Une question d’image

Dans un monde dominé par la quête continuelle de profits, et dans un contexte d’urgence climatique pour le moins épineux, la recherche du bon équilibre entre production et environnement se fait de plus en plus complexe, allant même jusqu’à carrément devenir quelquefois hasardeuse.

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Ce qui explique en grande partie le fait que nombre d’entreprises, pressées par quelques grandes instances internationales et l’opinion publique, ont choisi de se lancer dans des opérations de « marketing écologique ». Formule qui, si elle ne résout pas la question, projette la perception d’une responsabilisation environnementale, sans toutefois que celle-ci soit dans les faits accompagnée d’une mise en chantier effective.

Il faut dire que, pour une entreprise, l’image a de tout temps été « la grande préoccupation ». Toutefois, si celle-ci était plutôt axée jusque dans un proche passé sur les bénéfices des produits, services ou solutions offerts, l’approche écologique est aujourd’hui venue complexifier l’affaire en devenant une composante essentielle de la construction même de cette projection mentale. Ce qui, en l’état, apparaît comme excessivement dangereux. Car ce faisant, le verdissement d’image constitue un immense obstacle à la lutte contre le changement climatique. Et pour cause : en leurrant le public, et souvent même les États, en laissant à penser qu’elle fait plus pour protéger l’environnement qu’elle ne le fait réellement, l’entreprise favorise l’émergence de fausses solutions à la crise. Avec pour résultat de détourner l’attention sur toute autre action crédible.

Dès lors, il serait de bon ton d’apprendre à nous méfier de ces images renvoyées d’entreprises dites « responsables », et véhiculées par les médias. Qu’une compagnie prétende par exemple être sur la bonne voie pour réduire son impact environnemental à « zéro émission carbone » ne suffit pas si aucun plan crédible n’est en place. Idem pour l’étiquetage de produits dits « verts » et qui ne répondent en réalité à aucune norme ou définition standards. Autre exemple : celui des nombreuses entreprises se vantant de réinjecter des produits recyclés dans leur chaîne de production en omettant de préciser que ces dernières sont abritées dans des usines à émissions hautement polluantes.

Les entreprises ne sont d’ailleurs pas les seules concernées, car il en est hélas aussi de même pour nos politiques environnementales. À ce titre, il n’aura d’ailleurs échappé à personne que la question climatique s’invite dans une part croissante des discours de ceux enclins à prendre ou à conserver les manettes du pouvoir, comme cela l’aura par exemple été chez nous lors du dernier budget, mais aussi lors de nombreux événements ayant trait de près ou de loin aux enjeux environnementaux. Pour autant, que l’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit la plupart du temps que de vulgaires campagnes de communication, lesquelles sont le plus souvent rarement accompagnées d’actions concrètes. C’est ce que certains appellent plus familièrement le « greenwashing ». Bref, de la poudre de perlimpinpin. Et inutile de dire aussi que ce type de discours se multipliera dans les semaines à venir à l’approche des élections.

Pour résumer, qu’il s’agisse d’entreprises ou de politiques, le verdissement d’image, lorsqu’il n’est pas inscrit dans une véritable volonté écologique, est contre-productif à double titre. Car non seulement ces boniments n’amènent aucune évolution positive, mais la démarche sape dans le même temps les efforts crédibles de réduction de nos émissions de gaz à effets de serre et de lutte contre la crise climatique. En deux mots, le marketing trompeur et les fausses affirmations de durabilité détruisent en quelque sorte la confiance, l’ambition et les actions nécessaires pour provoquer le déclic d’un changement global. Avec pour conséquence de ne plus pouvoir garantir le maintien d’une planète durable.

Une fois encore, le problème de ce qui ressemble de plus en plus à une vaste mascarade est qu’elle est suicidaire. Cette politique de l’autruche consistant à faire croire que la question climatique est prise à bras-le-corps, alors qu’il n’en est rien, n’augure rien de bon pour l’espèce humaine, pas plus que pour les 99,9% des autres vivants partageant avec nous la planète. Si nous ne prenons pas la mesure de nos engagements, qu’importera l’image que nous aurons laissée s’il ne reste plus personne pour y croire.

Michel Jourdan

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