Human Story : les fades fêtes d’Estelle, mère célibataire

Pas de décoration de fêtes, aucun menu élaboré pour le réveillon. Pas de shopping ou autres petits plaisirs qui rendent cette période de l’année unique. Pour Estelle et ses deux enfants, saison festive ou pas, cela ne fait aucune différence dans leur routine. La petite famille a toujours vécu avec le strict minimum et se contentera de survivre. C.L.

Pour seule décoration, Estelle a récupéré la branche d’un sapin de Noël et l’a placée dans un bidon d’eau devant la porte d’entrée. “Mes enfants m’ont dit de ne pas le mettre à l’intérieur parski li tro vilin”, confie-t-elle. Ne pouvant se payer le luxe d’un vrai arbre de Noël, c’est la seule alternative qu’elle a trouvé.

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Dans sa maison, rien non plus qui rappelle la période festive. Lorsque nous rencontrons la mère célibataire rentre d’un petit boulot qu’elle a pu dégoter pendant deux jours pour nettoyer une maison. “Je n’ai pas de travail stable. Quand  on fait appel à mes services, je suis obligée d’y aller même pour Rs 300 la journée.”

Décembre reste la période de l’année la plus compliquée pour cette jeune femme. Bien que ses enfants aient appris à se contenter de peu, de ne pouvoir leur faire plaisir peine la jeune femme. “J’aurais aussi aimé pouvoir les emmener faire du late night shopping, manger une pizza, décorer notre maison pour Noël et le nouvel an.” La gorge nouée par l’émotion, Estelle ne peut s’empêcher d’avoir les larmes aux yeux en nous parlant. Toutefois, elle se reprend très rapidement.

Nou kas bred mouroum, frir pom de ter”

Elle a beau vivre dans la précarité, mais les principes et les valeurs sont importants dans sa vie. “Kan nou ena nou ena, kan nou pena, nou pa demann personn selman”. Bien qu’elle soit reconnaissante de l’aide de ses proches et des bienfaiteurs à l’occasion. Pas question d’aller mendier des repas ou de l’argent. Elle accepte de ne rien manger certains jours pour que ses enfants aient de quoi se mettre sous la dent. “Au point où j’ai été hospitalisée quatre jours le mois dernier car je souffrais d’une anémie”.

Son fils âgé de 12 ans est végétarien mais ce n’est que rarement qu’elle peut se permettre d’acheter des légumes. “Nou kas bred mouroum, frir pom de ter et manz avek diri rasyon.” Ses deux enfants bénéficient d’une aide sociale à hauteur de Rs 1 500 chacun. Avec cette somme, Estelle essaie de mettre un peu de normalité dans leur vie. “Je ne pourrais jamais leur offrir une Xbox, le portable qu’ils demandent pour Noël et ces autres gadgets hors de prix sur le marché. Cependant, je ne pense pas faire des folies en leur offrant la chaine satellitaire. C’est le seul plaisir qu’ont mes enfants”.

Epoux alcoolique et violent

Six ans déjà depuis Estelle est seule. La vie ne lui a jamais fait de cadeau. Ses sœurs et elles ont grandi dans une famille avec un père alcoolique qui faisait subir des violences à sa femme et ses enfants. “Je ne sais pas lire, ni écrire. Depi laz katorz an mo travay dan lakaz madam. J’ai dû arrêter l’école pour aider ma mère. Elle travaillait dans une usine, mais mon père lui prenait tout son argent. Certains jours, nous n’avions rien à manger.”

Quand elle rencontre le père de ses enfants, elle n’hésite pas une seconde à s’installer avec lui. Cependant, elle revit le même cauchemar. Au bout de six ans de vie commune, Estelle quitte ce mari aussi alcoolique et violent que l’était son père.

Un modeste repas mais savoureux

Ses enfants sont ballotés de maison en maison. “Ma fille âgée de 10 ans a même été victime d’attouchements chez des proches. Je n’ai eu d’autres choix que de les dénoncer aux autorités.” Estelle trouva refuge temporairement chez une autre connaissance. “Au début tout allait bien. Puis, elle a commencé à lancer toutes sortes de commentaires, à mes enfants et moi, nous faisant nous sentir comme des moins que rien.”

Au bout de quelques mois, la famille trouve une maison à Albion. Bien qu’elle soit au dessus de ses moyens, elle peut compter sur sa mère et sa sœur pour l’aider. “Certains jours c’est difficile de joindre les deux bouts. Cependant, le plus important pour moi, c’est que mes enfants aient enfin un chez eux.”

Pour le réveillon du nouvel an, elle leur préparera un repas modeste mais savoureux. “Ma fille adore manger du salmi de poulet. Je vais lui en préparer avec lapat poul ou likou poul.”

Pour les fêtes, elle souhaite avant tout que ses enfants soient heureux. Son souhait pour 2022 “de trouver un bon emploi et pouvoir faire plus pour mes enfants. Ils ont beaucoup souffert et méritent de vivre normalement”.

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