Le gouvernement est enfin passé à l’offensive en déclarant la guerre aux chauffards et autres tarés qui confondent leur permis de conduire avec une “license to kill”. La campagne “Ensam pa less koltar touy nou fami” survient dans le sillage de l’hécatombe de ces trois dernières années : 157 morts en 2017, 144 en 2016, et 138 en 2015. Trois ans de retard, est-on tenté de dire, durant lesquels les morts ont constamment augmenté.
La série noire se poursuit en ce début 2018. Déjà, la barre de la vingtaine de victimes de nos routes a été atteinte. Parmi elles, nombreux sont des jeunes : Ashvin Barah (24 ans), Avinash Ramessur (29 ans), Niven Moothia (22 ans), Shakeel Moossun (21 ans), Aman Dowlut (21 ans) et Nerija (17 ans)…
Encore une fois à la barre des accusés, la démesure des uns et des autres, qui font fi des codes de la route. Qui se fichent pas mal qu’ils fassent des victimes. Qui meurtrissent, à jamais, des familles entières. Celles-ci restent inconsolables, incapables de reprendre une vie normale après ces départs aussi abrupts qu’inattendus. Comment raisonner une mère sur le fait qu’elle ne reverra plus jamais son fils ou sa fille, parti tranquillement pour une soirée avec des amis, histoire de se relaxer, passer un bon moment ? Ou qui était en route pour son travail ? Comment faire accepter à ces pères et mères déchirés par la disparition soudaine de cette partie d’eux-mêmes que, par la faute, la négligence, l’imprudence, pire, l’indifférence et l’irresponsabilité de certains autres, ils en sont à enterrer et pleurer les leurs ?
Des mesures, on en réclame encore. Une campagne de sensibilisation, une présence accrue, la vigilance permanente des autorités ne suffiront hélas pas. Au risque d’être taxé de pessimiste, l’on soutiendra que sans pénaliser et faire quelques cas d’école, la présente campagne n’aura pas l’impact escompté. Les observateurs de la question retiennent que quand des sanctions pèsent sur eux, les automobilistes font l’effort de ne pas se mettre en marge des lois et des mesures. Par exemple, l’épée de Damoclès qu’était le permis à point contribuait à ce que ces détraqués du volant fassent moins l’imbécile en mettant en danger la vie d’autrui. Promesse électorale étant cependant, ce projet a été relégué aux oubliettes.
Chaque Mauricien, chaque citoyen souhaite qu’en cette année où l’on marque nos 50 ans d’indépendance, notre constat soit que notre nation aura avancé, progressé, et ce dans le bon sens. Pas que sur le plan infrastructurel. Néanmoins, si dans la logique des choses, l’on veut qu’en avançant, on s’améliore, force est de constater que sur certains plans, notre pays a carrément régressé. Que nous avons perdu plusieurs de nos valeurs les plus intrinsèques qui nous enracinent à l’essentiel.
Au quotidien, on recense trop rarement les actes civiques, bénévoles, nourris uniquement par un sentiment humain, de partage et de solidarité. Il faut attendre des catastrophes, telles les inondations causées par les “flash floods” de mars 2013 par exemple, pour avoir une chaîne de solidarité nationale. Trop triste quand on sait que chaque jour amène son lot de souffrances pour certains, qui sont très démunis et qui n’attendent qu’une épaule, une main qui leur soit tendue… Cette période de carême chrétien pourrait inspirer nos compatriotes. Des mesures, le peuple mauricien en attend beaucoup, et surtout un signal très fort, pour qu’on arrête avec les abus de la part de certains de nos élus, et des dérapages de la part de ces autres !
Et surtout, des mesures qui assureront un avenir meilleur, nous en attendons beaucoup d’un Premier ministre non-élu – le premier et le seul, on l’espère –, qui cherche par tous les moyens à se forger une image de modèle. Mais qui flanche parce qu’il cède, comme de nombreux autres, aux clichés types de la répression et de l’interdit. Quand ce n’est pas l’exercice de “name and shame” de ses adversaires politiques !
On ne gagnera pas la bataille contre la drogue, l’alcool et la cigarette en l’interdisant. Ou en se frappant l’estomac et en s’érigeant modèle parce qu’on n’en a pas consommé. Un axe du combat concerne l’information, l’éducation, la sensibilisation et la prévention primaire. Pourquoi l’actuel régime ne fait-il pas la différence en tranchant ? Pourquoi ne pas prendre l’option de miser sur l’intelligence de nos jeunes, de les mettre au courant des dangers que représentent les drogues, qu’elles soient synthétiques ou dures, plutôt que de persister dans la ligne rigide de l’interdit ? Des appels sont régulièrement lancés à la ministre de l’Education et son collègue de la Jeunesse et des Sports. Sans grand écho.
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