TRANSPARENCE ET BONNE GOUVERNANCE Quand la politique bafoue les règles fondamentales de la démocratie

DR DIPLAL MAROAM

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La guerre des foules du 1er mai n’ayant manifestement livré ni vainqueur ni vaincu, les deux principaux blocs politiques repartent en campagne à la conquête de l’électorat dont un segment majoritaire comprenant les indécis mais également la masse silencieuse – cette large frange de la population qui, d’ordinaire, n’assiste pas aux rassemblements politiques, ne participe pas aux émissions radiophoniques et n’est pas présente sur les réseaux sociaux –, détermine l’issue des urnes chaque 5 ans.

Si Pravind Jugnauth affiche la confiance de pouvoir mettre « K.O » ses adversaires mais sans pour autant divulguer le moindre indice quant aux moyens d’y parvenir, l’alliance PTr/MMM/ND a, en revanche, levé le voile sur 20 propositions de son projet de société dont certaines, inédites et populistes, telles le transport gratuit universel, l’abolition de la redevance télé, l’internet gratuit pour chaque famille, la baisse des prix de l’essence et des médicaments, une hausse considérable à un million de roupies des revenus non taxables, le cumul des pensions non contributives, etc, sont annoncées sans un accompagnement attendu des mesures concrètes de financement pour leur réalisation. Ce qui laisse planer le scepticisme au sein de la population qui se souvient sans doute de la promesse notoire non tenue, sous prétexte de caisses vides, d’une hausse des salaires « across the board » de 15% aux fonctionnaires, faite lors de la campagne de décembre 1995. Or, interrogé par la presse le 4 mai dernier, le leader des Rouges devait concéder qu’il ne connaît pas encore l’état des finances actuel.

Vu l’enjeu crucial, voire périlleux, des prochaines législatives pour les principaux acteurs de la politique locale – deux leaders historiques, ceux du MMM et du PTr jouant vraisemblablement leur va-tout électoral alors que celui du MSM « aura des comptes à rendre après les élections » (Navin Ramgoolam, dixit) –, d’autres promesses alléchantes, de part et d’autre, pour faire monter les enchères, à l’instar d’un probable alignement de la pension de vieillesse qui touche environ 25% de l’électorat, sur le salaire minimal, ne sont pas à écarter. Tels ces rituels qui sombrent dans l’indifférence généralisée, d’autres mesures préconisées parmi la vingtaine, comme la réforme du système électoral, le financement des partis politiques, la loi anti-transfuges, la Freedom of Information Act, la réforme de la force policière, le combat contre la corruption et l’insécurité, etc, reviennent tous les 5 ans sur le tapis, mais qui, à la fin du quinquennat, demeurent au niveau des déclarations d’intention.

En ce qui concerne la corruption justement, il n’est un secret pour personne qu’une des sources principales de ce fléau tentaculaire à Maurice est le financement des partis politiques suivi de la pratique malveillante de renvoi de l’ascenseur après les élections. Les politiciens qui sont appelés à gérer les affaires du pays devraient être les champions de la transparence et donner ainsi le bon exemple. Or, les activités politiques chez nous se déroulent dans l’opacité financière la plus complète car, n’étant pas officiellement enregistrés, les partis ne constituent pas des entités légales et leurs comptes, pas audités. Ce qui donne lieu à toute sorte de dérives et d’abus qui sont souvent portés sur la place publique par les acteurs eux-mêmes devant des spectateurs ébahis. Comme c’était d’ailleurs le cas le 1er mai à Port-Louis comme à Vacoas. Hormis les coffres-forts bourrés, entre autres, de liasses de billets en devises étrangères jamais utilisées auparavant, des comptes bancaires cachant « des milliards » à l’étranger ont également fait surface mais sans qu’aucune mesure n’ait été annoncée en vue de leur récupération.

Pourtant, transparence et bonne gouvernance sont les attributs intrinsèques de la démocratie. Dans ce contexte, la publication, le 29 avril dernier, du Constitution (Amendment) Bill ainsi que le Political Financing Bill visant à régulariser le financement des partis politiques constitue un pas dans la bonne direction ; ils permettraient d’instituer un cadre légal pour lutter contre le blanchiment d’argent sale qui serait abondamment recyclé dans les activités des campagnes politiques car toutes les donations devraient alors être enregistrées dans les comptes des entreprises et d’autres bailleurs des fonds afin de pouvoir éventuellement être retracées.

En outre, la consolidation des pouvoirs de l’ESC et de la Commission électorale aurait pour objectif final d’assurer que les élections se déroulent de manière libre et équitable, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Mais là où le bât blesse, c’est bien évidemment le « timing » choisi par le gouvernement, au moment même où la marmite politique est entrée en pleine ébullition, pour venir de l’avant avec un projet de loi si essentiel et vital pour la consolidation de la démocratie à Maurice et qui requiert, par conséquent, des débats à tête reposée. Ce qui laisse apercevoir donc que sa présentation n’a été effectuée que pour la galerie. Ainsi, dans les conditions actuelles, l’opposition PTr/MMM/ND a déjà signifié son intention de ne pas le soutenir, compromettant ainsi la majorité de trois-quarts requise pour son adoption. Comme c’était le cas en 2019, l’échec de cette tentative serait certainement porté sur la place publique lors de la campagne et mis sur le dos de l’opposition pour la récolte des dividendes politiques.

D’autre part, en ce qui concerne la réforme électorale, cheval de bataille du leader des Mauves, si le combat inlassable mené par Rezistans ek Alternativ contre le communalisme institutionalisé, est salutaire en soi, ce n’est certainement pas du jour au lendemain que disparaîtraient les pratiques électorales sectaires associées au système comme le témoignent d’ailleurs la composition sociale des circonscriptions, la méthode inavouable pratiquée par les leaders des partis pour la répartition des candidats dans les circonscriptions, la composition du Front Bench, du Conseil des ministres, etc. Force est de constater cependant que c’est, en fait, la représentation de toutes les composantes de la société multiculturelle dans le système de la gouvernance du pays qui constitue le garant de la stabilité sociale, condition sine qua non du progrès et du développement. Toutefois, certaines mesures annoncées par l’opposition visant à consolider la transparence et la notion de « free and fair election », notamment le dépouillement des bulletins le jour même du vote, le comptage sur place, la suppression des salles d’ordinateurs, etc méritent toute la considération voulue.

Finalement, alors que les rapports de l’EBC de 1999 et 2009 avaient tout bonnement été relégués aux oubliettes par l’ancien régime, la décision du gouvernement actuel de mettre en oeuvre celui de 2020 pour être en phase avec les exigences de l’article 39(3) de la Constitution est tout à fait louable. Et, comme annoncé par le PM, les prochaines législatives se dérouleront, par conséquent, à partir des nouvelles délimitations des circonscriptions.

 

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