont de ceux qui ont fait partie du show, le temps d’un sketch.
Non satisfait de l’engouement suscité par Crazy TV, l’équipe a aussi lancé Squatters. Il reprend un peu le concept de sa précédente émission, Enn boug enn 35, où ses personnages placés en situation réelle se retrouvent dans des histoires aussi cocasses qu’absurdes. Faisant de la place à de nouveaux comédiens, cette émission s’est aussi rapidement fait connaître. Tout semble donc aller pour le mieux pour Nadeem Varsally en ce moment.
MacGyver.
“To pe badine ? Pena lavenir ar sa !”, lui avaient dit certains à qui il avait confié son intention d’entreprendre des études universitaires en audiovisuel. Nadeem Varsally venait de finir ses études au collège. Avec des amis, il y avait réalisé une vidéo au lieu du traditionnel magazine du collège pour résumer l’année. Caméscope en main avant de passer en studio, l’adolescent avait eu une idée générale du monde de l’audiovisuel. Il était beaucoup plus jeune lorsque, quelques années plus tôt, un épisode de MacGyver l’avait convaincu qu’il serait un jour comédien et qu’il ferait du cinéma. “Pourtant, personne de mon entourage n’exerçait dans ce domaine et j’étais un grand timide. Mais je savais que c’est ce que je ferai par la suite.”
Revenant vers Crazy TV, Nadeem Varsally précise que chaque épisode comprend des semaines de travail et de préparation. Le tout effectué dans un cadre et dans une ambiance professionnels. Rien n’est laissé au hasard par ce grand méticuleux, qui est entouré d’une bonne équipe. Les idées sont partagées et discutées et chacun est appelé à être à la hauteur de ses responsabilités. Avec son équipe, il a choisi d’être drôle sans être offensant : “Nous pouvons faire de l’humour et parler des gens, sans jamais les insulter ou les offenser. Nous veillons aussi à ce que notre langage ne choque personne et que même les enfants puissent nous regarder.”
Les Nuls.
Tout est pensé : les scripts, les lieux de tournage, les décors, la lumière, le cadrage, le montage. Il en coûte pour faire rire. Nadeem Varsally a choisi un humour mieux réfléchi, tout en restant abordable, sans sombrer dans ce gros rire facile qui tend souvent à tirer la scène humoristique locale vers le bas. Quand il a pensé Crazy TV, il a été largement inspiré par Les Nuls et d’autres émissions de Canal +, chaîne qui venait de faire son apparition à Maurice à l’époque.
Nadeem Varsally revenait pour sa part d’Ukraine. Il y avait rejoint une institution cinématographique, qu’il a fréquentée pendant quelques années jusqu’à décrocher une maîtrise. Mais tout n’a pas été mis en boîte facilement. Il a d’abord fallu qu’il s’adapte et qu’il apprenne le russe avant de s’investir pleinement dans ses études. Au début, les professeurs voulaient bien être conciliants, mais au bout de quelque temps, il a été logé à la même enseigne que les autres étudiants et a dû faire ses preuves. “J’ai voulu tenter le coup. Si je m’étais cassé la gueule, j’aurais eu la satisfaction d’avoir au moins essayé.”
Idées folles.
Une période sacrée où il a appris les rouages du cinéma. En s’ouvrant à cette autre culture, il s’est aussi forgé un esprit novateur pour devenir un pionnier à sa manière. Il a d’abord travaillé dans une boîte de production, en débutant au plus bas de l’échelle afin de mieux comprendre le domaine. Quelques années plus tard, il démissionne : “J’aurais pu rester et continuer ma carrière. Mais j’ai voulu me lancer dans le vide et voir ce que cela donnerait.” Devenu réalisateur indépendant, il prend le temps de nourrir ses idées. Son rapprochement avec la boîte DigiPro lui permet de passer aux choses sérieuses.
En ce moment, il a des projets de publicités en chantier et ses émissions à continuer. Des entreprises font aussi appel à lui pour des commandes spéciales puisque sa réputation n’est plus à faire. Dans ce domaine cependant, “rien n’est acquis”, dit-il. “Je dois faire attention et maintenir le niveau sinon la chute sera lourde.” Il garde donc son cerveau en mode création. Aussi folle que puisse être l’idée, plus brillante elle l’est pour le jeune homme.
Nadeem Varsally rêve désormais de cinéma. Pourquoi pas, après tout ? Puisque Crazy TV a démontré qu’il n’est finalement pas si crazy qu’il donne à penser.