(Dossier) Chez les Laprovidence : des rastas à l’ère techno

A Petite-Rivière, Steve et Farla se dévouent afin que Sarafina et Naïma soient plus tard des femmes épanouies et des citoyennes responsables. Des rêves partagés par tout parent et aussi au sein de cette famille où la culture ancestrale s'adapte à l'ère contemporaine. Conscient que leurs dreads peuvent être synonymes d'obstacles, ils s'évertuent à prôner le respect d'autrui, en souhaitant simplement qu'il soit mutuel. De : Joël Achille.

(Ce dossier a été publié en avril 2018 par Scope Magazine)

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Sarafina, 16 ans, s’installe devant son orgue. Assise à côté, sa petite soeur Naïma, 9 ans, l’observe attentivement. Steve et Farla l’encouragent, comme ils l’ont toujours fait depuis qu’ils ont voulu qu’elle soit initiée à la musique. Les yeux sur les partitions, les doigts gambadent avec assurance sur le clavier. La jeune fille joue Redemption Song, de Bob Marley. « Emancipate yourself from mental slavery », dit le chanteur jamaïcian. Comme ce dernier, la famille Laprovidence a choisi sa voie : le rastafarisme. Des dreads et une philosophie bien ancrée, mais la charmante famille n’oublie pas à quelle époque elle appartient et vit au présent.

Coutumes et modernité.

Leur domicile à Petite-Rivière constitue un exemple d’architecture moderne. Celui-ci est bâti en forme d’arc angulaire et comporte un spacieux jardin en son centre. Des fauteuils en bois installés sous la varangue permettent de profiter de l’air frais qui se faufile entre les champs alentour. De grandes baies vitrées laissent, elles, entrevoir une photo de Bob Marley. À l’intérieur, le portrait imposant d’une femme africaine domine la cuisine et le coin télé.

“ Nous suivons les coutumes ancestrales, mais nous réalisons aussi que nous sommes en 2018 ”, indique Farla Laprovidence, qui travaille dans le domaine du marketing au sein d’une firme privée. “ Nous nous adaptons donc avec notre temps ”. Leur quotidien ressemble à celui de la plupart des Mauriciens. Métro, boulot, dodo. Les jours commencent par une prière « pou demann lekleraz pou lazourne », et se terminent par « bann remersiman aswar e lektir enn pasaz Labib », relate Steve Laprovidence, professionnel en plomberie.

Après la séance photo, Naïma Laprovidence relate son rêve de devenir danseuse. Mais pour l’heure, ce sont les bras de Morphée qui attendent de la bercer. Demain c’est école pour la petite, qui passe la cinquième à l’école de Notre Dame du Bon Secours. Sarafina Laprovidence connaît également une année fatidique : elle est en lower à Belle Rose SSS. Étudiante en langues et en sociologie, la jeune femme ambitionne de devenir professeure en sociologie à l’université ou au collège.

Respect des autres.

Ses longues nattes lui glissent des épaules et reposent sur la chaise en bois sur laquelle elle est installée. “ Je n’ai pas rencontré de problème à l’école à cause de mes cheveux. Ils sont très appréciés ”, assure Sarafina, qui a été élue vice head girl de son établissement. Cette affirmation est soutenue par ses parents, qui relatent que “ jusqu’à maintenant, nous n’avons pas eu de soucis ” à ce niveau. “ Nous espérons que ça ne changera pas ”, fait ressortir Farla, qui souligne que même à son boulot “ça va”.

Malgré tout, les Laprovidence savent pertinemment qu’ils pourraient être stigmatisés en raison de leur croyance. Pour parer à cela, ils se dôtent d’un comportement respectueux envers autruis et tentent de leur mieux afin d’être irréprochables. “ Bizin kone ki pe fer ”, dit Sarafina. Ce que développe sa mère : “ Je sens que je représente ma communauté tous les jours. Nou bizin vey nou larout. Nous devons surveiller davantage notre comportement. Ainsi les jeunes pourront trouver un travail demain. Si je ne fais pas ce qu’il faut, l’on peut nous stigmatiser. Car ce ne sera pas Farla qui aura fauté, mais un rasta. Nous devons être bien vigilants ”. À Steve d’évoquer son souhait de “larg nou” car, ajoute-t-il, “ je suis humain et ensuite rasta ”.

La vigilance est de mise également sur ce sentier escarpé qui mène à la route principale de Petite Rivière. Dans la nuit noire, Steve Laprovidence mène la cadence à l’aide de son bâton de berger. Il a attaché ses dreads en cercle, tel un turban sur son crâne, et, précautionneusement, avance. “ Mo konn mo filozofi ”, indique-t-il, tout en revenant sur l’époque nazaréenne. Sa femme et lui souhaitent qu’il y ait plus de respect, de paix et surtout d’amour au sein de la société. Et pour leurs filles: qu’elles puissent trouver un boulot et être autonomes, indépendantes. “ Si elles n’y parviennent pas à Maurice, il y a l’extérieur ”, dit Steve.

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