Ce n’est plus un secret pour personne : la lutte contre le réchauffement climatique passe obligatoirement par une décarbonisation complète de notre société. Un défi que certains pensent réalisables d’ici 2050, soit en trois décennies à peine. Mais inutile de dire que ces projections sont hautement improbables en l’état, et ce, pour une raison bien simple : nous ne sommes assurément pas prêts à vouloir opter pour un changement de paradigme économique, à la base même de l’effondrement annoncé.
Car le problème est bien là. Quelles que soient les orientations choisies pour atteindre nos objectifs environnementaux, elles semblent devoir obligatoirement intégrer un point de vue technico-économique. C’est un fait, dans l’imaginaire collectif, seule la technologie viendra à notre rescousse, en proposant des solutions innovantes tant en termes de production énergétique que de réduction de nos émissions. Et c’est en partie vrai, bien sûr, tant les propositions technologiques affluent. Mais en partie seulement. Car la vraie solution est ailleurs – certes plus radicale, mais combien plus efficace –, à savoir un changement de dogme macroéconomique.
Avant de développer ce point précis, posons-nous d’abord la question de savoir pourquoi les technologies ne nous sauveront pas. Et bien pour plusieurs raisons. D’abord parce que certaines idées, séduisantes sur le papier, ont des implications que l’on ne soupçonne a priori pas immédiatement. À l’instar du déploiement massif de technologies de capture et de stockage du CO2, solutions qui par ailleurs existent déjà. Mais qui impliquent d’importantes mobilisations en terre et en eau, soulevant ainsi d’autres problèmes environnementaux cruciaux. Autant dire une solution qui, en l’état actuel, ne ferait que déplacer le problème.
D’autres solutions technologiques, elles, sont totalement applicables sans trop porter atteinte à l’environnement, voire même pas du tout. Comme le déploiement, massif là encore, des technologies vertes dites « traditionnelles », à savoir solaires, éoliennes, marées motrices, etc. Sauf que, cette fois, l’on se bute à un autre problème : celui de l’investissement. Il s’agit donc d’une affaire, une fois encore, de gros sous. Or, les sous, nous ne sommes pas prêts de nous en passer, car l’argent est le moteur même de notre système, de la croissance. Et pour l’heure, même si l’on se dirige vers une raréfaction de nos énergies fossiles, ces dernières sont encore toujours suffisamment présentes que pour alimenter notre système économique, et donc la croissance. Dès lors, opter pour toute autre option que celle de leur extraction impliquerait que les investisseurs acceptent de sacrifier leurs revenus, tout au moins en partie, au profit de la planète. Ce dont il n’est absolument pas question et ne sera jamais question tant que le coût de l’extraction restera inférieur à celui des bénéfices engrangés.
Les experts du Hamburg Climate Futures Outlook, issus de groupes pluridisciplinaires, viennent à ce titre de remettre les résultats d’une analyse des « futurs plausibles », et ce, en se basant à la fois sur les sciences dures du climat et sur les moteurs sociaux. Avec une conclusion : si des « moteurs » (politiques, technologiques, etc.) pourraient favoriser une décarbonisation progressive, atteindre le « zéro émission » recherché à l’horizon 2050 n’est tout bonnement « pas plausible ». Toutefois, leur approche reste purement factuelle, autrement dit basée sur des faits vérifiables dans l’instant.
La bonne nouvelle, puisqu’il faut bien en trouver une – au risque sinon de finir par adopter la politique de l’« à quoi bon ? » –, c’est que la cause n’est pas totalement perdue d’avance. La clé ? Un changement de système économique radical impliquant la fin de la course à la croissance, de l’exploitation de nos ressources, du déboisement, de la culture intensive… Bref, de la course au confort absolu. Encore faudrait-il que le simple fait de vivre puisse suffire à notre bonheur… Et ça, c’est loin d’être gagné !