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Hempress Lionne et General Love : Rythm’n’Style du ghetto

Ils incarnent la nouvelle fierté des ghettos. Entre la tôle rouillée, dans les ruelles des cités tout comme dans les villas de luxe, ils poussent le urban style à un autre niveau à travers le dance-hall et autres dérivées du hip-hop. Depuis quelques mois, leurs différents singles les ont propulsés dans les charts. Pour en parler, Élora Augustin, 30 ans, et Jean Christiano Marla, 29 ans, nous ouvrent leurs portes à Résidence Kennedy.

Eux disent toujours : “Site Kennedy.” Ici, le changement cosmétique n’a pas gommé le sentiment de laisser pour compte. Le niveau des infrastructures publiques est toujours à revoir, les facilités et le développement destinés à soulager les locaux de la promiscuité et des maux sont toujours attendus. Malgré les fléaux et les préjugés qui sont souvent associés à leur site le couple rappelle qu’il y a aussi du bon à vivre ici. L’entraide, la solidarité, le sentiment d’appartenance, ceux qui réussissent, etc, apportent de bonnes ondes. C’est aussi pour mettre en exergue l’autre versant de la carte souillée que Hempress Lionne et General Love ont choisi Kennedy, avec le vidéaste Allan Kartel et son équipe, pour tourner le clip de leur dernier single, Mo trap, lancé il y a quelques semaines et qui est en passe de devenir l’un de leurs nouveaux succès.

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Ils ont le style, le rythme, le flow, les mots, la chorégraphie et les images comme dévoilés dans la dizaine de clips lancée jusqu’ici. À chaque fois le décor varie : des tôles rouillées, les sourires du ghetto, les étagères d’une boutik sinwa, le cadre chic d’une villa au bord de l’eau ou encore la cabine futuriste d’un film de science-fiction. Les accoutrements sont stylés, de l’urban-chic saupoudré de bling, décontracté et coloré. Leurs rythmes font bouger les corps et s’accordent au rythme des banlieues : dancehall, trap, les héritiers du hip-hop naviguent sur les tendances nouvelles avec une musique épurée où s’entremêlent plusieurs variantes et sonorités. Une musique illustrée par des vidéos portant la griffe d’Allan Kartel.

En solo et surtout en duo, Hempress Lionne et General Love ont mis quelques années pour se faire connaître dans l’urban music de Maurice à travers des singles comme : Bubblin Queen, Kouma nou al sa, Wine like that, Goody good, Made over you, entre autres. General Love chante Wine sa slowly avec Blakkayo sur l’album Soz Serye. Il est aussi en featuring avec Elijah sur Fer plas, a placé sa voix sur les deux albums de Mr Snyp, et avec Hempress Lionne il est sur Bruk it avec DJ Ash. Cette dernière a débuté comme choriste aux côtés de 102 Rebellion, Don Panik, puis a accompagné Ras Ricky, Rasinn et quelques autres chanteurs avant de prendre le micro principal.

Sur les différentes plateformes ils cumulent des centaines de milliers de views, de nombreuses notes d’encouragement et sont régulièrement en live dans des show cases et sur d’autres autres scènes. “Beaucoup de gens nous connaissent. Beaucoup d’autres ne nous connaissent pas. C’est pourquoi nous continuons le travail et restons réguliers dans la sortie de nos singles afin que nous puissions continuer à avancer”, explique General Love avec l’approbation de sa compagne Hempress Lionne qui nous reçoit dans la maison des siens à Quatre-Bornes.

A Site Kennedy, quand ils étaient sortis dans les rues pour tourner Mo Trap les mamans avaient habillé leurs enfants pour qu’ils participent au tournage, les habitués de la varangue de la boutique s’étaient mis devant la caméra, les propriétaires des molosses avaient fait venir leurs gros toutous et rendez-vous avait été donné dans lakroize. “Quand les gens ont su ce que nous faisions, ils ont voulu participer” dit Élora Augustin, 30 ans, qui se présente comme pur produit de Cité Kennedy quartier où elle a grandi et où elle a découvert sa voie.

Mo Trap a été imaginé ici dans le petit studio que son compagnon Jean Christiano Marla a aménagé dans une pièce de leur maison. Cet espace, il l’équipe petit à petit et apprend à maîtriser le matériel : “pour ne plus avoir à dépendre des autres.”

Il n’y a pas longtemps, Général Love s’y était installé, avait trouvé quelques accordes de guitares et s’amusait avec d’autres sonorités quand Hempress Lionne était passée par là. L’air qu’elle avait improvisé en écoutant son travail s’accordait parfaitement avec sa création. « Comme nous le faisons souvent au départ nous avions pensé à un texte en anglais. Mais depuis quelque temps, nous voulons toucher davantage les Mauriciens et valoriser le kreol. Nous avons alors écrit les paroles de la chanson. »

Un rythme lent sur des accords hip-hop, ces férus de dancehall s’essayaient pour la première fois à la trap sans trop y croire. L’excitation manifestée par Allan Kartel lorsqu’ils lui présentèrent la maquette en fit un grand projet. Le single lancé à travers un clip il y a quelques semaines continue à récolter des vues et des commentaires positifs.

Hempress Lionne et General Love c’est aussi une affaire de style : lunettes épaisses, dreads, chaussures compensées, vêtements stylés et beaucoup de couleurs. Dans les clips comme dans la vie c’est ainsi que le couple a décidé d’être sapé pour mieux incarner l’urban-style dont ils sont les ambassadeurs. Ça, c’est l’autre dada d’Élora Augustin. Hempress Lionne s’inspire des tendances présentes et passées tant pour elle que pour General Love qui a compris qu’il pouvait se fier à elle : “même si parfois je ne comprends pas ce qu’elle veut faire quand elle me dit d’acheter un vêtement au départ.”

Pour la jeune femme, ce ne sont pas les marques ou la valeur des produits qui comptent : « Il faut avoir du goût et savoir bien faire les choses. Ça, peu importe votre situation financière. Si vous n’avez pas le style en vous, vous ne pourrez pas vous le payer.» Les parents de Jean Christiano Marla avaient 18 et 19 ans, quand avec leur bébé d’un an, ils avaient quitté Rodrigues pour Maurice. Ils avaient vécu dans différents endroits et c’est dans une maison en tôle de Bambous que General Love a grandi. “Je travaillais comme manev masson, mais quand je sortais de chez moi il fallait que je sois bien habillé. J’économisai sou après sou pour m’acheter ce dont j’avais besoin,” explique-t-il. “Nous ne sommes pas obligés de ressembler à nos problèmes”, ajoute Hempress Lionne en parlant des conditions financières difficiles rencontrées. “Et peu importe le succès qui viendra nos cœurs appartiendront toujours à ces régions d’où nous venons.” Le couple a choisi d’offrir une autre image des ghettos, son clip Bubblin Queen a été tourné entre les cases en tôles rouillées et les étroits couloirs de Bangladesh à Tranquebar, une de régions les plus affectées par la pauvreté et l’abandon.

https://www.youtube.com/watch?v=m4FFmKphU-o

Alors que Hempress Lionne avait fait ses premiers pas avec des groupes de Cité Kennedy, General Love jouait ses premiers morceaux sur une batterie en boîtes de fer-blanc à Bambous. Depuis, bien du chemin a été parcouru par les deux qui espèrent servir d’exemple et d’espoir pour des jeunes qui vivent les conditions difficiles qu’ils ont connues. Une de leurs grandes décisions a été d’arrêter toute autre activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à la musique. Souffrant d’endométriose, l’ancienne opératrice de call centre peut aussi mieux se centrer sur elle pour affronter les angoisses et les douleurs qui en découlent. Parallèlement le travail continue dans le petit studio où General Love se partage entre les fonctions de beat maker, d’ingénieur, de mixeur, de producteur, etc. Alors que Mo Trap est en pleine lancée, d’autres projets sont déjà en chantier.

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