L’heure est à un sursaut d’indignation nationale. L’indice de la corruption de Transparency International, classe Maurice à la 56 e place avec 51 points pour, alors que l’archipel des Seychelles, longtemps toisé par cette même île Maurice sur le plan du cadre global de la démocratie. Un détail qui aurait dû faire gigidigi en termes de transparence.
Depuis ces dernières années, les leçons procurées au titre de la bonne gouvernance en général par les Seychelles auraient dû avoir pour effet de faire que Maurice se pose des questions, surtout de s’interroger sur l’urgence de redresser la barre. Mais dans la pratique, le légendaire « Kot mo’nn fote ? » a eu le dessus tout.
Il y aura bientôt 10 ans, Maurice s’était donnée comme objectif d’atteindre un score de 60 points à l’indice de la corruption. Entre-temps, que s’est-il passé ? Un motif de satisfaction pour ceux qui veulent faire l’autruche. Pour ce dernier indice, Maurice n’a ni progressé ni reculé. Elle décroche un score de 51 pour occuper une 56e place sur une liste de 180 pays. Plus grave encore est que le pays affiche une tendance à la baisse depuis 2012, quand il avait décroché la note de 57.
Mais le Corruption Index de l’archipel des Seychelles était de 72 points, considéré comme un All-Time High et premier parmi les États d’Afrique, alors qu’il y a quelques années de cela, les Seychelles se contentaient de la compagnie de ceux avec un indice de 55 points, après avoir descendu sous la barre des 40 points, dont un Record Low de 36 points.
L’archipel des Seychelles s’est mis à labourer le champ des initiatives et les fruits rapportés sont cueillis de manière systématique. À Maurice, l’on se spécialise dans les promesses en l’air. Avec l’objectif déclaré de 60 points et annoncé en 2016, la Road Map proposée en matière de lutte contre la corruption était des plus explicites.
Sauf que pour Transparency Mauritius, le tableau est des plus noirs. « Cependant, aucune tentative réelle ni volonté politique n’a été observée pour mettre en place des mesures efficaces de lutte contre la corruption. » Quel coup de rotin, même si ceux qui devaient encaisser ce fruit amer ne sont plus détenteurs des rênes du pouvoir!
Les commentaires du dernier indice de Transparency sont encore plus cinglants. « Les pays les mieux classés montrent qu’une gouvernance intègre est un facteur clé de stabilité et d’attractivité économique. Et Maurice doit redoubler d’efforts pour éviter de s’enliser dans une stagnation qui pourrait, à terme, nuire à sa réputation et à son développement. »
Pour se défaire de cette réputation de stagnation, ayant accaparé le pays au tableau de la démocratie, de la transparence et de la bonne gouvernance, Transparency Mauritius revient avec le leitmotiv : une loi pour réglementer le financement des partis politiques doit être votée au plus tôt. Ou encore la mantra répétée ad nauseam depuis le 9 décembre 2022, à savoir “plus de transparence dans le financement des partis politiques est primordiale dans le combat contre le blanchiment d’argent et la corruption.”
Les événements du week-end, avec l’interpellation de l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, dont la devise était Mo pou kas lerin mafia – où est-ce qu’elle s’est nichée ? – la saisie des trois valises et d’un sac, contenant au bas mot Rs 113 millions en de multiples devises, les interprétations des faits et toute la gamme de conjectures, se traduisent en un seul fait inéluctable : There is nothing new under the sun.
Surtout rien à faire avec Ecclésiaste 1 : 9. Et encore, toute allusion aux allégations se rapportant au Sun Trust ne peut qu’être fortuite. Mais tout simplement pour affirmer que l’heure de ce sursaut d’indignation nationale doit dépasser le cadre de l’inflation verbale, qui ravage le pays, pour renverser cette tendance du pouvoir de l’argent noir de s’imposer.
La position exprimée par la Confédération des Syndicats des Secteurs Public et Privé (CTSP), soit It’s Now or Never au titre de la mise en place des réformes fondamentales, mérite réflexion. L’opération Lakaz Mama Maradiva, les égarements inconcevables dans les déclarations des dépenses de certains candidats de tous blocs politiques confondus aux dernières élections générales, et comment oublier les Kistnen Papers de Quartier-Militaire/Moka (No 8) de 2019, sont autant de preuves irréfutables que Maurice doit se doter d’un cadre légal imperméable pour assurer le financement des partis politiques, avec des sanctions exemplaires.
L’heure devrait dépasser le cadre des dénonciations, car les institutions, qui ont recouvré leurs honneurs perdus, sont en mesure de répondre aux urgences. La loi envisagée sur le financement des partis doit rendre à la politique ses lettres de noblesse et que les Honourable Members siégeant à l’Assemblée nationale en soient de dignes représentants d’une démocratie avec bonne gouvernance et transparence comme balises…