Une course perdue d’avance ?

On ne cesse de le répéter : le climat continue inexorablement de se réchauffer, chaque nouvelle année étant plus chaude que la précédente. Plus meurtrière aussi, au vu de l’accroissement du nombre de victimes de calamités, pour leur part de moins en moins « naturelles ». D’où la question : pourquoi, puisque nous savons pertinemment qu’il nous faut inverser le processus, ne faisons-nous rien ? Certains rappelleront probablement que ce n’est pas tout à fait le cas, que le monde semble se réveiller, que des accords sont signés, que des lois environnementales sont votées, que les gens descendent dans les rues pour alerter l’opinion publique. Voire que les énergies vertes se développent progressivement. Mais tout cela est malheureusement très insuffisant. La faute en revient essentiellement à la difficulté de remettre en question notre mode de vie.

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La situation actuelle, on le sait, résulte de la concentration, toujours croissante, de gaz à effet de serre, lesquels comprennent nos émissions carbones, mais pas seulement. Et ceux-ci, on le sait aussi, sont liés à notre consommation, que ce soit pour s’éclairer, surfer sur Internet, et même pour s’alimenter. Cette énergie est indispensable, à la fois pour assurer notre propre confort et, bien sûr, en amont, pour le maintien même de nos modes de société. Aussi l’on peut comprendre les réticences à se remettre en question, tant nos vies auront été améliorées depuis l’avènement de l’ère industrielle. Car notre planète n’est pas de nature à nous faire de cadeaux. Catastrophes naturelles, virus, prédateurs… Les calamités sont nombreuses et seule l’énergie nous permet de nous en protéger. Raison pour laquelle, malgré les innombrables discours nous demandant de réduire notre impact sur le climat, peu acceptent de l’entendre.

Le problème, c’est que pour maintenir notre niveau de confort actuel, qui plus est sur une planète contenant de plus en plus d’humains – le monde peinant à freiner sa croissance démographique –, des quantités colossales d’énergie sont nécessaires. Pour illustrer cela, prenons le cas d’une centrale à charbon produisant 3 800 MW. Pour fonctionner, celle-ci a besoin de 2 000 tonnes de charbon par heure, soit l’équivalent de 20 wagons de 100 tonnes. Or, même si ce type de centrale est en forte diminution, l’on en recense encore aujourd’hui 6 685 à travers le monde. Autre exemple : le pétrole. Rien que pour l’industrie du transport, cette source d’énergie réclame pas moins de 100 millions de barils… par jour.

L’autre problème, c’est que, pour l’heure, les énergies dites « renouvelables » ne peuvent constituer une alternative de substitution efficace. Contrairement au pétrole et au charbon, qui sont des énergies facilement accessibles et quasiment exploitables directement, les énergies vertes, elles, sont en effet plus compliquées à mettre en place, et donc à exploiter. Sans compter qu’elles nécessitent ironiquement pour la plupart des énergies fossiles – en sus de métaux rares – pour fonctionner. Évidemment, le fait que les énergies vertes ne puissent combler avant longtemps nos besoins mondiaux ne signifie aucunement qu’il faille arrêter de développer nos réseaux verts. Au contraire.

En revanche, comme nous pourrons complètement compter sur ces nouvelles ressources, il nous faudra – pour peu que l’on veuille se dégager une porte de sortie, bien entendu – accepter dans le même temps d’hypothéquer quelques importants items de notre confort, dont l’on croit malheureusement toujours ne plus pouvoir se passer. Si cette radicalisation sociétale est fondamentale dans la conjoncture, l’on est pourtant loin d’en prendre la direction. Le monde, tout en avançant timidement des initiatives vertes, continue en effet de se gaver de croissance, laquelle ne peut être soutenue que par une hausse continuelle de la productivité, elle-même alimentée par notre besoin croissant en termes de consommation. Ainsi, pour entamer cet important virage, certains estiment que le changement doit « venir d’en haut ». Ce qui ne se fera évidemment pas, et ce pour des raisons politiques que l’on peut facilement comprendre et que nous avons d’ailleurs largement expliqué dans ces mêmes colonnes.

Aussi, si le changement ne vient pas d’en haut, il faut donc qu’il vienne d’en bas. Malheureusement, ici aussi les indicateurs ne sont pas des plus encourageants. Ce changement de paradigme, personne ne veut en entendre réellement parler, y compris parmi les plus convaincus, défenseurs de l’environnement inclus. Demandez ainsi à un jeune pris au hasard dans la foule lors d’une manifestation pour le climat s’il serait prêt à abandonner son portable ou la voiture qui l’aura déposé à l’entrée de la marche… Et il en est de même des adultes, prêts à en découdre par tous les moyens lorsque sont annoncées des réformes mettant en péril le moindre de leurs acquis sociaux. Dès lors, on imagine mal les populations s’engager de leur propre chef dans une voie plus durable. L’exemple ne venant ni d’en haut, ni d’en bas, nul doute que nous sommes de plus en plus mal barrés !

Michel JOURDAN

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