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Stéphanie Jacquin : « La volonté de privilégier le recyclage aux dépens de la pollution doit venir du citoyen  »

We-Recycle est une ONG spécialisée dans la collecte de canettes de boisson et de plastiques recyclables. Stéphanie Jacquin, Senior Projects and Operations Officer de l’association, est d’avis que la volonté de ne pas polluer et de contribuer au recyclage doit venir du citoyen lui-même.

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Dans l’entrevue qui suit, elle porte un regard sur la protection de l’environnement. Pour elle, il reste encore beaucoup à faire pour donner à la protection de l’environnement toute son importance. Elle affirme que les gens ont tendance à penser que la nature est au service de l’homme, alors que c’est à l’homme de s’adapter à son environnement. « Tant que nous continuerons à prendre notre environnement pour acquis, il nous sera impossible d’assurer sa protection », dit-elle.

Pourquoi l’ONG We-Recycle a-t-elle été créée ?

We-Recycle est une organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la collecte de canettes de boisson et de plastiques recyclables. L’association a été fondée en 2016 par un groupe d’expatriés qui, constatant que les rues et les plages du pays étaient sales, a donc décidé d’entamer des actions concrètes pour remédier au problème de pollution. De petites actions en petites actions, l’ONG s’est structurée et a acquis une solide expérience dans la collecte de déchets plastiques et dans la sensibilisation de divers publics sur les thèmes du recyclage, de la pollution et de la consommation responsable.

Quels sont ses objectifs ?

We-Recycle opère deux camions de collecte dans les districts de Rivière-Noire depuis 2018 et Savanne depuis 2022. Nous nous occupons d’un réseau de près de 70 poubelles de tri mises publiquement à la disposition des habitants par les conseils de ces deux districts. Nous collectons également des poubelles sponsorisées par PhoenixEarth et qui sont disponibles au public dans les régions d’Albion, Bambous, Cascavelle, Flic-en-Flac et Tamarin. Nous avons collecté, à ce jour, plus de 87 tonnes de plastique PET, plus de 12 tonnes d’autres types de plastiques recyclables, et plus de cinq tonnes de canettes de boissons.

We-Recycle a aussi pour objectif de sensibiliser et de former. Sans cela, nos actions de collecte seraient vaines. Nos actions de sensibilisation touchent les écoliers, les collégiens, les étudiants universitaires ainsi que les entreprises. Nous participons aux forums organisés par les pouvoirs publics pour partager notre expérience et faire avancer la cause du recyclage.

Quelles sont les différentes initiatives prises à ce jour par l’ONG ?

Nous faisons régulièrement des campagnes de sensibilisation dans les villages de l’Ouest afin d’expliquer aux gens les différents types de plastique qu’ils peuvent trier pour le recyclage, les dangers de la pollution plastique sur notre environnement ainsi que l’importance du recyclage, surtout pour une île comme la nôtre. Nous intervenons dans les entreprises, d’une part à travers des ateliers de 40 à 45 minutes, et d’autre part à travers notre formation certifiée par la MQA.

Depuis deux ans, nous avons lancé un programme de formation à l’échelle nationale à l’intention des élèves des écoles primaires. Nous avons, en 2023, animé des sessions dans les classes de Grade 1 à 6 des écoles primaires de Rivière-Noire et certaines écoles de Savanne, alors qu’en 2024, ce sont les élèves de Grade 5 de toutes les écoles primaires de l’île qui ont été sensibilisés. Cela représente plus de 11 400 enfants sensibilisés.

Nous organisons très régulièrement des activités de nettoyage en collaboration avec les autorités publiques, les entreprises et les jeunes. Ces sessions de nettoyage servent surtout à sensibiliser aux dangers des déchets une fois que ceux-ci entrent dans nos océans. Nous avons lancé cette année une offre combinée de randonnée et de nettoyage en partenariat avec Lanatir Pou Zot Tou, pour promouvoir la complémentarité d’un mode de vie saine et d’un environnement sain.

We-Recycle souhaite également toucher les communautés vulnérables pour disséminer les bonnes informations et les bons gestes de tri. Nous accompagnons les habitants de La-Valette, Bambous, depuis juin 2023 pour leur autonomie vers la gestion durable des déchets dans le village.

Comment peut-on approcher We-Recycle pour le recyclage ?

Toute entreprise qui souhaite prendre contact avec nous peut tout simplement consulter notre site Internet, nos réseaux sociaux ou nous téléphoner directement pour des renseignements sur nos programmes de collecte, de formation et de sensibilisation.

Où sont acheminés les produits pour le recyclage ?

Le plastique recyclable que nous collectons est trié par nos équipes. Le plastique Polyéthylène (PET) est mis de côté dans de grands sacs et stocké dans nos dépôts, en attendant d’être récupéré par notre partenaire. Notre partenaire va enlever les étiquettes et les bouchons et compacter les bouteilles PET. Le PET est envoyé en Afrique du Sud, où il est recyclé en nylon/polyester pour l’industrie textile. Le plastique flexible, tel que les sachets transparents et les emballages, est déposé chez une entreprise partenaire locale qui le transforme en nouveaux sachets et sacs d’emballage.

Les plastiques rigides des catégories Haute Densité Polyéthylène (HDPE) et Polypropylène (PP) sont déposés à une entreprise locale qui l’utilise pour fabriquer des meubles d’extérieur et autres objets en plastique recyclé. Les canettes sont emportées dans une entreprise locale de métallurgie et sont intégrées dans le processus de fabrication de barres en aluminium.

Pensez-vous que les Mauriciens sont suffisamment sensibilisés au recyclage ?

Nous avons constaté que les Mauriciens réagissent différemment quant aux enjeux environnementaux. Par exemple, beaucoup de personnes remettent en question le recyclage à Maurice, car elles ne savent pas où finissent les déchets triés. D’autres reconnaissent le besoin de faire le tri, mais ne savent pas où trouver les poubelles de tri. Enfin, certaines personnes (et elles sont de plus en plus nombreuses) jouent le jeu et ont non seulement pris l’initiative de faire le tri, mais aussi d’aller déposer les déchets recyclables dans les poubelles dédiées.

Du fait que les adultes ont ces différentes sensibilités vis-à-vis du tri sélectif et du recyclage, nous avons fait le choix de concentrer nos efforts sur la sensibilisation de la jeune génération, plus précisément des élèves dans les établissements scolaires primaires. Il y a un intérêt croissant de la part des écoles pour la sensibilisation des élèves sur le recyclage. Nous bâtissons sur le travail des professeurs et le Curriculum existant. À travers le Storytelling et les jeux, nous faisons prendre conscience aux élèves des dangers de la pollution sur notre nature et de ce qu’ils peuvent faire pour commencer le recyclage chez eux. Nous espérons que les écoliers retiendront les bonnes pratiques de tri et qu’une fois devenus adultes, ils garderont les bons gestes.

Quel regard portez-vous sur la protection de l’environnement à Maurice ?

Il reste encore beaucoup à faire pour donner à la protection de l’environnement toute son importance. Nous avons tendance à penser que la nature est au service de l’homme, alors que c’est à l’homme de s’adapter à son environnement. Tant que nous continuerons à prendre notre environnement pour acquis, il nous sera impossible d’assurer sa protection.

Quels sont les obstacles pour le tri des déchets à Maurice ?

Nous identifions deux principaux obstacles d’importance égale. D’une part, le manque d’infrastructure adéquate, d’autre part, le manque d’information sur le tri des déchets. Au niveau des infrastructures, bien que des poubelles de tri pour le plastique soient placées dans plusieurs villages, il faut que les habitants se déplacent pour y déposer les plastiques. Ceux qui n’ont pas de véhicule et qui vivent éloignés de ces bacs de tri sont pénalisés et peuvent difficilement participer à l’effort de tri et de recyclage.

Pour le moment, les déchets collectés par les services de voirie finissent mélangés et contaminés dans le même camion. Cela complique aussi tout effort individuel de tri sélectif. Finalement, les Mauriciens manquent d’accès à une information précise quant aux critères de recyclabilité des déchets, surtout dans le contexte local. Quelques exemples simples : le plastique laminé est difficilement recyclable, et tout plastique contaminé par des résidus alimentaires est aussi difficile à recycler à Maurice. L’efficacité du tri sélectif est moindre lorsque les ménages ne sont pas sensibilisés sur ces aspects.

Après chaque week-end, nos plages deviennent de véritables dépotoirs pour les produits en plastique, alors que les poubelles existent. Que faudra-t-il faire, selon vous ?

L’éducation reste un élément clé pour sensibiliser la population à la nécessité d’utiliser les nombreuses poubelles sur les plages publiques, d’où nos actions ciblées sur les jeunes et dans les communautés locales. Il est aussi important d’appliquer les pénalités prévues dans la loi pour la pollution dans les lieux publics. Pour cela, les autorités doivent augmenter les contrôles sur les plages publiques durant les week-ends.

Comment changer cette mentalité pour garder notre environnement propre ?

Les gens recherchent aujourd’hui la facilité. Tout doit être à portée de main et disponible rapidement. Les déchets qui sont dumpés dans la nature sont de toutes sortes : cela va de simples petites bouteilles aux gros appareils ménagers, tels les réfrigérateurs ou les machines à laver.

Concernant les gros déchets, pour l’instant, ils ne sont pas ramassés durant la tournée habituelle des éboueurs. Toute personne qui souhaite se débarrasser de déchets encombrants doit donc faire l’effort de chercher un transporteur adéquat. Cet effort, peu de personnes le font. Et la facilité veut que ce soit plus simple de s’en débarrasser sur le terrain d’à côté.

La volonté de ne pas polluer et de contribuer au recyclage doit venir du citoyen lui-même. Nous pouvons faire autant de campagnes de sensibilisation que nous voulons en expliquant sans relâche les dangers de la pollution sur notre environnement et sur notre santé, cela ne servira à rien tant qu’il n’y a pas une prise de conscience personnelle de la part de l’individu.

Partagez-vous l’idée qu’il faut continuer à jeter des détritus à Mare-Chicose ?

Notre ONG a fait de la consommation responsable son cheval de bataille pour le plaidoyer. La raison pour cela est que notre île étant limitée en superficie, nous ne pouvons agrandir le dépotoir de Mare-Chicose au-delà d’une certaine limite, et il n’est certainement pas soutenable sur le long terme de continuer à y envoyer des déchets. Ce dépotoir est, par ailleurs, saturé. Il est important de souligner ici que le recyclage est une solution de dernier recours, qu’il n’existe que peu de filières pour le traitement local des déchets plastiques et que ces filières n’acceptent pas tous types de déchets plastiques, mais uniquement certaines catégories.

De ce fait, il nous apparaît évident de centrer le message de sensibilisation sur la consommation raisonnée : réfléchir sur la réelle utilité d’un objet avant de l’acheter, privilégier les achats seconde main, réutiliser les objets du quotidien autant que possible avant de les jeter, par exemple. Cela, afin d’envoyer le minimum de déchets à Mare-Chicose, mais aussi afin d’éviter la surexploitation des ressources pour la production d’objets qui deviendront tôt ou tard des déchets qu’il nous faudra gérer.

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