Virages à ne pas rater à n’importe quel prix

Difficile, dans la conjoncture politique, de parler de dernier virage à ne pas rater. Le gouvernement de l’Alliance du Changement ne franchira la barre de ses six premiers mois d’installation à l’Hôtel du Gouvernement que dans une vingtaine de jours.

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Mais c’est vrai que le poids de la surenchère électorale est exacerbé par une offensive savamment orchestrée, politiquement et publiquement, sur le coût de la vie. À ce jour, le gouvernement s’en tient à la thèse de l’héritage économique en faillite légué par le précédent parti avec la sévère sanction du 60/0 au scrutin du 10 novembre 2024, accrochée au cou.

La présentation du premier budget de l’Alliance du Changement, prônant la rupture par rapport à la politique de consommation et avec la distribution des allocations en tous genres, amorce ces jours-ci une étape décisive. Dans l’immédiat, la prochaine visite du président français, Emmanuel Macron, ou encore les élections municipales, se tenant après une période de dix ans, auront pour effet de reléguer au second plan les préoccupations budgétaires.

Mais vite, et très vite, la seconde quinzaine de mai devra permettre de remettre les pendules à l’heure. Même si, entre-temps, la dette publique est déjà à 90 % du Produit Intérieur Brut – constat de la dernière mission du Fonds Monétaire International, qui a oublié de mentionner que si les Contingent Liabilities sont alignées dans cette équation, le ratio crève facilement la barre des 100 %.

L’enjeu, visant à projeter le feel good factor accumulé sur le front de la réforme institutionnelle au tableau de l’économie, notamment des prix à la consommation, s’avère être un exercice de haute voltige où le moindre écart sera payé à prix fort.

Politiquement. L’opposition, numériquement inexistante au Parlement, prépare déjà les caisses de résonance pour amplifier le mood lié au budget. C’est du court terme.

Le changement ne se fait pas à coups de baguette magique. Mais au bout d’un processus bien réfléchi, sur des dossiers ne relevant nullement de l’aléatoire et du cosmétique. L’avenir se construit aujourd’hui sur des valeurs sûres de demain. L’un des éléments porteurs solides de cet avenir est incarné par les jeunes du jour, appelés à assurer la pérennité de la richesse multiforme engendrée par l’engagement des aînés.

De ce fait, la logique veut que l’investissement dans la jeunesse du jour soit incontournable dans toute politique. Ainsi, l’éducation émerge comme la carte maîtresse, susceptible de générer des dividendes pour construire cette nouvelle île Maurice. Le virage à ne pas rater pour renverser la tendance au chatwarisme, en passe de devenir chronique.

Le dossier de l’éducation a occupé outre mesure la Une de l’actualité depuis la fin de l’année dernière. Évidemment, les consultations avec les différents stakeholders de l’éducation font partie de cet état des lieux pour envisager de jeter les bases de la réforme annoncée.

Les Assises de l’Éducation, qui se sont déroulées au cours de la semaine écoulée, peuvent difficilement être qualifiées de symphonie inachevée. C’est vrai que pendant ces trois jours, le ministère de l’Éducation s’est vu remettre quelque 200 propositions.

Mais le déficit au titre du diagnostic du mal profond de l’éducation – soit la prime allouée à l’élitisme, se confondant sciemment avec l’épanouissement total de l’individu – se présente comme le talon d’Achille de l’exercice des vacances de Pâques.

Le système d’éducation mauricien n’a-t-il pas besoin de la prescription d’une forte dose d’inclusion pour réaliser ce que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, prône comme un système « d’éducation à visage humain, avec pour vision de s’assurer qu’aucun enfant n’est laissé pour compte » ? D’autres ont déjà plaidé avec conviction et vigueur en faveur du concept d’inclusion dans l’éducation. Mais, semble-t-il, en vain.

Poussant le bouchon plus loin, Navin Ramgoolam évoque un système respectant les principes fondamentaux de l’éducation libérale et prônant la méritocratie et la non-discrimination. Malheureusement, cette déclaration est déclinée sur une plateforme, symbole de cet élitisme, découlant de l’ère coloniale, et tant décrié dans le système d’éducation, soit la présentation d’un livre vantant les deux siècles du Royal College Curepipe et Royal College Port-Louis.

Les autres professionnels, dans des domaines des plus divers, ayant fréquenté d’autres collèges – évitons le terme péjoratif de Tikolèz – mais qui ont contribué de manière décisive au développement de la République, ont-ils démérité pour n’avoir pas fréquenté le Royal College Curepipe, comme les trois Premiers ministres cités ?

Cette île Maurice, drapée dans l’idéal As One People As One Nation, émergera en rejetant la version édulcorée du colonialisme sous forme de Royal Colleges au sein de la République, tout en privilégiant la reconnaissance des vertus de l’inclusion dans l’éducation avec un potentiel contagieux au sein de la Res Publica.

50 ans après Mai-75 de l’éducation, ce virage, il ne faut pas le rater. Le symbole pourrait être l’élimination des noms comme le Royal College Curepipe, le Royal College Port-Louis ou encore le Queen Elizabeth College dans cette ultime étape du processus de décolonisation.

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