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Spectacle «Les Misérables » – Gérard Sullivan : « Je redécouvre la beauté du texte en kreol de Dev Virahsawmy »

Pour les 25 ans de la version en kreol des Misérables, la troupe de Théâtre du Kaléidoscope propose une adaptation de cette comédie musicale en concert-spectacle. Les artistes réunis sur scène et accompagnés du groupe Witness chantent le texte en créole, traduit en 1999, par Gérard Sullivan et Dev Virahsawmy. Spectacle qui a connu un succès fou avec 29 représentations en 1999 et dont Gérard Sullivan se souvient encore…

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Prêtre, comédien, animateur de télé et de radio, metteur en scène, Gérard Sullivan n’a pas eu un parcours conventionnel. Il jongle sur tous les fronts et s’en sort toujours avec les honneurs. Ses spectacles dont Zozef Ek so palto larkansiel, Les pêcheurs de perles, Un homme parmi les autres, Les Misérables, Starmania ont gagné bien des cœurs. Il a su donner un autre visage, un autre engagement de sa vie de prêtre aux Mauriciens en faisant de chacune de ses rencontres une aventure humaine. « Nous refaisons Les Misérables après 25 ans car certaines personnes qui avaient participé au spectacle en avait gardé une intense nostalgie. J’étais le metteur en scène à cette époque, et je redécouvre cette année la beauté de la musique et surtout du texte de Dev Virahsawmy à travers cette traduction en kreol », confie Gérard Sullivan.

Il a des larmes à l’œil et le regret de ne plus revivre ces moments intenses en compagnie de son fidèle allié Dev Virahsawmy. « Nius étions à l’école primaire, mais ce n’est que 30 ans plus tard que je l’ai revu dans les coulisses de la MBC. Dev, c’était un peu le diable rouge, l’extrémiste, mais un intellectuel avant tout. » Ce même Dev a assuré avec brio la traduction en kreol du texte biblique Zozef Ek So Palto Larkansiel, alors que le créole n’était pas bien vu, étant considéré comme l’objet d’un mépris appuyé. « Nius étions inquiets, c’était tellement compliqué que Dev m’a recommandé de ne pas mettre son nom sur l’affiche. J’ai réussi à faire Dev monter sur scène après la 25e représentation. Zozef a connu un succès phénoménal avec plus de 75 représentations. »

Avec Les Misérables, Gérard Sullivan découvre en 1999 auprès de Dev Virahsawmy ce même bonheur complice de renouer avec la scène. L’adaptation de l’œuvre de Victor Hugo en kreol, dit-il, avait même choqué une dame qui lui avait déclaré de manière virulente : « Je ne viendrai pas au spectacle. Elle est venue à la dernière représentation, attirée par la publicité et elle a eu cette phrase étonnante, elle m’a dit : C’est fantastique, au bout de cinq minutes, je ne me rends plus compte que la pièce est en créole. Cela a été pour moi l’expression la plus parfaite. Le créole est notre langue maternelle et cela fait partie de notre patrimoine culturel, c’est Maurice dans toute sa diversité plurielle », lâche le prêtre, heureux de cette tournure.

Créativité et liberté d’expression

Gérard Sullivan se réjouit de la relève. En 1999, Les Misérables avait connu un énorme succès avec 29 représentations. Pour cette reprise de 2024, il s’émerveille devant la qualité vocale et surtout de l’apprentissage rapide noté chez jeunes qui sont entrés dans la précision musicale, le rythme, le texte, et qui sont porteurs d’espoir. « Il y a une relève. Ces artistes sont entrés de nouveau dans mes folies. Car moi, ma première folie remonte lors de mes études à Paris après mon ordination en 1971. Je me suis alors rendu à l’évidence que pour rencontrer les gens, il fallait sortir de la sacristie. Nius avons un pape qui nous dit aujourd’hui : Sortez, allez vers la périphérie. Mon prof d’université à Paris, une référence de la musique religieuse, disait : Si vous n’admettez pas que dans toute liturgie, voire la célébration de l’église, il y a une part de spectacle, vous êtes condamné à faire du cirque. L’Église m’a accordé un espace de créativité et de liberté que je n’aurais pas pu développer dans une autre profession. »

Chanter en créole a une résonance forte

Intuitif, le père Sullivan l’est à bien des égards, osant même s’attaquer à un texte de Victor Hugo pour le mettre en créole. « Le jour où une religieuse m’a remis un 33 tours de “Joseph and the amazing coat”, j’ai su que j’en ferai un spectacle. Avec Les Misérables de Victor Hugo, je suis resté dans la même ligne de pensée, chanter en créole. Il y a avant tout cette notion du vivre-ensemble et nous retrouvons cela au sein de la troupe. Les artistes sont rigoureux, car chanter en créole a une forme de résonance très forte. Idem pour le parler en créole, surtout lorsque nous faisons du spectacle, tout cela donne au final une expérience de vie. » (éclats de rires)

Il se dit très touché par le rôle de Jean Valjean, le bagnard de la pièce Les Misérables : « nous n’enfermons pas quelqu’un dans son péché, dans son crime. Il faut lui redonner sa chance et dans la mesure où Jean Valjean est en prison, Dieu lui donne cette autre chance de changer de vie. » Gérard Sullivan est d’avis que créer des spectacles est un travail colossal, sans parler des droits d’auteur, et du dévouement de la troupe d’artistes. « Je réalise que je fais de l’évangile sous-terrain, à travers les spectacles il y a beaucoup de message profond qui sont véhiculés. La partie musicale de Claude-Michel Schönberg pour Les Misérables a été un émerveillement des sens, le groupe Witness s’en sort tout aussi avec brio. J’ai aussi été touché par la profondeur de ce texte que j’ai partagé avec mon ami Dev. S’il fallait payer ces artistes à un tarif professionnel, jamais ce spectacle n’aurait eu lieu. »

L’autre projet auquel tient le père Sullivan est la remise en scène de Sister Act. Il a déjà en tête sa petite idée du personnage qui reprendra le rôle de Whoopi Goldberg, dans la peau de Dolores Van Cartier, chanteuse de cabaret déjantée témoin d’un meurtre. Pour l’instant, il est heureux de voir que 25 ans après, à la faveur du travail de répétition lancé au début 2024, c’est tout un vécu humain et un partage de passion artistique que vient offrir cette nouvelle troupe au public pour une adaptation de la version en créole des Misérables.

 

Adeline Forget : « Les Misérables, une expérience de vie »

Le concert-spectacle Les Misérables sera joué jusqu’au 6 octobre, au Caudan Arts Center. Adeline Forget, qui travaille avec le père Sullivan sur ce projet, parle d’un travail colossal englobant 32 chanteurs et une quinzaine de musiciens. « Le public ne mesure pas le travail que cela demande et on est obligé de ménager les décors et de travailler en amont sur une longue durée car on n’a que les après-midi et les soirées. »

Les auditions ont démarré en octobre/novembre 2023 et le travail a démarré début février de cette année par deux répétitions par semaine à trois soirs par semaine après le travail. Il y a aussi Melania Curpen qui interprète Ti Cosette et Mahé Boyer, Gavroche. Pour eux aussi, il a fallu s’adapter à leur emploi scolaire.
Le budget pour Les Misérables s’élève à Rs 3 millions et les acteurs, selon Adeline Forget, se sont engagés sur une base bénévole. « Nous, nous essayons de prévoir un dédommagement dans notre budget, même s’ils s’engagent sur une base bénévole. Nous ne pouvons pas parler de cachet, car nous ne pourrons jamais payer ces heures de travail fournies. »

Concernant son rôle de Mme Thénardier dans Les Misérables en 99, Adeline Forget dira que le rôle était prenant avec une grande liberté de jeu et qu’il lui a fallu bien travailler et maîtriser la partition avant de prendre des libertés avec l’interprétation. « J’ai partagé l’affiche avec Claude Antoinette qui jouait M. Thénardier, on avait développé une belle complicité. Cela a été une aventure humaine extraordinaire. Moi qui avais l’habitude des concerts, j’ai eu droit à ma première comédie musicale, et c’est un travail différent. La comédie musicale, c’est une école de vie, où on apprend à tout faire ensemble, que ce soit sur scène ou en coulisses. La partie musicale est un défi énorme, les musiciens ont travaillé sans relâche et aujourd’hui on n’a plus besoin de décor, on a des écrans. Mais pour meubler ces écrans, il faut le talent d’un graphiste pour faire voyager les gens et on réserve des surprises aux spectateurs. »

Le message qu’Adeline Forger veut faire passer concerne l’aspect humaniste, la rédemption, le pardon, la seconde chance, mais aussi le vivre-ensemble. Les recettes des représentations iront à Safe Heaven qui s’occupe des femmes en difficulté.

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