À Maurice, environ 1,4 million de personnes débarquent chaque année afin d’investir nos hôtels et autres maisons d’hôte. Une manne providentielle dopant un secteur devenu, depuis de longues années déjà, l’un des principaux vecteurs de croissance du pays. Mais pour combien de temps encore ? Car c’est un fait, la fin inéluctable de nos réserves en hydrocarbures ne prédit pas un avenir prospère au secteur aérien. Bien sûr, l’on peut toujours imaginer que les avancées technologiques nous permettront un jour de recourir ici aussi aux énergies renouvelables, mais que l’on ne s’y trompe pas, on en est encore loin. Et même très loin. Autant dire qu’il serait peut-être singulièrement temps de nous remettre en question.
Outre ses simples considérations purement économiques, il nous faut aussi, et surtout, savoir que l’industrie du transport aérien est extrêmement nocive à la planète. Pour illustrer cette vérité, prenons l’exemple d’un Boeing 737-800, autrement dit d’un moyen-courrier d’une capacité d’environ 190 passagers. Ce dernier consommant environ 6 000 litres de kérosène par heure, et sachant que l’on enregistre plus de 35 millions de vols par an, on ne s’étonnera pas que le secteur aérien fasse autant grimacer les environnementalistes et tous ceux soucieux de notre impact sur le climat.
Certains clameront inévitablement que l’avion n’est pas le moyen de transport le plus polluant, le secteur aérien ne représentant en effet « que » 2 à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais il ne s’agit pour autant que d’une demi-vérité, car la consommation de kérosène n’est hélas pas le seul facteur à prendre en considération. Ainsi, comme l’ont récemment soulevé les auteurs d’une étude allemande dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics, l’effet de serre serait également accentué par l’effet radiatif des cirrus, dont l’incidence climatique est bien plus importante que celle des émissions de CO2.
Le problème, c’est que ces nuages de haute altitude se développent davantage à la faveur de l’explosion du trafic aérien, car étant « dopés », en quelque sorte, par ce que l’on appelle couramment les traînées blanches, autrement dit ces empreintes laissées par le passage des avions dans le ciel. Dans des termes un peu plus techniques, ces nuages sont en fait formés par la condensation issue des gaz chauds et de la suie provenant de la combustion du kérosène. Cette vapeur d’eau se transforme alors en gouttelettes puis en microcristaux de glace, lesquels s’agglutinent pour générer des pans entiers de nuages pouvant faire plusieurs milliers de kilomètres de long.
Par ailleurs, pour en revenir à l’impact carbone de l’avion, s’il est vrai que ce dernier contribue moins au réchauffement planétaire que d’autres modes de transport, c’est tout simplement parce que nous ne l’empruntons pas tous les jours. Toutefois, si nous nous attardons un instant sur les différentes analyses compilées depuis plusieurs années sur les différents moyens de transport et prenons la peine de comparer les chiffres, mais cette fois en termes d’émissions de CO2 par voyageur au kilomètre parcouru, on se rend alors compte qu’en matière de déplacement de personnes, l’avion arrive en tête des options les plus polluantes.
Ce bilan carbone s’explique par le fait que l’avion, contrairement à la voiture par exemple, permet de gagner rapidement des distances lointaines. Et c’est là un critère que l’on ne prend que rarement en compte, car si les émissions par voyageur d’un kilomètre en avion équivalent à peu près à un kilomètre en voiture, une heure passée en avion est, elle, bien plus émettrice qu’une heure en voiture, eu égard à la distance parcourue pendant cette même heure. Monter dans un avion est donc très loin d’être anodin en matière d’impact climatique en comparaison avec les autres modes de transport. L’alternative aérienne rend en effet tout trajet en moyenne 125 fois plus émetteur que la voiture. Et plus de… 1 500 fois que le train !
Face à ce constat, et pour peu que l’on ait à cœur de participer à cette course dans laquelle nous sommes engagés pour réduire notre impact sur le climat, il convient de revoir notre manière de voyager et de rationaliser nos déplacements, tout comme on devrait logiquement le faire avec nos véhicules individuels d’ailleurs. D’autant, encore une fois, que l’or noir, dont est issu le kérosène, viendra indéniablement un jour prochain à manquer. Consciente de cette problématique, l’industrie du transport cherche bien sûr de nouveaux carburants alternatifs, à l’instar des biocarburants, bien que, concernant ces derniers, et sans entrer dans les détails, ils soient loin d’être aussi verts qu’il n’y paraît. Quant au solaire, malgré les prouesses de Solar Impulse, imaginer que cette solution pourrait être rapidement envisagée est complètement illusoire. Ne nous restera alors plus peut-être que le bateau… pour peu que l’on accepte de hisser les voiles, bien entendu !
Michel Jourdan