Depuis quelques semaines, l’île aux Aigrettes est de nouveau ouverte aux visites après des interruptions dues à la marée noire causée par le MV Wakashio et ensuite à la pandémie de la Covid-19. La Mauritian Wildlife Foundation a, en effet, recommencé ses tours guidés où le public profite à la fois d’une sortie de loisir et éducative. Scope est allé se promener au milieu des nombreuses espèces endémiques et indigènes qu’on trouve dans cette île corallienne posée dans le lagon de Mahébourg.
À peine les pieds posés sur le sol corallien de l’Île aux Aigrettes, le dépaysement est instantané. L’air salin, la flore luxuriante et les chants des oiseaux créent une atmosphère unique. En ce lieu nommé en hommage aux Aigrettes, oiseaux marins qui s’y posaient jadis, un éco-système hors du commun s’est installé avec l’aide de l’humain. Complètement déboisée pendant la période coloniale, l’île a repris du poil de la bête dans les années 90 pour devenir aujourd’hui un exemple mondial en terme de conservation de la biodiversité.
L’oiseau à lunettes joue à cache-cache.
Après quelques mètres de marche seulement, en compagnie de notre guide, Letichia Hilaire, un cardinal de Maurice vient nous souhaiter la bienvenue, se tenant tout de même à distance respectable. Il s’agit d’un mâle, reconnaissable à sa tête rouge vive. La femelle arbore elle une robe marron. L’île abrite environ 400 spécimens de cette espèce endémique. Nous en rencontrons quelques autres en route.
Si le cardinal n’a pas été timide, l’oiseau à lunettes joue à cache-cache. Nous ne l’bservons qu’à une reprise malgré les cris entendus tout au long de la visite. Plus loin, nous tombons sur un magnifique pigeon des mares, aussi appelé pigeon rose, perché sur une branche. Il se tient non-loin des mangeoires spécifiquement fabriquées pour lui dans lesquels il retrouve les compléments de nourriture dont il a besoin.
4 000 plantes produites par an.
Suivant notre guide, nous prenons la direction de la pépinière de l’île, maillon incontournable de l’écosystème de l’île. C’est en son sein qu’a grandi la dizaine de milliers de plantes qui colonisent aujourd’hui l’île aux Aigrettes. De nos jours, quelques 4 000 plantes sont produites annuellement dans la pépinière.
Poursuivant la visite, nous apercevons un des deux geckos endémiques de l’île, le phelsuma ornata. La femelle, reconnaissable à sa robe marron tirant vers le vert foncé, se tient sur une feuille de vacoas, sa cachète préférée. Le günther’s gecko, et ses 25 cms de longueur, est lui beaucoup plus difficile à observer, ne se montrant qu’en de rares occasions.
Tortues géantes d’Aldabra.
Non-loin de là, nous tombons sur deux tortues géantes d’Aldabra. D’abord George, la toute nouvelle recrue qui a néanmoins déjà 120 ans, et une femelle qui s’approche de nous à son rythme. Elles font parti des 26 tortues sur l’île et qui y ont été emmenées pour remplir le rôle écologique de la tortue géante de Maurice qui a disparu. Comme cette dernière, elles permettent aux ébéniers de l’île de se disperser et ainsi avoir plus des chances de survie. Ceci en dévorant leurs fruits et déféquant les graines loin de l’arbre mère. Au pied d’un des ébéniers, nous tombons sur une tortue juvénile qui se balade tranquillement.
Sur le sentier un peu plus loin, nous nous immergeons dans ce qui est surnommée la forêt d’ébène. Sur plusieurs dizaines de mètres, on retrouve le Diospyros egretarum, le seul ébénier qui pousse sur l’île aux Aigrettes. Contrairement aux autres ébéniers, son écorce est blanc mais son coeur est aussi noir que ceux de ses cousines. À leurs pieds, poussent de nombreux fougères alors que le sol est spongieux tout au long.
Hétérophyllie.
En tout, l’île aux Aigrettes héberge une soixantaine de plantes endémiques à l’instar du Bois chandelle, bois de poivre, bois poupard, bois de clou, bois de raynette ou encore le bois de poudre. Parmi, elles, certaines, comme le bois de rat, ont développé des parades pour ne pas se faire dévorer par les tortues quand elles sont au stade de plantules. Pour ce faire, elle sont devenues hétérophiles, leurs feuilles sont longues et munies d’une veine rouge au milieu ce qui est synonyme d’amertume dans la nature. Quand elle grandissent et que leurs feuilles sont hors de portées des tortues, elles prennent une autre forme.
Nous approchant du Bay viewpoint, nous sommes surpris par des sons de mouvements. Sur une branche sèche au sol nous apercevons un majestueux scinque de Telfair qui nous laisse l’observer quelques secondes avant de prendre la fuite. Alors que le scinque se faufile sous le lit de feuillages au sol, nous visitons le bâtiment sous le Bay viewpoint qui comportait jadis un générateur. Vient ensuite le moment de grimper sur le bâtiment en prenant les escaliers où nous sommes ébahis par la vue prenante sur la baie de Mahébourg, la chaîne de montagne ainsi que les îlots du sud-est.
Après plus d’une heure de visite, nous entamons les derniers instants de la visite où nous découvrons plusieurs palmiers dont le latanier bleu et le palmier bouteille dont la forme interpelle. Après la découverte du Visscher’s viewpoint, nous découvrons une petite cave incrustée dans la roche. Nous avons également l’occasion de voir quelques vestiges de l’époque coloniale à l’instar du four à chaux et d’un canon.
La marée noire
Vikash Tatayah : “Il faudra 4 ou 5 ans avant de ressentir les effets”
Affectée par la marée noire l’année dernière, l’île aux Aigrettes n’a pas encore ressenti les effets de cette dernière. Comme le fait ressortir Vikash Tatayah, directeur de la MWF, “Il faudra 4 ou 5 ans avant de les ressentir.” Il souligne cependant que, d’après les informations récoltées, la marée noire touche d’abord les insectes ainsi que d’autres invertébrés. “Ce groupe se trouve à la base de la chaîne alimentaire. Les oiseaux et reptiles insectivores, peuvent être impactés indirectement. Nous faisons un suivi de toutes les espèces sur l’île.” La seule espèce sur laquelle on peut mesurer l’impact probable de la marée noire, est le cricket de l’île aux Aigrettes qui n’a pas trop été observé ces deniers temps. Quant aux plantes qui ont été touchées ou éclaboussées par les résidus d’huile, certaines ont été élaguées et d’autres laissées comme telle pour voir si elles arrivent à reprendre d’elles-même.