Shuichiro Kawaguchi : « Maurice peut développer sa propre culture autour du poisson »

Le poisson frais est très prisé dans les habitudes culinaires des Mauriciens. Toutefois, les Mauriciens ont encore beaucoup à apprendre concernant les techniques de pêche et les moyens devant être utilisés pour conserver le poisson et le maintenir frais le plus longtemps possible. L’ambassadeur japonais Shuichiro Kawaguchi, soutenu par des experts de la JICA, a ainsi donné un aperçu de ces techniques très simples pouvant être adoptées par la communauté des pêcheurs locaux lors d’une démonstration à son ambassade, à Floréal.

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« Plus le poisson est frais, plus ses qualités gustatives sont maintenues, et plus il a de la valeur. Si les techniques appropriées sont appliquées, un pêcheur mauricien peut mieux gagner sa vie et obtenir plus de revenus avec moins de poissons à pêcher », explique le professeur Osamu Baba, de la Tokyo University of Marine Science and Technology, présent aux côtés de l’ambassadeur japonais samedi.
« J’ai eu l’occasion de déguster un sashimi dans des hôtels de luxe à Maurice, et j’ai été surpris d’apprendre que les poissons utilisés proviennent de l’étranger, dont la Norvège dans certains cas. Or, Maurice a suffisamment de poissons dans ses eaux pour développer sa propre culture culinaire et sa propre identité autour des poissons mauriciens. Ce qui serait un atout majeur, aussi bien pour les touristes européens que pour les touristes asiatiques, dont ceux venant du Japon », note l’ambassadeur Shuichiro Kawaguchi.

« Les techniques japonaises sont simples, bon marché et nécessitent très peu de technologies. La pêche artisanale et traditionnelle peut facilement épouser la technologie japonaise », poursuit le Pr Osamu Baba. Grâce à des expériences de pêche réalisées avec des pêcheurs mauriciens ayant fait l’objet de vidéos projetées samedi, les experts japonais ont été en mesure de faire une comparaison entre les techniques utilisées à Maurice et au Japon.

Ainsi, les pratiques consistant à garder les poissons directement dans les pirogues et à les laisser mourir par eux-mêmes, ou les maintenir au soleil pendant trop longtemps ne favorisent pas la fraîcheur et la qualité des prises. De même, la technique consistant à piquer les poissons, comme le thon, au moyen de harpons contribue à avarier la chair du poisson.

La pêche nécessite une préparation préalable. De la même manière qu’on prépare ses filets ou ses casiers, les pêcheurs devraient pouvoir disposer des moyens nécessaires pour transporter suffisamment de glace à bord de leur bateau dans des conteneurs séparés de manière à disposer, autant que possible, de différents types de poissons.

Les experts japonais utilisent la  technique « Ikejime », très pratiquée au Japon, qui permet au moyen d’un couteau approprié de tuer instantanément le poisson en coupant une veine séparant le corps de la tête du poisson. Ce qui permet de maintenir la qualité de la chair, qui peut être maintenue au frais pendant une semaine.

« Tout cela est une meilleure opportunité pour tous ceux engagés dans les campagnes quotidiennes de pêche, et qui peuvent évoluer vers une communauté à travers les associations coopératives dans lesquelles le rôle de chacun sera plus valorisé », explique Osamu Baba. « Les pêcheurs doivent être partie prenante d’une organisation intégrée à partir de la pêche jusqu’à la livraison des poissons », souligne-t-il.
C’est en utilisant un poisson Capitaine pêché à Trou-d’eau-Douce, et conservé dans les conditions idéales, que l’ambassadeur Shuichiro Kawaguchi a entrepris de faire sur place un sashimi pour ses invités. Il a ainsi fait une démonstration non seulement de sa virtuosité dans le maniement du couteau pour couper le poisson, mais aussi de son amour pour la cuisine. Un invité, sur un ton humoristique, devait d’ailleurs lui lancer : « Je suis certain qu’il d’occupe de sa cuisine et laisse son cuisinier s’occuper de l’ambassade. »

 

TÉMOIGNAGE – Patrick Fortuno (Trou-d’Eau-Douce) :
« Le pêcheur doit être un entrepreneur »

« Il faut que les pêcheurs deviennent des entrepreneurs. Ils doivent penser en termes de valeurs ajoutées. Il y a plusieurs façons de le faire, en premier lieu en utilisant les techniques appropriées pour la pêche et la conservation. On peut ensuite le préparer comme cela se fait pour le poulet, en le mettant dans des barquettes sous forme de filets ou de tranches. Il est aussi possible de promouvoir une cuisine typiquement mauricienne et de créer un label propre à Maurice. Il est également possible de créer des tables d’hôte, dans lesquelles toute la famille est engagée », explique Patrick Fortuno.

Il poursuit : « Nous sommes aussi très confiants quant à la dimension sanitaire et de conservation. Le pêcheur doit apprendre à utiliser la glace et bien traiter son poisson. Avec l’aide du gouvernement et le soutien technique de la JICA, je suis certain qu’on peut créer des entreprises rentables. Les sociétés coopératives ont un rôle important à jouer dans ce domaine, comme c’est le cas à Trou-d’Eau-Douce. Je suis également en faveur de l’introduction d’un système de traçabilité en introduisant une étiquette sur les poissons commercialisés, de manière à indiquer l’endroit et le jour où ils ont été pêchés. On saura ensuite que tel poisson exposé provient par exemple de Trou-d’Eau-Douce et n’est pas le résultat de pêche illégale ou de pêche à la dynamite. »

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