La délégation, dirigée par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui a participé le week-end dernier au 38e sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, est attendue au pays ce matin. Ce sommet a été marqué par l’élection du Djiboutien Mamamoud Ali Youssouf comme président de la commission de l’UA, le bras exécutif de l’organisation panafricaine. La participation de Maurice à ce sommet panafricain a permis de confirmer la présence du dossier des Chagos sur la carte géopolitique de la région.
Intervenant dans le cadre des débats consacrés au thème principal du sommet de cette année, à savoir Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par le biais de réparations, Navin Ramgoolam est revenu à la charge sur le dossier des Chagos. « À la suite de l’excision illégale de l’archipel des Chagos du territoire de Maurice avant l’indépendance, le Royaume-Uni a expulsé de force tous les habitants de l’archipel. Conscient de la détresse de ceux qui ont été déplacés vers Maurice, mon gouvernement prend des mesures spéciales en leur faveur et en faveur de leurs descendants par le biais du Fonds de protection sociale des Chagossiens. Nous soutenons également leurs aspirations en tant que citoyens mauriciens de pouvoir se réinstaller aux Chagos s’ils le souhaitent », a-t-il dit.
Navin Ramgoolam a confirmé qu’Olivier Bancoult, figure dominante de la communauté chagossienne, et qui est également leur porte-parole, fait partie de la délégation. « Il a été au centre de la lutte pour les droits des Chagossiens et nous admirons tous sa détermination et sa ténacité inébranlables », avance-t-il. Il a de nouveau remercié tous les membres de l’UA pour s’être ralliés à la lutte menée par Maurice en faveur de la souveraineté sur l’archipel des Chagos.
« L’Afrique ne pourra pas être complètement décolonisée et libre tant que la dernière colonie africaine, les Chagos, ne sera pas entièrement restaurée sous notre souveraineté », s’est-il appesanti. Il a informé les chefs d’Etat que des discussions sont en cours avec le gouvernement britannique et qu’elles vont dans la bonne direction. « Nous espérons une conclusion positive », laisse-t-il entendre.
Cicatrices de l’esclavage
Dans le cadre de son intervention, le Premier ministre a souligné que « reconnaître les torts du passé et prendre des mesures de réparation pour ces torts sont essentiels pour guérir notre continent ». Ainsi, dit-il, « l’esclavage a constitué une cicatrice majeure sur notre continent » et Maurice ne fait pas exception.
« Toutefois, une fois libérés, les esclaves et leurs descendants ainsi que les travailleurs sous contrat ont travaillé dur et, avec leur sueur et leur sang, ont construit ce qui est aujourd’hui l’île Maurice moderne. Mais cela ne devrait pas exonérer de leurs responsabilités ceux qui ont introduit de tels systèmes pour leurs intérêts économiques », fait-il ressortir.
Il dénonce le fait que l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage, telles les travailleurs engagés venus de l’Inde, ont affecté la vie d’environ un demi-million de personnes, dont beaucoup ont été amenées à Maurice dans des conditions extrêmement inhumaines. « L’histoire de Maurice est une image miroir de ce qui s’est déroulé en Afrique continentale », a-t-il repris.
Tout en affirmant qu’inspiré par la lutte du défunt président Nelson Mandela, qui a démantelé l’apartheid en Afrique du Sud, son gouvernement a créé la Commission Vérité et Justice pour explorer l’impact de l’esclavage et de l’engagisme à Maurice. « Cette commission a été chargée d’enquêter sur la dépossession des terres et de déterminer les mesures appropriées à prendre en faveur des descendants d’esclaves et de travailleurs sous contrat. »
Il notera ainsi que parmi les principales recommandations de la commission figure la création d’une unité de recherche sur les terres ainsi que d’une division des terres au sein de la Cour suprême. Par ailleurs, Maurice a créé un site pour commémorer l’abolition et la résistance à l’esclavage, symbolisé par la montagne du Morne. « Ce site officiel, choisi pour commémorer la vie désespérée et inhumaine des esclaves, est depuis 2018 inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco », explique-t-il.
Série de bilatérales
Outre ses deux interventions en séance plénière, Navin Ramgoolam a participé à une série de rencontres bilatérales et s’est entretenu avec des professionnels mauriciens basés dans la capitale éthiopienne et ailleurs, et qui travaillent pour l’UA et d’autres organisations en Afrique.
Il a d’abord rencontré une délégation dirigée par le président de l’Union des Comores, Azali Assoumani. Les discussions ont porté sur le renforcement des relations bilatérales entre nos deux nations, avec un accent sur la coopération économique et le développement mutuel, tel que la sécurité maritime, les Jeux des Iles de l’océan Indien, qui se tiendront en 2027, la piraterie et la pollution. Les deux chefs de gouvernement se sont en outre engagés à faire avancer les accords bilatéraux entre nos deux pays.
Navin Ramgoolam s’est entretenu avec le Dr Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et ancienne ministre des Finances du Nigeria. Cette dernière a exprimé son souhait de voir Maurice tirer pleinement avantage des accords commerciaux existants et a sollicité le soutien du Premier ministre dans la lutte contre la pêche illégale, d’autant que Maurice a ratifié le Fisheries Subsidies Agreement.
Elle a par ailleurs invité le Premier ministre à persuader les pays membres africains ainsi que d’autres nations alliées de collaborer avec l’OMC sur ses principales priorités. L’état de l’économie mauricienne, les opportunités d’investissement et l’intention du gouvernement visant à introduire une Fiscal Responsibility Act ont aussi été évoqués. Le Premier ministre a saisi l’occasion pour inviter la directrice générale de l’OMC à Maurice.
Navin Ramgoolam a également rencontré Mesfin Tasew Bekele, Chief Executive Officer d’Ethiopian Airlines. Ce dernier a exprimé son souhait de collaborer avec Maurice dans le cadre de sa politique de ciel ouvert, en proposant notamment d’établir un vol direct entre Addis-Abeba et Maurice. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, l’ambassadeur Mesganu Arga, présent à la réunion, a quant à lui souhaité un renforcement de la coopération bilatérale entre les deux pays, notamment dans les secteurs du commerce, du tourisme et de l’aviation.
Le Premier ministre a procédé à un échange de vues avec la délégation de la Banque africaine de Développement (BAD), menée par son président Akinwumi Adesina. La possibilité de renforcer la position du pays en tant que hub financier et d’investissement en Afrique a été abordée.
Pour clore la journée de dimanche, Navin Ramgoolam a rencontré des professionnels mauriciens basés à Addis-Abeba. Ces derniers ont félicité le Premier ministre pour sa victoire aux dernières élections et ont exprimé leur désir de contribuer au développement de Maurice, en proposant diverses initiatives. Il en a profité pour signifier son intention d’accorder le droit de vote à la diaspora mauricienne.