Après une dizaine de jours écoulés depuis son installation à la Maison-Blanche, le nouveau président américain, Donald Trump, n’a laissé transpirer aucune indication formelle au sujet du Chagos Much Better Deal conclu entre Maurice et le Royaume-Uni. Pourtant, les échanges transatlantiques au plus haut niveau se multiplient. D’abord, le président Trump s’est entretenu par téléphone dans la nuit de dimanche à lundi (heure de Maurice). Puis ce fut au tour du nouveau secrétaire d’Etat, Marco Rubio, de s’engager dans un tour d’horizon politique et diplomatique avec le Foreign Secretary britannique, David Lammy. Les communiqués officiels sur ces développements, émis à Londres comme à Washington, font abstraction de toute mention spécifique des Chagos.
Le quotidien britannique The Telegraph maintient toutefois que le dossier Chagos a bel et bien été évoqué. Entre-temps, le président Trump s’est entretenu avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, dont l’apport dans le dénouement de cette affaire – avec un accord à deux paliers, soit la restitution de la souveraineté de Maurice sur les Chagos et le bail de 99 ans pour la base militaire et nucléaire de Diego Garcia –, ne peut être sous-estimé dans la géopolitique de l’océan Indien. La Grande Péninsule est en effet un Major Stakeholder dans ces tractations, avec en toile de fond les installations militaires à Diego Garcia, et dont la marine indienne est en mesure de bénéficier. En parallèle, l’Ong Human Rights Watch s’est assurée que la question des Chagos soit présente lors du 38e Sommet de l’Union africaine qui se déroulera en février à Addis-Abeba.
Commentant les discussions entre Marco Rubio et David Lammy, The Telegraph avance que « Donald Trump’s secretary of state challenged David Lammy over Britain’s deal to give away the Chagos Islands in their first call together ». La préoccupation du côté des Américains demeure que « reassurance that the agreement will not undermine US security interests, given there is an American base on one of the islands (Diego Garcia) ».
Cette obsession du gang des Anti-Chagos Deal est confirmée par l’US State Department Read-Out des échanges Rubio/Lammy à l’effet que « they discussed both China’s malign influence and the need for a free and open Indo-Pacific ». Ce qui laisse sous-entendre que les dispositions de l’accord anglo-mauricien autour des conditions du bail de Diego Garcia ont dû être explicitées.
The Telegraph, qui prend la peine de reprendre la position formelle et répétée des autorités britanniques, affirme que « the agreement will safeguard the future of the US military base on Diego Garcia, given the legality of Britain’s claim to the island was in dispute », et ajoute que « the Foreign Office hopes Pentagon and State (Department) officials will win over the new administration ».
À ce stade, très peu d’indications ont émergé pour essayer de comprendre si le nouveau secrétaire d’Etat américain campe toujours sur sa position, exprimée en octobre de l’année dernière au moment du Draft Political Agreement du 3 octobre, notamment à l’effet que « this poses a serious threat to our national security interests in the Indian Ocean and threatens critical US military posture in the region ». Ou encore si les arguments développés par les Britanniques en marge du deal auront convaincu les Américains dans cette quête d’une double couverture d’assurance contre le « risque Pékin » à Diego Garcia.
À l’Hôtel du gouvernement, on se garde de commenter publiquement les tractations anglo-américaines sur les Chagos, même si la Chagos Cell du PMO assure un monitoring systématique des développements. « Not aware », fait-on ressortir aux interrogations du Mauricien. Toutefois, le mood au sein du gouvernement est qu’en cette année du 60e anniversaire de l’excision des Chagos de Maurice, décision unilatérale annoncée par les Britanniques le 8 novembre 1965 avec le Prerogative Order in Council, le différend historique anglo-mauricien sera réglé.
En parallèle, l’organisation Human Rights Watch, basée à New York, s’est assurée que la question des Chagos soit évoquée en marge du prochain sommet, qui verra l’élection d’une nouvelle Chairperson. Dans une communication, intitulée New AU Yearly Theme for Reparations Should Center Victims and their Descendants and Tackle Contemporary Abuses, cette organisation fait un plaidoyer « for the continental body to reflect on its record on the promotion and protection of human rights in Africa, and to choose a candidate who places human rights at the center of their vision ».
Dans cette stratégie, Human Rights Watch cite le cas des Chagos. Parlant de “Ongoing Colonial Crime Against Humanity”, elle ajoute que « the AU should urge the government of Mauritius, which is in the process of signing a treaty with the UK on the status of the Chagos Islands, to ensure meaningful participation of the Chagossians in the decision-making concerning their homeland and any further reparations programs ». Human Rights Watch maintient que « the African Union should press for the right of the Chagossians to reparations for the crimes committed against them, including the right of return to live in all their islands and adequate compensation ».