“La contamination gagne du terrain et elle devient très difficile à contenir”, avance Christian Léopold, ex-député de Rodrigues. Des familles entières, des élèves, membres du corps enseignants et non enseignants, ont aussi été massivement touchés. “Plus de 5 % des 41 000 habitants sont infectés. Cette situation a pour effet de générer beaucoup de stress parmi la population.”
Selon l’ancien député, ces chiffres ne sont que le sommet de l’iceberg et ne reflètent pas la réalité sur le terrain. Stéphanio Collet, habitant de Brulé, partage également cet avis. Très frustré par ce contexte sanitaire instable, il estime que si les autorités avaient écouté le peuple et réouvert les frontières avec une quatorzaine à la place d’une septaine “nous aurions pu contenir le virus”.
“Covid pa marke lor figir”
Évidemment, la gestion de la crise par les autorités est pointée du doigt. Jean Christ Spéville, membre actif du Mouvement citoyen anti-Covid-19, souligne que la cacophonie du début prouve que notre système de santé n’était pas prêt. “Les hôpitaux sont débordés et les patients positifs sommés de rentrer s’auto-isoler chez eux”, observe ce dernier. Un homme est ainsi mort lundi après avoir été renvoyé alors qu’il était positif.
Parallèlement, les propriétaires d’autobus ont manifesté leur mécontentement jeudi dernier à Port-Mathurin. Ces derniers trouvent aberrants que “ceux testés positifs à la Covid-19 doivent prendre le transport en commun pour rentrer chez eux. Où est la logique alors que l’on est censé tout faire pour contenir la progression du virus”?, avance Dev, un chauffeur d’autobus. D’autant plus que c’est impossible de savoir qui est infecté ou pas, car “covid pa marke lor figir”, souligne Stéphanio Collet.
Une grande opacité
Christian Léopold constate qu’avec le nombre de contaminations, les autorités sont “définitivement dépassées par la situation.” Le pire, selon Jean Christ Spéville, c’est que le peuple se sent livré à lui-même. “En effet, très peu d’informations nous sont communiquées par le High Powerd Committee de Rodrigues sur une base régulière. Il existe bien une page créée sur Facebook « Corona Virus Rodrigues », mais elle est rarement mise à jour.”
Qu’elles sont les régions où le virus est plus concentré ? Combien de personnes guéries ? Qui est le patient zéro ? Autant de “questions légitimes” parmi d’autres que se posent la population rodriguaise. Christian Léopold déplore également l’opacité dont font preuve les autorités. “La bonne gouvernance, c’est surtout la transparence. Cacher les informations sème le doute dans la population.” De rajouter que si le peuple n’est pas informé de la gravité des choses, il aura tendance à se relâcher. Jameson Bruno Ravina abonde dans le même sens et soutient avoir remarqué un certain relâchement des Rodriguais comparés aux premiers jours. L’enseignant raconte qu’au début du confinement partiel, les rues étaient quasiment désertes. “Aujourd’hui, certaines personnes semblent vaquer à leurs occupations comme si de rien n’était.”
Remèdes traditionnels
Alors qu’il ressentait quelques irritations à la gorge, Julien Baptiste, 27 ans, s’est rendu à la Flu Clinc de Mont Lubin ou il a été testé positif la semaine dernière et s’est auto isolé. Ce dernier a toujours suivi de près les actualités liées à la Covid-19 à Maurice. Les drames humains occasionnés par la pandémie l’ont énormément marqué. Aujourd’hui, alors que son île est de plain-pied dans la guerre, il ressent un certain soulagement à l’idée que “la plupart des personnes contaminées soient asymptomatiques.” D’autres ont des symptômes légers avec un peu de fièvre, des maux de gorge et des courbatures.
Le variant Omnicron a été identifié comme étant à la base de cette première vague. À souligner que ce sont surtout les enfants et les jeunes qui sont les plus affectés à Rodrigues.
Andise Collet, enseignante et maman, se dit pour sa part rassurée que sa fille âgée de douze ans ait déjà reçu une première dose de vaccin. “C’est aussi grâce au vaccin que la situation n’a pas détérioré, car une grande majorité de la population était déjà vaccinée”, confie l’habitante de Malartic. James Perrine de Grande Montagne salut également l’utilisation des méthodes traditionnelles par les Rodriguais pour se soigner et booster leur système immunitaire.
Quant aux élections régionales, prévues le 13 janvier, elles ont été reportées au dimanche 27 février. En attendant, un full lockdown est demandé à cor et à cri pour casser la chaîne de contamination. “Il ne faut pas omettre la possibilité d’un autre variant plus agressif et ce serait dévastateur pour Rodrigues”, conclue Jameson Bruno Ravina.