À l’ombre de l’envergure des capitaines de l’industrie, regroupés au sein de Business Mauritius, ou encore de la Chambre de Commerce et d’Industrie, qui se prépare à convoquer ses membres pour sa 175e assemblée générale, la Mauritius Exports Association (MEXA) a toujours su faire preuve d’un ton modéré pour porter sur la place publique ses doléances.
Et cela même au plus fort des crises qui ont secoué ce secteur économique, comme à l’époque des quotas d’exportations vers le marché rémunérateur des États-Unis ou encore avec le démantèlement de l’Accord Multi-Fibres, marquant la fin de l’ère des préférences sur le plan des échanges.
La preuve est qu’aujourd’hui encore, Maurice peut compter sur des recettes brutes de Rs 50 milliards, générées par les exportations de biens. Par contre, d’autres opérateurs dans d’autres filières peinent encore à retrouver la vitesse de croisière d’avant la pandémie de Covid-19.
Mais pour la dernière assemblée générale, la MEXA a choisi de se démarquer de l’attitude Tou Korek, devenue littéralement un Trade Mark des échanges entre partenaires socio-économiques. Les dirigeants de la MEXA ont tiré la sonnette d’alarme sur un aspect fondamental de leurs opérations, notamment la desserte maritime ou plus précisément la productivité dans le port. En tout cas, pas un coup d’épée dans l’eau!
Certes, ce problème n’a pas été évoqué pour la première fois. Port-Louis ne se présente plus comme la Star and Key of the Indian Ocean. Celui ayant pris la peine de soulever avec force le déclin de productivité dans le port ne peut être catégorisé comme un opposant au gouvernement. Arif Currimjee, le président sortant de la MEXA, a ses entrées et ses sorties au Treasury Building.
Cela ne l’a pas empêché d’avertir haut et fort que « our maritime independence is in serious jeopardy » dans la mesure où « shipping lead time of 40 days to Europe and 60 days to the East Coast of USA are unacceptable by our international buyers, who are to the contrary requesting faster delivery ».
Pire encore, ajoutera Arif Currimjee qui prend à contre-pied plus d’un, en particulier les décideurs politiques du jour. « Our common ambition of making our port the hub of the region is unfortunately gradually fading out .» Il va plus loin et met en opposition les développements au titre de la productivité portuaire dans la région.
Et le scénario-catastrophe : « Should Madagascar become a more competitive port than Mauritius, which I believe is imminent, Mauritius definitely runs the risk of losing its hubbing port of the three shipping lines and may become a reefer base to the port of Madagascar. This will have a huge negative impact on our economic activities .»
Au nom de la communauté des exportateurs, qui placent encore leur confiance en Maurice en maintenant leur Production Base, Arif Currimjee réclame un sursaut de la part des autorités en vue de prendre des mesures correctives. La base du premier miracle économique de la fin des années 80 et de celles de 90 a été l’Export Manufacturing Sector.
Cette sortie d’Arif Currimjee devant un parterre d’opérateurs économiques de première ligne et comprenant également deux ministres responsables de High Economic Portfolios, en l’occurrence Alan Ganoo et Sunil Bholah, signifie que l’heure est grave.
Il n’a pas parlé que de productivité portuaire mais aussi du niveau préoccupant des investissements dans la manufacture, qualifié de « nowhere where it was fourteen years ago ». Ou encore du problème de la pénurie de main-d’oeuvre. Malgré le Fast Track Committee, annoncé dans le budget, prononcé il y aura bientôt une année.
Plus qu’un cri d’alarme. Dans la conjoncture où le Buzzword est relance, les remarques formulées lors de l’assemblée générale de la MEXA ne doivent pas se résumer comme une Cause of Concern. Mais bien plus un Call for Action. Avant qu’il ne soit trop tard.
Néanmoins, un signe extrêmement positif émerge. Nullement l’intention de faire injure à l’un ou à l’autre dans la mesure où dans le dernier numéro du mensuel Lekolozis de Green Reparations Foundation, Daniella Police-Michel, dans une réflexion sur l’évolution du sens et de la pratique parrhesia, exhorte tout un chacun à tous les niveaux de la société sur le « kouraz dir laverite seki ou panse pou fer demokrasi avanse ».
Et Arif Currimjee a cru nécessaire de crever l’abcès sans complaisance aucune face à ses amis du pouvoir. Car il y va de l’avancement du bien commun. Toute ressemblance ne peut qu’être fortuite…