Les nouvelles mesures tarifaires annoncées par le président des États-Unis le 2 avril dernier ont provoqué une véritable turbulence dans pratiquement tous les pays qui ont, d’une manière ou d’une autre, des relations commerciales avec ce pays. L’annonce initiale de l’imposition d’un tarif douanier de 40% sur les exportations des pays comme Maurice aux États-Unis a mis aux abois les entreprises mauriciennes qui dépendent directement de ce pays.
Comme devait le souligner le Premier ministre Navin Ramgoolam au Parlement mardi, les USA sont le quatrième plus important marché pour les produits mauriciens. Quarante et une entreprises orientées vers l’exportation et employant quelque 17 000 personnes dépendent du marché américain. Sous l’AGOA, Maurice était éligible pour l’exportation hors taxes de quelque 6 400 lignes de produits sur le marché américain. L’économie mauricienne allait prendre un très mauvais coup, comme l’a dit le Premier ministre. Le secteur du textile et de l’habillement, déjà affaibli pour des raisons de compétitivité, était en danger de disparition.
On peut comprendre que l’annonce faite cette semaine par le président américain d’accorder une pause de 90 jours avant d’imposer le tarif douanier de 40%, tout en maintenant un seuil tarifaire de 10% sur tous les produits importés par les États-Unis, ait été accueillie avec soulagement par le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, Ritesh Ramful.
Il s’agit maintenant, comme l’ont dit le chef du gouvernement ainsi que les hommes d’affaires dont François de Grivel, de discuter avec les États-Unis tant sur les plans régional et bilatéral ; de travailler conjointement avec les pays éligibles sous l’AGOA ainsi qu’avec l’Union africaine en vue d’ouvrir des discussions avec les Américains et, en dernier lieu, de négocier un accord bilatéral avec ces derniers en vue d’une plus grande prédictibilité dans les relations commerciales.
La nouvelle administration américaine, avec en toile de fond la guerre commerciale contre la Chine, a pris des mesures commerciales en violation des règlements définis par des institutions multilatérales telles que l’OMC, en utilisant la force du marché pour établir ses directives sur le plan international. Aujourd’hui, à travers le monde, des voix s’élèvent en vue de mobiliser une nouvelle force commerciale à travers le regroupement des pays respectueux des règles de l’Organisation mondiale du Commerce. L’appel du Premier ministre singapourien Laurence Wong mérite l’attention.
C’est également le moment de consolider la collaboration avec nos partenaires traditionnels. Comme l’a déclaré cette semaine l’ambassadeur de l’Union européenne, Oskar Benedikt, lors du dialogue politique EU-Maurice, nous vivons une période de turbulences. « L’instabilité est à l’ordre du jour et en Europe, nous sommes confrontés à la guerre et à des pressions de toutes parts. Dans cette situation, nous devons rester des partenaires fiables, c’est de la plus haute importance. Les relations entre l’UE et Maurice sont fondées sur des valeurs partagées : la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme, le droit international et le multilatéralisme. Nous sommes impatients de renforcer nos relations, notamment dans les domaines de la démocratie, des questions financières, du changement climatique, de la préservation des ressources naturelles de Maurice, de l’économie bleue, de l’économie circulaire ainsi que du commerce et de l’investissement. »
Les effets de tout ce chambardement tarifaire ne se font pas attendre. Le FMI, dans son rapport sur les consultations menées au titre de l’article 1V, prévoit un ralentissement de la croissance économique qui est estimée à 3% pour 2025 contre 4,7% l’année dernière. Les raisons évoquées sont l’affaiblissement de la demande extérieure et le ralentissement de l’activité touristique et la sécheresse. La délégation du FMI recommande, par conséquent, la mise en œuvre des réformes clés visant à favoriser la compétitivité extérieure et une croissance tirée par le secteur privé.
Dans les conditions présentes, tant sur le plan local qu’international, on craint fort que l’exercice budgétaire débouche sur un budget d’austérité.