JEAN CLÉMENT CANGY
Nous nous réveillons chaque matin en nous demandant ce qui va encore se passer dans ce pays, combien de morts encore sur nos routes, combien encore de motocyclistes tués, combien encore de jeunes fauchés à la fleur de l’âge, combien encore de victimes de violences routières, conjugales, familiales, de voisinage, combien encore de souffrances ? Combien encore de démissions non actées : notre pays a ceci de particulier, d’insolite qui fait qu’en dépit de tout ce qu’on peut avoir fait de répréhensible on ne démissionne jamais de son propre chef. A moins que dans les stades ultimes du scandale on soit forcé de le faire. Vous pouvez avoir le pays, l’opinion publique contre vous : non, on ne démissionne pas! Que ce soit dans l’hémisphère nord ou sud, en pays industrialisé ou en développement, en démocratie avancée ou naissante on oublie très vite que nous avons été désignés à des charges à la tête de l’Etat ou à des postes ministériels pour servir le peuple. Alors on se sert : nous valsons avec les fuseaux horaires et les avions (plusieurs fois par mois), avec les per diem, les allocations en tous genres, avec les palaces luxueux, les limousines-tout-confort-Paris-Rome, les restaurants chics et les bijoutiers haut de gamme alors que dans la population que nous représentons ils sont nombreux à ne pas manger à leur faim, à ne faire qu’un repas par jour et à vivre avec de la tôle pourrie pour seul toit. « Vous avez dit : pauvreté, elle n’existe pas chez nous, mon bon monsieur ! Les pauvres ? Ce ne sont que des fainéants qui ne veulent pas travailler ! », peut-on cependant entendre. Ne serions-nous qu’à l’affût de l’opportunité du moment ? « Il y en a qui contestent, qui revendiquent et qui protestent. Moi, je ne fais qu’un seul geste, je retourne ma veste, toujours du bon côté. /Je n’ai pas peur des profiteurs, ni même des agitateurs. Je fais confiance aux électeurs. Et j’en profite pour faire mon beurre. / Je suis de tous les partis. Je suis de toutes les patries. Je suis de toutes les coteries. Je suis le roi des convertis. J’ai tellement retourné ma veste qu’elle craque de tous les côtés », chantait Jacques Dutronc dans L’opportuniste.
Comment éviter que la classe politique ne dérive pas de ses objectifs premiers dont le plus essentiel est celui de servir la population ? Comment éviter que le peuple ne se fasse pas voler sa victoire après les élections ? Notre démocratie est aujourd’hui en crise. Nos personnels politiques ne proposent rien de nouveau, rien d’enthousiasmant en termes de projet de société sinon que des éternels projets d’alliances et de mésalliances qui ne font qu’exaspérer la population. Aussitôt terminées les élections générales le peuple est maintenu sur le qui-vive, en perpétuelle campagne électorale.
Il faut repenser, renouveler notre démocratie. Il s’agit de proposer du neuf. Il s’agit de proposer aux candidats à la députation à l’occasion des élections législatives, qui sont l’épine dorsale de la démocratie, un mandat unique de sept ans non renouvelable et un emploi à la sortie. Une telle mesure favorisera le renouvellement et le rajeunissement des personnels politiques. Du coup, on écartera les carriéristes, les pouvoiristes, ceux qui sont accrochés à leur fauteuil de député, de ministre, de Premier ministre.
Repenser la démocratie dit Habermas, « c’est tenter de fournir des réponses aux questions suivantes : les pathologies de la démocratie sont-elles dues au régime ou aux gouvernants ? Quelles sont les réformes à réaliser pour que la démocratie retrouve le sens de la justice, de l’égalité et de la solidarité ? »
Pour le sociologue Raymond Bourdon, qui parle de la nécessité de renouveler la politique et la démocratie représentative, « on ne mettra fi n à la crise du politique que si l’on réaffirme, notamment dans les enseignements et à travers les institutions, les principes fondamentaux de la philosophie des Lumières et de la théorie libérale de la démocratie, tels qu’ils ont été exprimés par Montesquieu, Adam Smith, Rousseau, Tocqueville ou Max Weber, pour ne citer que quelques-uns des plus grands. (…) On doit se souvenir que les corps représentant les citoyens doivent être tenus pour la clé de voûte de la démocratie. Renouveler la démocratie, c’est renouveler la démocratie représentative. »