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Vincent Duvergé, humoriste :« Mon politicien fétiche, c’est notre ministre de la Santé »

Propos recueillis par Joël Achille

Le créateur de Pop Tv prévoit, le 19 novembre, le premier spectacle du nouvellement créé Pop Comedy Club au Caudan Arts Centre. Lors de cet entretien, il fait le point sur les retombées de son humour, de même que ce besoin vital de rire après des années de confinement événementiel. La politique, sujet qu’il chérit, accueille plutôt positivement ses parodies et lui offre énormément de matières à exploiter. Ce que regrette le jeune comédien, qui aurait aimé des débats plus profonds, notamment sur la question des droits des LGBT et celle de l’usage du cannabis médical.

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Cette idée du Comedy Club, vous l’aviez en tête depuis des années. Pourquoi avoir décidé de lancer le Pop Comedy Club en 2022 dans un climat d’incertitudes, notamment au niveau économique ?

C’est justement pour cette raison que nous nous sommes lancés. Il y a une vague un peu “mistran” et négative. La vie n’est pas facile en fait. Je me suis dit qu’il serait sympa d’essayer de divertir les gens dans cette période. Ils ont besoin d’humour. Bien sûr, cette aventure comporte certains risques financiers, que nous sommes prêts à prendre.

Nous sommes restés trop longtemps enfermés dans ce que j’appelle le confinement événementiel. Il n’y a pas eu d’événements pendant “mari lontan”, et il est important désormais de recommencer à vivre.

Avec ce projet, vous vous lancez dans une collaboration avec le Caudan Arts Centre (CAC). Avez-vous eu des difficultés pour trouver une salle ?

Nous avions déjà discuté de ce projet avec le CAC depuis 2021, juste avant le deuxième confinement. Cet événement devait avoir eu lieu à l’époque. Avant cela, même avant Pop Tv, nous avions un autre Comedy Club, et c’était compliqué de trouver une salle. Certes, un One-Man-Show peut être tenu dans une grande salle, mais pour faire du Stand-Up, il faut un endroit plutôt convivial, un peu intimiste. Pas quelque chose d’immense.

Et il n’y en a pas beaucoup. Donc, nous nous sommes tout de suite tournés vers le CAC, qui a été emballé par l’idée dès le départ. Mais après, c’est resté en attente avec le confinement. Après cette étape, il fallait revoir un peu les finances de notre boîte. Maintenant, nous avons senti que “it was the right time to kick it off”.

Pour les débutants qui souhaitent se lancer dans le Stand-Up, que recherchez-vous ?

L’idée, c’est qu’on soit un Comedy Club, certes ouverts à tous, mais il faut quand même qu’il y ait un certain travail derrière. Ce ne sera pas forcément un Open Mic, où chacun vient et raconte une histoire, pour qu’on se retrouve avec parfois des récits un peu vulgaires ou “pa top”.

Ce que nous recherchons, chez les débutants, c’est une authenticité et une envie d’amener son propre style. Car il y a énormément de styles d’humour qui n’ont pas été exploités à Maurice. Nous cherchons des gens qui ont envie de faire quelque chose de nouveau. Pourquoi pas de l’humour noir ?

Prévoyez-vous des répétitions ?

Il y aura plusieurs répétitions par semaine jusqu’au 19 novembre. C’est là aussi la différence avec les précédents Comedy Clubs que je gérais. C’était un peu au petit bonheur. Cette fois, il y a un certain niveau à avoir. Le travail sera plus poussé, et donc il y aura beaucoup de répétitions.

Lydia None, Sheryl Smith, Yovanee Sevunthana et Vincent Duvergé du Pop Comedy Club

Il nous semble que les politiciens vous donnent beaucoup de matières à exploiter…

Ils m’en donnent plein. Je n’ai pas besoin de faire quoi que ce soit (rires).

Qui est votre politicien préféré du coup ?

Ah ! J’en ai un, mais il n’est plus dans la politique. Pour moi, c’était Ravi Rutnah. Lui, à chaque fois qu’il ouvrait la bouche, il y avait matière à faire un sketch. Impressionnant ! C’était lui qui, au Parlement, avait dit que l’opposition sème « la zanzani ». Et il mélangeait toutes sortes de mots… Enfin, c’était ridicule. Lui, je l’aimais bien, et après il a disparu.

Sinon mon politicien fétiche, c’est notre ministre de la Santé (Kailesh Jagutpal, NdlR). C’est quelqu’un de sympathique.

Vous l’avez rencontré ?

Non, mais par personne interposée, j’ai cru comprendre qu’il avait beaucoup d’humour et qu’il prenait toutes les imitations que j’ai pu faire avec sa voix avec d’humour. Et ça, c’est génial. Nous n’avons jamais rien dit de méchant sur lui. Il a quand même géré la crise du Covid, chose qui n’est pas donnée à tout le monde. Après, bien ou pas, ça, on laisse aux gens juger. Mais il a beaucoup d’humour, et ça, c’est cool. Je sais que ce n’est pas le cas pour tout le monde au gouvernement.

Ça ne vous inquiète pas que vous ayez autant de matières à exploiter à travers la politique mauricienne ?

C’est inquiétant pour les Mauriciens et notre société. Aujourd’hui, quand on regarde un débat au Parlement, ça fait un peu peur. Il n’y a plus de débat de fond.

Quel sujet auriez-vous souhaité qui soit pris sur le fond ?

À ce niveau, je trouve par exemple qu’il devrait y avoir une Freedom of Information Act. Or, il n’y a pas eu de discussions autour de cela, ni de débats. Il y a eu énormément de promesses sur certains Bills, que ce soit de ce gouvernement ou de l’équipe précédente. Plein de choses ont été promises sans être réalisées.

Il y a un truc qu’il faut tout de même féliciter, car c’est bien. Apparemment, ils vont commencer à travailler sur le cannabis à usage médical. Il était temps. Est-ce qu’on pourra aller plus loin après ? Why not ? J’aimerais bien. Hormis cela, il y a énormément de débats qui n’ont pas été abordés dans notre société, dont celui des droits des LGBT. Il y a beaucoup de sujets à traiter et je trouve qu’on perd du temps avec les Sniffing et machins, etc.

Nous sommes dans un pays où, si vous êtes Blanc et que vous imitez un oriental, cela vous vaut un aller simple aux Casernes centrales. Comment faites-vous pour jongler entre ce qui est politiquement correct et autorisé, et ce qui pourrait déboucher sur des ennuis ?

Nous faisons super attention et, en même temps, nous avançons tout doucement. Alors que cette blague d’accent oriental est venue “Out of Nowhere. Toutefois, nous aussi, sur Pop Tv, nous imitons cet accent. Koolwantee (Yovanee Sevunthana) présente le JT ainsi. C’est simplement dans la façon de faire. Il ne faut pas trop entrer dans la vulgarité, la méchanceté et la caricature trop facile.

Dans nos sketchs et parodies, il y a tout le temps un message à retirer. Ce n’est pas simplement une caricature pour imiter ou pour se moquer. En plus, nous répétons régulièrement aux gens qu’il y a une différence entre parodie et attaque. C’est une ligne super fine.

Nous avons fait un sketch la semaine dernière sur toute cette affaire de “Ah-young” et des gens nous ont dit qu’on se foutait d’une famille. Je n’attaque pas la famille. C’est une parodie, une imitation. Nous avons préféré dévier l’affaire sur une autre histoire plutôt que de se concentrer sur cette pauvre femme.

Jusqu’à l’heure, vous n’avez pas eu de représailles ?

Non, heureusement. Je n’ai rencontré que des gens hyper bienveillants. Certains viennent me voir pour me donner des feedbacks, parfois très constructifs. D’autre part, la plupart des politiciens que j’ai rencontrés, dont plusieurs ministres, ont beaucoup d’humour, et c’est tant mieux. Toutefois, je sais que certains me détestent fortement, mais ce n’est pas grave. Nous sommes là pour parodier, et non attaquer, et encore moins faire de la politique.

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