Chairperson du National Committee on Corporate Governance et administratrice de plusieurs compagnies, Aruna Radhakeesoon prône une conduite éthique, primordiale pour tous ceux siégeant sur des conseils d’administration. « Vous n’êtes pas qu’un manager mais en tant qu’administrateur, vos obligations légales sont plus importantes. Et si par malchance vous êtes “blacklisted” par un régulateur, c’est fini pour vous. Il faut à tout prix préserver votre réputation. » Elle intervenait lors d’une conférence virtuelle organisée par Board of Good sur le thème Aptitudes et compétences pour siéger sur un board.
Aruna Radhakeesoon qui est aussi Executive Director/Chief Legal and Compliance chez Rogers et Chairperson du Central Depositary and Settlement Ltd, déclare avoir adopté une « position féministe » sur les conseils d’administration sur lesquels elle siège afin « de bien faire comprendre qu’il faut une Gender Balance sur les conseils d’administration. » Car nommer une seule femme sur un conseil d’administration n’est pas suffisant ; il faut aller plus loin. « Quand on se joint à un Board, si on est la seule femme, ce n’est pas facile de mener les débats sur la parité hommes/femmes », a-t-elle affirmé, soulignant au passage les mérites des groupes MCB et Ciel, qui ont affiché ouvertement des objectifs sur la Gender Diversity.
Donnant des clés aux femmes qui vont siéger sur des conseils d’administration pour la première fois, elle leur conseille d’approcher un Senior Director pour lui proposer leur aide, lui demander de vous coacher et lui proposer d’agir comme son Alternate Director, Pour cela, il faut d’abord établir une relation de confiance entre les deux personnes. Aruna Radhakeesoon est aussi d’avis qu’agir comme Board Secretary peut servir de tremplin pour ensuite devenir Board Member : « C’est une position unique et cela représente une fenêtre vous permettant d’observer, de vous familiariser avec la façon dont le “board” évolue et cela vous permet de beaucoup apprendre sur le déroulement des réunions de conseils d’administration. »
En parallèle, la présidente du NCCG conseille d’acquérir des compétences techniques. Il s’agit également de bien cerner la culture de l’entreprise car, a-t-elle dit, « souvent on vous envoie un “induction pack” et il faut maîtriser le contenu de ces documents, voire aller au-delà, et ne pas hésiter à appeler le CFO ou le CEO pour des questions ou exprimer votre souhait de constater de visu différents aspects de la compagnie que vous souhaitez comprendre ».
Elle ajouter : « ou fil du temps, la Full Picture va se dessiner. Et si en lisant l’Induction Pack”, il y a des sujets avec lesquels vous n’êtes pas familières, documentez-vous au maximum et normalement le Board Secretary est là pour vous aider. Il est aussi sage d’avoir un ami avocat pour vous aider et vous conseiller. »
Par ailleurs, elle a donné quelques pistes sur la prise de parole lors des réunions des conseils d’administration : « vous avez une voix pour voter, mais cela ne veut pas nécessairement dire parler beaucoup. Vous ferez un point quand vous aurez un point à faire. De plus, le droit de vote vous offre aussi le droit de Dissent. Un administrateur a le droit de Dissent sur une résolution qui est portée au vote. Et surtout demandez au secrétaire de la compagnie de noter ce Dissent. » Elle a affirmé qu’il ne faut pas « se laisser impressionner par les directeurs » et plutôt adopter une posture d’observation. « Voyez qui est intelligent, qui a les Soft Skills, etc. Car observer vous permettra d’avoir les cartes nécessaires pour argumenter et mettre votre point en avant. Et ne vous faites pas tout petit non plus. »
Évoquant les qualifications requises pour intégrer un conseil d’administration, Aruna Radhakeesoon est d’avis que les entreprises ne recherchent pas nécessairement des financiers et experts-comptables pour devenir administrateurs : « En général, chaque Board développe un Skills Matrix lorsqu’il y a un poste vacant pour analyser quelles compétences sont manquantes. Mais je ne crois pas que l’on recherche uniquement des compétences légales ou financières. »
Khadeeja Oozeerally-Luckhun, Managing Director de Maersk Mauritius, abonde dans le même sens. « Je n’ai pas de Background financier. À vrai dire, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, mais par contre la base est nécessaire, il faut comprendre un Balance Sheet, etc. », dit-elle. Elle explique avoir participé pendant deux ans à des Board Meetings au sein de son entreprise en tant qu’observatrice pour « voir ce qui se passe, absorber ces informations et voir comment les directeurs interagissent entre eux et avec le Chairman, etc. ».
Elle poursuit : « le côté pratique est fondamental. Je conseille aux femmes intéressées de voir comment dans leur entreprise elles peuvent devenir plus “visibles”, apprendre et demander à être observatrices dans une réunion de Board et chercher un mentor. »
Khadeeja Oozeerally-Luckhun a dit qu’elle était dans la Leadership Team de son entreprise, mais qu’elle voulait apprendre et progresser. « Ce n’était pas négociable pour moi, je voulais progresser et aujourd’hui j’applique cela avec ma “leadership team” aussi, car il faut être proactif. » Commentant les cours disponibles pour les administrateurs à Maurice, elle estime qu’on n’est « pas obligé de suivre les formations du MIoD », disant que dans son cas, elle a appris sur le tas, a montré son intérêt et son « engouement pour l’industrie ou l’entreprise ». Et d’ajouter : « C’est vraiment en se démarquant et en faisant votre Homework que vous allez sortir du lot. Et en faisant des commentaires et posant des questions pertinentes. »
De son côté, Amélie Vitry Audibert, Executive Director de Mercoeur Investment (groupe Ciel), coach et facilitatrice, estime que le point de départ c’est l’intention : « Quand vous voulez candidater pour devenir administrateur ou administratrice, sachez quels sont vos objectifs, quelles valeurs vous allez apporter sur un “board”. Moi non plus, je ne suis pas un as de la finance, mais j’ai d’autres qualités. Sur un conseil d’administration, on ne peut pas avoir que des carrés, il faut avoir des ronds. L’important, c’est la volonté. » Mais elle relève que « c’est plus facile pour les hommes de se sentir légitimes pour siéger sur des Boards mais nous femmes, nous réfléchissons à deux fois et nous doutons parfois de nos compétences ».
Amélie Vitry Audibert a rappelé qu’il ne faut pas hésiter à se positionner, car beaucoup de compagnies offshore notamment sont à la recherche de Resident Directors. « Essayez de créer des liens avec votre “board”. Pour ma part, je me suis inscrite au MIoD, il y a eu un appel de candidatures et j’ai répondu. L’appel était anonyme, je savais seulement que c’était une compagnie financière. Et une fois que j’ai fait mes débuts, j’ai suivi le programme de développement du MIoD. Mais le point de départ, c’est vous et votre valeur ajoutée. La motivation ne doit pas être financière car si vous faites ça pour de l’argent, cela va fausser le sens de votre démarche. »
Elle a ajouté qu’il y a certaines choses importantes à savoir et qui ne sont pas forcément apprises dans la formation. Il y a d’abord la nécessité de maîtriser au moins la Companies Act et le code de bonne gouvernance. « Parce que la responsabilité est énorme pour les board directors, surtout en temps de crise. Et quand vous devez décider si vous allez sur un “board”, il faut comprendre les défis et risques liés à la compagnie. Parlez aux gens qui siègent sur des “boards” pour comprendre les “board dynamics” et comment l’on doit se comporter sur un “board” », déclare-t-elle.