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Human Story – Marie-Noëlle Babin, ancienne squatteuse de Pointe aux Sables : Sa nouvelle vie sous un toit

Marie-Noëlle Babin a peur d’être heureuse. Les deux dernières années ont été très dures pour cette ancienne squatteuse de Pointe aux Sables, qui faisait partie des 130 familles expulsées manu militari de leurs longères par le ministère du Logement en mai 2020. Habitant désormais Bois Mangue, à Plaine des Papaye, elle a pu souffler ses 50 bougies dans « ma maison », un mot qu’elle ne pensait  jamais pouvoir prononcé un jour.

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A.R-M.

Le 12 novembre 2021 Marie-Noëlle Babin et trois de ses neuf enfants ont pu dormir dans leur propre maison : “Nous étions tellement heureux que nous avions eu du mal à fermer les yeux. Ca nous paraissait surréaliste. Sa la zwa lor vizaz mo bann zanfan zame mo pou kapav blier. C’était la première fois de leur vie qu’ils pouvaient dire qu’ils étaient chez eux.” 

Ses enfants ont repris le chemin de l’école plus sereinement : “Ils n’arrivaient plus à se concentrer. Depuis que nous sommes ici, dès qu’ils sortent de l’école, ils sont appliqués dans leurs leçons.”  Ces derniers lui ont demandé de trouver un bureau qu’ils veulent installer dans leur chambre. L’ancienne squatteuse de Pointe aux Sables fait tout pour embellir sa nouvelle demeure. Elle a eu à tout reprendre à zéro ayant tout perdu en mai 2020 lorsque les bulldozers avaient débarqué et tout rasé. Dans la cour, elle fait pousser des légumes, une façon selon elle “de reprendre goût à la vie.”

Sans l’aide de plusieurs bienfaiteurs, et le soutien et l’accompagnement des bénévoles de l’ONG Drwa A Enn Lakaz (DAL), cette mère célibataire est bien consciente qu’elle serait toujours à la rue. Elle avait retrouvé l’espoir quand elle a su qu’elle recevrait une maison de la  NHDC à Bois Mangue, Plaine des Papayes : “Les gens ont tendance à croire que les squatteurs sont des fainéants. Je ne souhaite à personne de vivre la même situation.”

La peur d’être éjectée

Cependant, Marie-Noëlle Babin a peur d’être heureuse car, elle n’a toujours pas eu son contrat en mains. “Et s’ils venaient nous éjecter à nouveau, je n’ose même pas imaginer les  traumatismes sur mes enfants. Zot inn tombe leve ar mwa. Zot inn dormi anba latant, dan lekol ek foyer ar mwa. Je ne veux pas revivre ce stress d’être à la rue.” Une scène que Marie-Noëlle Babin se remémore sans cesse : “je n’arrive pas à dormir paisiblement. Je pense aux autres et je prie pour que le gouvernement puisse un jour avoir plus de considération pour ceux vivant dans la détresse. Zanimo mem ena so lakaz. Kuma zot kapav less dimoun soufer kumsa.”

Avec sa fille de 9 ans et des deux fils de 11 et 15 ans, ils avaient passé quelques nuits sous une tente avant d’être logé à l’école Henri Souchon. Puis, de là l’ONG DAL les avaient transférés, ainsi que onze autres familles, au Foyer Fiat.  Elle fut la dernière a quitté les lieux :  » Ce n’était pas évident pour les enfants. Surtout quand les autres partaient dans leur maison. Ils me demandaient toujours kan nou pou ale mama”

Avant d’être squatteuse sur ce terrain de l’État à Pointe aux Sables, la quinquagénaire  essayait tant bien que mal d’offrir une vie convenable à ses enfants. Mais les mésaventures se sont enchainées. D’abord, le propriétaire décida de reprendre la maison qu’elle louait et c’est chez un de ses aînés qu’elle avait trouvé refuge. Mais l’espace était trop petit pour toute la famille : “J’ai encore tous mes rent books pour prouver que j’étais une personne qui m’acquittait toujours de mes loyers sans aucun retard.”

Un parcours de misères et mésaventures

Ce, malgré le fait de vivre uniquement grâce à une pension d’invalidité car, Marie-Noëlle Babin est sous traitement pour des crises d’épilepsie qui l’ont contrainte d’arrêter de travailler. Avec ses maigres revenues, elle pouvait à peine nourrir ses enfants : “Swa nou manz gramatin swa nou manz ziss a swar. Et des fois ma pension est coupée pendant plusieurs mois même si ça fait 22 ans que je suis mon traitement à Beau-Bassin.”

Malgré tout, l’ex-machiniste était très déterminée à se sortir de la misère. Elle avait entrepris des démarches depuis plus d’une dizaine d’années auprès de la MHC d’Ébène pour acheter un bout de terrain mais en vain : “J’avais pu économiser jusqu’à environ Rs 200, 000. Me kuma mo ti pe bisin loue ek okip mo bann zanfan monn fini par tir kass la pou kapav viv ek debat.” Sans compter que son ex-compagnon avec lequel elle n’était pas mariée, avait mis son nom sur une maison avant de la mettre à la porte. Et ce n’est plus tard qu’elle a été informée que son dossier à la MHC était resté en suspens puisqu’elle était considérée comme étant déjà propriétaire d’un bien : “Je ressens beaucoup d’amertumes vis-à-vis des autorités. J’ai beaucoup lutté avant de finir squatteuse. Me zot finn vinn rass nou leker ek kraz partou.”

50 ans et à l’abri d’un toit

En décembre dernier, c’est avec beaucoup d’émotions que Marie-Noëlle Babin a pu fêter ses 50 ans dans sa nouvelle maison. “Mon parcours n’a jamais été de tout repos. J’ai eu mes enfants très jeune, et j’ai subi des violences domestiques. Mais le fait d’avoir un toit sur ma tête et celui de mes enfants, je veux bien croire que de nouvelles pages sont écrites pour nous.” Dorénavant sa priorité est de payer jusqu’au dernier sous cette maison composée de deux chambres à coucher et un coin wc et salle de bain à l’étage, et au rez-de-chaussé un salon/salle à manger et cuisine. Elle veut léguer ce bien à ses enfants : “Pour que personne ne vienne les pointer du doigt ou les rabaisser.” Son message aux autres familles en détresse : “N’abandonnez pas et persévérez dans vos démarches. Marse gramatin a swar si bisin. Il y a de l’espoir et surtout des bonnes personnes comme l’ONG Drwa A Enn Lakaz pour vous aider.”

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