Si sa santé était toujours bonne, Iswar Boolkah, 75 ans serait encore au petit soin des sportifs. Ce kinésithérapeute et masseur a rejoint le Sport Medical Unit dans les années 85, et jusqu’aux derniers Jeux des Iles de 2019, il a été « the man behind the curtain” aux côtés de nombreux grands champions mauriciens. Football, cyclisme, athlétisme, boxe, entre autres disciplines sportives, Beenose pour les intimes, a toujours répondu à appel de ceux qui faisaient confiance à ses mains. Pendant ses 50 ans de carrière dans l’univers sportif, ce Rose-Hillien a vécu des émotions et de riches expériences. Aussi bien que de nombreuses rencontres qui ont évolué en de solides amitiés. À 75 ans, il espère recevoir et d’accrocher à son mur « un petit bout de papier » exprimant de la reconnaissance pour son travail.
Sa carrière a été tellement riche et longue qu’Iswar Boolkah se perd dans les dates, les souvenirs et dans les nombreux photos et certificats, entres autres remerciements et médailles. Il est très attaché à tout cela surtout depuis qu’il a choisi de prendre sa retraite du monde sportif après les Jeux des Iles de l’Océan Indien de 2019. Le kinésithérapeute et masseur de profession a été présent aux dix éditions, sans exception. Mais aujourd’hui, à 75 ans, sa santé ne lui permet plus de soigner et d’accompagner les athlètes. Il s’est retiré sur la pointe des pieds, un peu comme il a toujours mené sa carrière discrètement au Medical Sport Unit. N’empêche, son professionnalisme, sa réputation et son efficacité continuent à faire que certains viennent toujours frapper à la porte de son cabinet chez à Rose-Hill. “C’est toujours à contrecœur que je dois refuser de les aider. Mais, heureusement que j’avais préparé mon fils à prendre la relève. D’une certaine façon, ma mission de soigner les autres peut se poursuivre”.
De professeur de yoga à kinésithérapeute
L’émotion est très forte lorsqu’Iswar Boolkah raconte à son parcours. Une profession dans laquelle il nous confie s’être retrouvé par pur hasard. En effet, à la base, il a commencé à exercer à l’âge de 19 ans comme professeur de yoga pour le compte Shivananda Yoga & Healing Association. “C’était aussi une autre manière d’être là pour aider et soigner les gens. Je ne m’étais pas vraiment mis en tête de faire autre chose, car je me sentais bien dans cet univers”.
C’est par le biais d’une de ses élèves, qu’il se voit proposer l’idée d’envoyer sa candidature au ministère des Sports et de la Jeunesse. Iswar Boolkah se souvient n’avoir pas vraiment pris au sérieux la proposition. Il n’avait, non plus pris la peine de remplir le formulaire. C’est son épouse qui s’est chargée de le mettre à la poste après lui avoir demandé d’y apposer sa signature. “Je l’ai fait sans aucune conviction, car je me demandais qui voudrait recruter un simple professeur de yoga”. Mais il était loin d’être incompétent car en terme de formation, il avait suivi des cours en homéopathie, en réflexologie, shiatsu, Do-in. À sa grande surprise, il se retrouva parmi les candidats sélectionnés avant d’être recruté comme masseur en 1985.
Propre technique…
C’est ainsi que débuta la carrière de ce Rose-Hillien à la Medical Sport Unit. Dès lors il s’est mis au travail en gardant toujours comme principe « fait l’action, n’attend aucun fruit. Et que le fruit de ton action ne soit pas ton motif ». En toute humilité et discrétion, avec passion et dévotion, le kinésithérapeute s’est alors mis à la disposition des athlètes. “Malgré la présence de plusieurs autres masseurs ils étaient de plus en plus nombreux à faire appel à moi pour leurs soins”.
Au même moment, il fit la rencontre d’Akbar Patel et de Désiré L’Enclume. Tout en poursuivant son travail à la Medical Unit, Iswar Boolkah fut approché pour travailler avec des jeunes footballeurs. “J’étais parmi les premiers à travailler dans le centre médico-sportif du Centre National François Blaquart (Ex Centre National de Formation à Réduit). Et c’était Michel Chan Kye qui était en charge”. Au fil des mois de pratique, Iswar Boolkah se rendit compte de certaines lacunes. “Pour moi, c’était assez incompréhensible d’étaler les soins sur plusieurs semaines alors qu’on est capable de le faire en quelques jours. Pendant ce temps l’athlète rate tous ses entraînements. J’aimais trop le sport et les athlètes pour bloquer un athlète. C’était contre mes principes et ma mission en tant que professionnel”. Il décida donc de mettre sa technique de soins en place et installa un petit cabinet chez lui. Cela a contribué à construire sa réputation. “Je ne l’ai pas fait pour l’argent ni pour la gloire. Ma seule récompense était de voir que plusieurs athlètes faisaient confiance à mes mains”. Parmi, il cite Maryse Justin, une fidèle qu’il a longtemps accompagné.
Des rencontres et amitiés
Dans les années 88, lorsque Bernard Li Kwong Ken demanda à la Medical Sport Unit de trouver quelqu’un pour la sélection de Maurice de cyclisme, c’est Boolkah qui se vit confier cette tâche. Il passa des années dans cet univers. “J’ai connu des grands cyclistes de l’époque qui m’ont toujours encouragé à rester dans le cycliste comme Patrick Haberland, Bruno et Patrice de Coriolis, Alain et Woodley Denis, Stewart Pharmasse, les trois frères L’Entété. Zot tou finn pass dan mo la me. Nous avons remporté énormément de prix. Il y avait aussi Colin Mayer avec qui je me suis lié d’une grande d’amitié à tel point qu’il m’a aussi confié son fils pour les soins”.
Cela ne l’empêcha pas pour autant de faire le va-et-vient entre le cyclisme, l’athlétisme et autres sites de compétitions où il fit la connaissance d’Eric Milazar, de Stephan Buckland et de Bruno Pothanah. D’ailleurs, concernant ce dernier, le kiné s’empresse de nous raconter un épisode particulier : “Il a failli ne pas participer à un Jeux des Iles suite à un claquage. Il est venu me voir pour me demander de l’aide. Je l’ai soigné ici sur cette table chez moi et après deux jours il est reparti au Medical Sport Unit pour repasser un test afin d’être à nouveau remis sur la liste. Il fut présent sur une course 4×100 où l’on craignait la victoire de la Réunion. Maurice, avec Bruno Pothanah, a décroché la victoire”.
Lor latab Boolkah
Au fil de la conversation, il y a aussi quelques amertumes qui lui reviennent à l’esprit. Parmi, le fait qu’il s’est vu souvent travaillé bénévolement. “Il était convenu à l’époque que je perçoive Rs 50 par heure. Mais je n’ai jamais recu une roupie et je n’ai jamais eu l’envie non plus de faire la démarche de réclamer mon du. Pendant mes 20 ans pour MFA, j’ai travaillé gratuitement sans compter que je n’hésitais à débourser de ma poche pour les médicaments”.
Il nous explique n’avoir aucun regret car il était fier d’être aux côtés de ses footballeurs.
Il préfère se conforter à l’idée que grâce à son métier, il a pu voyager. En effet, durant sa carrière, Iswar Boolkah a plusieurs fois eu la preuve que son talent et sa compétence en tant que masseur et kinésithérapeute avaient de la valeur. Pas uniquement à Maurice mais aussi à La Réunion. “Je n’ai jamais fait des choses dans l’espoir d’avoir quelque chose en retour. Mais, la vie m’a montré plusieurs fois que les récompenses viennent si on les mérite vraiment”. Comme exemple, il nous raconte sa rencontre avec Philippe De Cotte, président du Comité Réunionnais de Promotion du Vélo (CRPV) qui était en déplacement à Maurice avec cinq coureurs parmi Richard Barret. Ce dernier était présent mais ne pouvait pas prendre le départ à cause d’une blessur. “Philippe De Cotte a demandé à José Achille s’il ne connaissait pas un bon kiné pour son coureur. Mo met li lor la tab. J’ai travaillé sur lui et dès le lendemain Barret a repris son vélo pour l’entraînement.” Lorsque Philippe De Cotte a demandé le prix des honoraires, Iswar Boolkah lui a réclamé “uniquement son amitié.” Pendant environ 7 mois, le Mauricien s’est vu offrir billets d’avion, logement, nourriture et argent de poche pour partir soigner et accompagner la sélection réunionnaise lors du Tour de la Réunion.
A quand la reconnaissance…
Jusqu’en 2019, Iswar Boolkah précise avoir toujours pris son métier avec sérieux. “En fait mon rôle ne se limite pas qu’à préparer et soigner physiquement les sportifs. Je deviens aussi leur confident, leur psychologue car si on ne soigne pas le moral, le corps ne pourra pas suivre”. Il nous explique qu’il faut d’abord ausculter avant d’identifier le massage et les soins qui conviennent. Ce qui l’amène à ouvrir une parenthèse qui porte sur le cœur. “Ils sont peu ceux qui reconnaissent l’importance du paramédical dans la réussite d’un athlète ou d’une équipe”. Surtout que sans ses mains, de nombreux sportifs n’auraient jamais pu monter sur un podium. Il se demande d’ailleurs, si de son vivant, il finira par recevoir « un petit bout de papier” qu’il ne cesse de réclamer comme preuve de ses années de bons et loyaux services. “Si ca ne tenait qu’à moi je m’en serai bien passer. Mais j’ai fait plusieurs fois cette demande parce que j’ai deux petits-enfants. Et j’aurai souhaité qu’un jour ils puissent regarder ce certificat et est fier ce que leur grand-père a accompli”.