Semaine après semaine, nous ne cessons de le répéter : le changement climatique, qui occupe pour beaucoup notre attention, n’est qu’un des nombreux symptômes de notre société industrielle, et dont le seul et unique but reste d’augmenter les profits et d’alimenter l’économie mondiale. Certes, les conséquences du dérèglement du climat deviennent de plus en plus tangibles, y compris en Occident, où l’eau par exemple se raréfie sous l’effet de la multiplication des sécheresses, mais les défis civilisationnels ne peuvent en aucune façon se résumer à la seule question climatique. Les ravages occasionnés par notre système productiviste sont en effet multiples. Pire : ils ne datent pas d’hier. En fait, ils sont même visibles depuis très longtemps.
Ainsi pourrions-nous évoquer la pollution plastique, enclenchée depuis des décennies sans que l’on n’y prenne garde. Avec pour résultat, aujourd’hui, que l’on retrouve des microparticules de ce sous-produit de l’industrie pétrolière jusque dans notre sang et nos organes. Pendant le même laps de temps, l’on aura vu disparaître peu à peu les forêts primaires et les animaux sauvages, en sus de nombre d’espèces endémiques, et donc déjà rares à la base. De même, les écosystèmes se meurent sous l’effet de la déforestation et de l’urbanisation, nous rapprochant chaque jour un peu plus de virus potentiellement mortels. En plus de réduire dangereusement les populations des abeilles, menaçant du coup sévèrement l’alimentation mondiale. Quant à l’eau de pluie, elle est devenue, dans de nombreuses régions du monde, impropre à la consommation, car contenant des « produits chimiques éternels » (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées).
En matière de surproduction, l’agriculture et l’élevage ne sont pas en reste, tant ces secteurs ultra-productivistes occupent de nos jours une importante part de notre appareil économique. Une part que l’on se doit même de qualifier de « démesurée », tant l’on peut se poser de questions quant à la cohérence du mode de fonctionnement de l’industrie. Car si cultiver un champ pour alimenter une population est raisonnable, comment qualifier ce système lorsque ce même champ – dont beaucoup auront nécessité l’abattage de forêts entières – est voué non pas à nous nourrir, mais à nourrir le bétail de la prairie d’à côté, lui-même destiné à nous alimenter ? Et ce n’est bien sûr qu’un exemple parmi d’autres pouvant toute l’absurdité de ce système dont nous dépendons.
La question demeure cependant : comment et pourquoi cautionnons-nous tout cela ? D’autant que notre santé est en jeu. N’oublions pas qu’une importante part des maladies civilisationnelles (diabète, hypertension, troubles cardiovasculaires, cancers…) découle de notre manière de nous nourrir. Sans compter la recrudescence de bactéries antibiorésistantes liée à notre surconsommation de médicaments, voire la consommation d’animaux issus d’élevages industriels, et que l’on gave aussi d’antibiotiques.
La liste pourrait quasi indéfiniment s’allonger, tant les fléaux d’origine anthropique sont légion. Preuve donc que le réchauffement climatique n’est qu’un facteur parmi d’autres menaçant directement l’humanité sur le moyen et le long termes. Cela ne veut évidemment pas dire que nous ne devions rien faire à ce propos, mais il demeure que si nous pouvions – et ce n’est encore qu’une utopie – régler la question climatique, nous ne serions pas pour autant tirés d’affaire. Car à l’instar des problématiques susmentionnées (et celles qui ne l’ont pas été), toutes ces questions ont pour dénominateur commun notre « système de domination », et donc le capitalisme. Le tout porté par un mécanisme d’industrialisation ayant vu, dans l’esprit d’une croissance éternelle, naître l’accélération de la destruction de nos écosystèmes et l’éradication de nos ressources naturelles.
Une fois encore, le réchauffement climatique demeure un défi de taille, et qu’il nous faut bien entendu vite relever, car la menace est imminente. Mais se focaliser sur ce seul phénomène en oubliant « volontairement » les racines du mal ne servira à rien. Si ce n’est à (éventuellement) retarder l’inévitable. Aussi, pour le bien de l’humanité, mais aussi pour celui de toutes ces autres espèces avec qui nous partageons notre « maison », il serait peut-être sage d’enfin réfléchir à un système moins productiviste. Encore faudrait-il pour cela avoir une vision moins anthropocentriste du monde.