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Tous les soirs à la télévision depuis le début du confinement, des ministres, dont le Premier d’entre eux de temps à autre, viennent faire la leçon aux Mauriciens. Tous les soirs ils viennent parler du protocole – mot souvent prononcé mais dont la définition n’est jamais donnée – et les gestes barrières pour éviter d’attraper le coronavirus. Il arrive que ces ministres donneurs de leçons s’emportent et traitent ceux qui ne suivent pas leurs consignes de tous les noms. De « cocovid » à « bann san konpran » et d’irresponsables par rapport aux Mauriciens qui suivent sagement les consignes. Autrement dit, ces ministres opposent, comme ils l’ont fait durant la récente campagne électorale, les « nou bann » aux « bannla ». En faisant de « bannla » leur cible, ils désignent un coupable pour occuper le peuple, qui est du coup est moins regardant et moins critique sur les protocoles mis en place pour lutter contre la pandémie. Ce concert ministériel sur l’irresponsabilité de certains – répercuté par la MBC en direct, avec des extraits choisis et en rediffusion – a été répété tous les soirs depuis le début du confinement. Et puis est arrivé le jeudi 9 avril où l’a appris, tard dans la soirée, que la quinzaine de membres du High Level Committe sur le Covid 19, ceux du National Communication Committee, sans compter plusieurs hauts officiers du gouvernement, se sont mis en auto-isolation. En quelque sorte, c’est le centre névralgique du gouvernement qui est en confinement et ses membres doivent subir les tests de coronavirus ! La raison de cette mesure sanitaire au sommet de l’État ? Un membre du staff du ministre de la Santé a été trouvé positif au test de coronavirus. De quoi se demander si les donneurs de leçons les pratiquaient eux-mêmes ?

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Les grosses entreprises contraintes à l’inactivité depuis presque un mois piaffent d’impatience pour la levée du confinement et la reprise du “business” comme avant. Elles tirent sur toutes les cordes et les ficelles dans le cadre d’un grand lobby pour influencer le gouvernement. Toutes sortes de pétitions, de rapports et de documents démontrant la nécessité de lever le confinement pour permettre la reprise des activités commerciales circulent sur le net. Les grosses entreprises veulent rattraper le temps perdu, les ventes non faites et les profits non réalisés. En oubliant que certaines d’entre elles ont profité de la fermeture et de la réouverture des supermarchés pour augmenter leurs prix. Avant qu’ils ne soient confinés, les ministres donneurs de leçons juraient qu’ils séviraient sévèrement contre ceux qui profitaient de la situation pour majorer les prix et attendaient leurs plaintes. Mais comment veut-on qu’un consommateur, qui a fait la queue pendant deux heures, aille se plaindre des augmentations des prix au lieu de prendre les provisions dont il a besoin, dans le temps qui lui est imparti, selon le parcours décidé par le supermarché ? C’est pour cette raison que bien que beaucoup se plaignent de la hausse des prix, peu de plaintes sont enregistrées. Comme le dit plus loin Cassam Uteem, certains commerçants profitent des crises pour mettre le couteau sous la gorge des consommateurs.

La pandémie et ses conséquences ont fait ressurgir une manière de faire que l’on croyait profondément enfouie sous des couches d’égoïsme et d’individualisme : le partage et l’entre-aide. Dans beaucoup de cas, après avoir passé des années à l’ignorer, à le considérer comme un ennemi, puisque n’appartenant pas à la même communauté/caste, on redécouvre le voisin. Cet être humain de l’autre côté de la cour ou de la rue, à qui faire appel en premier en cas de nécessité, avant la famille et les amis. On se redit bonjour, on demande des nouvelles, on partage les infos – parfois les fake des réseaux sociaux – et les bonnes adresses pour avoir des légumes, du pain, faire des courses groupées. Est-ce que le climat incertain – ce cyclone qui passe sur l’île depuis des semaines sans qu’on puisse en voir les traces physiques – est en train de réveiller chez certains la nécessité de cette manière d’être qui était naturelle avant ? Est-ce que ce timide retour à la solidarité et au vivre ensemble va survire au temps du confinement ? Ou est-ce qu’une fois l’épidémie vaincue – ce qu’on promet tous les soirs à la télé – nous allons retrouver notre manière de vivre d’avant la pandémie ?

Jean-Claude Antoine

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