Cardinal Maurice E. Piat
Je suis heureux que le Gouvernement présente à l’Assemblée ce projet de loi sur la transplantation d’organes. Un premier projet de loi (le « Transplant Bill ») avait été présenté au parlement en 2006 mais il n’avait jamais abouti. Les greffes d’organes représentent une grande conquête de la science médicale et sont certainement une source d’espérance pour de nombreuses personnes.
Mais ces greffes et ces transplants n’auraient pu se produire si les médecins et les chercheurs n’avaient pas pu compter sur la générosité de ceux et celles qui ont fait don de certains de leurs organes. Pour arriver à soulager tant de personnes, il aura fallu que se rejoignent deux grands élans du cœur humain – la ténacité des chercheurs et de médecins et la générosité des donneurs.
Aujourd’hui la demande croissante de ceux et celles dont la survie dépend d’un don d’organe entraîne la question de la disponibilité d’organes qui devient dramatique au regard des longues listes d’attente. C’est pour cela que ce projet de loi est bienvenu, car il est important d’encadrer et de réguler la demande comme l’offre.
Au sujet de ce projet de loi, je voudrais apporter quelques éléments d’appréciation et souligner une ou deux questions qui se posent :
- Appréciation
- Le corps de chaque être humain avec l’esprit qui l’anime constitue une unité indissociable : l’unité de la personne humaine. C’est pour cela que dans la transplantation d’organe nous devons avant tout tenir compte du respect dû à la dignité de la personne humaine et à la protection de son identité personnelle.
- Dans cette perspective une personne ne peut faire don d’un de ses organes que s’il est établi que sa santé n’est pas (et ne sera pas) en danger. Le consentement informé du donneur doit aussi être une condition préalable qui assure la liberté du don. Ces aspects semblent être couverts par la Section 9 (a) et (b).
- C’est pourquoi aussi tout don d’organe doit rester gratuit. Et la loi doit être très sévère à l’encontre de toute tentative de commerce d’organe. D’autant plus que ce genre de trafic et d’abus touche souvent des personnes innocentes et sans défense comme des enfants. Cet aspect semble être couvert par la Section 21.
- Pour les organes vitaux, il est clair qu’ils ne peuvent être prélevés qu’après le décès du donneur éventuel. Les critères principaux ici sont le respect de la volonté du donneur exprimée avant sa mort, et aussi le respect de la vie du donneur, ce qui suppose que le prélèvement éventuel n’intervienne que lorsqu’on est en présence de son décès réel. Cet aspect semble être couvert par la Section 15 (2) (c).
- Questions
- Dans le cas où une personne meurt
- sans avoir fait une demande officielle pour qu’un de ces organes soit prélevé après sa mort,
- sans avoir non plus exprimé son désaccord pour qu’un de ses organes soit prélevé après sa mort,
- et sans que la famille du défunt n’ait demandé qu’un des organes de la personne soit prélevé après sa mort,
il semble qu’il faudrait aussi qu’avant que le « Board » n’ait le droit d’autoriser un prélèvement, il ait obtenu l’accord préalable d’au moins un membre de la famille.
Ceci remet en question la Section II (3) du projet de loi.
- La question de l’assignation des organes prélevés et préservés dans des banques d’organes éventuelles doit aussi être soumise à des règles d’éthique. D’où la nécessité d’établir des critères objectifs et explicites pour l’établissement d’un « waiting list ». Ce qui semble manquer dans la formulation de la Section 5 (c) et 19 (5).
Sur ce sujet, le Pape Jean-Paul II s’est exprimé en ces termes « D’un point de vue moral, un principe évident de justice exige que le critère pour l’assignation des organes donnés ne devrait en aucun cas être « discriminatoire » (c’est-à-dire fondé sur l’âge, le sexe, la race, la religion, le statut social, etc.) ou « utilitaire » (c’est-à-dire fondé sur la capacité professionnelle, l’utilité sociale, etc.). Au contraire, dans la détermination des priorités d’accès aux transplantations d’organes, les décisions devraient être prises sur la base de facteurs immunologiques et cliniques. Tout autre critère se révélerait arbitraire et subjectif, et ne reconnaîtrait pas la valeur intrinsèque de chaque personne humaine en tant que telle, une valeur qui est indépendante de toute circonstance extérieure ». (Discours du Pape Jean-Paul II au 18e Congrès International sur la Transplantation d’organes – mardi 29 août 2000).
Tout en remerciant le Ministère de la Santé d’avoir pris l’initiative de présenter ce projet de loi, il serait souhaitable que les deux questions soulevées ici soient clarifiées. Ceci pour le plus grand bien des donateurs comme des bénéficiaires éventuels qui doivent pouvoir faire don de leurs organes ou les recevoir d’autrui en toute sérénité.