L’exposition commence par une toile intitulée Lor ter Sitron Donis. Un hommage qu’il a rendu en peinture à sa terre natale, Rodrigues, et à ses racines. Fanio vient d’une famille évoluant dans la musique traditionnelle rodriguaise. Durant son enfance, il pensait que c’était une pratique dans toutes les familles et ce fut à l’âge adulte qu’il prit réellement conscience que cet environnement a contribué à forger sa personnalité.
Entretemps, après avoir longtemps foulé la scène des slams, évolué dans la poésie et s’être exposé sur les réseaux il a voulu du changement. “Dès que j’ai fait le tour de quelque chose, je me lasse et je me mets en quête d’un nouveau défi.” Il effectue un rebranding de son nom d’artiste, Skizofan Le Balafré, pour prendre celui de Skizofan El Giyonm.
Alors qu’il se présentera sa première exposition solo, du 19 novembre au 2 décembre, au Caudan Arts Centre, Fanio Guillaume, 36 ans, indique que les illustrations ou gribouillages ont toujours été très présents lors de l’écriture de ses textes. D’où son intérêt pour des recherches en calligraphie et hand-lettering. Mais trop “kare ek tro prop” à son goût, il s’est tourné vers la poésie visuelle. Et c’est ainsi qu’il tomba sur Jean Dubuffet, peintre et sculpteur français connu pour être le fondateur du mouvement de l’art brut, puis sur Basquiat, artiste peintre américain ayant fait de la culture africaine l’une des thématiques récurrentes de ses oeuvres. “Je me sens définitivement attiré à ce genre d’artiste. Par l’art des fous, des artistes autodidactes qui font des créations au feeling”, confie-t-il.
Ses créations sur toile, sur papier ou sur bois racontent toute une histoire. Un mix & match que Skizofan exprime instinctivement sans se fixer de thème ni d’objectif. Quand l’artiste au sourire facile et aux yeux bridés sort ses marqueurs acryliques, ses pastels gras, ses sprays ou sa palette de peinture, il ne sait jamais où sa création le mènera. D’où l’intitulé de sa première exposition solo Kase Refer : “Toute notre vie se résume au trial & error. C’est donc un puzzle que j’assemble bout après bout. Je peins jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace à exploiter.”
À la fois, un combat, une conversation entre lui et son esprit bouillonnant et sur ce qu’il observe autour de lui. C’est Savannah Ulcoq, qui avait fait appel à lui lors du collectif UNLOCK en 2020, qui l’a aidé à finaliser la scénographie de son exposition solo :“Elle m’avait demandé d’écrire des petits textes pour raconter chaque oeuvre, et c’est là que j’ai réalisé que chaque toile parlait de moi, et des choses que je vis.”
Pour rappel, ce passionné d’écriture a fait ses débuts en février 2011 après avoir pris la deuxième place au tournoi du Grand Slam National de Maurice. La même année, Fanio Guillaume termina premier au Concours National de Poésie Les Lignes d’Or. Au fil des années, son parcours s’est davantage enrichi et il a vécu d’autres expériences comme La Coupe du Monde de Slam à Paris. Il a eu une mention du Jury au Concours de Poésie Prix Edouard Maunick (2017) et a été en final du concours Littérature Nouvelle pour les Jeux de la Francophonie en Côte d’Ivoire.
Un talent, une personnalité attachante et une grande humilité qui séduisent plusieurs artistes mauriciens notamment Zulu, Menwar et Gael Froget. Ce dernier fut d’ailleurs le premier à découvrir les peintures de Skizofan. Il l’a accueilli dans son atelier Bactory à Rose-Hill où il a rencontré aussi Evan Sohun et Raymond Levantard. Être aujourd’hui artiste à plein temps permet au trentenaire de se sentir enfin en phase avec lui-même : “Je ne crois pas que tout repose sur le talent, la créativité ou à l’inspiration. Chacun peut le faire à sa façon. Je pense que chaque personne vient sur Terre en ayant une mission à accomplir et la même c’est par l’art.”