JEAN-MICHEL MARTIAL
La sécurité routière au sein de notre République est l’un des sujets d’actualité dont nous parlons le plus ces dernières années. La raison principale de l’intérêt que nous portons à ce sujet est le nombre croissant de décès sur nos routes. Aujourd’hui, il ne se passe pas un jour sans qu’un média n’en parle.
Le choix d’élaborer avec vous sur ce sujet comporte principalement deux raisons qui sont étroitement liées. Premièrement, une très large partie de mon quotidien s’y passe et je constate énormément de choses de visu. Deuxièmement, étant donc souvent en voiture, j’écoute beaucoup la radio et ai entendu quelques incohérences lors de certaines émissions venant de policiers, de représentants d’associations et de journalistes.
Le premier constat : il est tout simple et il n’y en a pas d’autres : nous n’avons que trois responsables quant à cette augmentation de décès sur nos routes :
• Le nombre croissant de véhicules enregistrés.
• L’État.
• Nous, conducteurs et piétons.
En 2013, nous avions 443,495 véhicules enregistrés. Dix ans plus tard, ce chiffre a atteint celui de 674,138 véhicules. Nous avons donc connu une hausse spectaculaire avec quelque 230,643 nouveaux véhicules sur nos routes durant cette période ; soit une hausse de 52%. Statistiquement parlant, avec un nombre croissant de véhicules sur nos routes, il est donc ‘normal’ que le nombre de décès soit aussi en hausse. Mais, un mort sur nos routes est un mort de trop !
Quand nos quotidiens publient vers fin janvier de chaque année quelques statistiques sur notre parc automobile, je frissonne et me questionne pour de multiples raisons : encore plus de décès sur nos routes, encore plus d’embouteillages et ma curiosité atteint son paroxysme sur le nombre de véhicules qui sont, eux, mis hors de la circulation. Pour combien de temps encore notre réseau routier pourra-t-il contenir une telle croissance de nouveaux véhicules chaque année ?
De son côté, l’État est aussi responsable de ce nombre croissant de décès sur nos routes, et ce, pour deux simples motifs.
La première, l’état de nos infrastructures laisse souvent à désirer. Comme susmentionné, j’ai arpenté les quatre coins du pays dernièrement ; allant de L’Escalier à Souillac, de Mahébourg à Flacq, de Midlands à Quartier-Militaire, de Moka à Rose-Hill, de Curepipe à Albion, de Quatre-Bornes à Grand-Baie et bien sûr, les routes de notre belle capitale. Accompagné de mon portable, j’ai pris quelques photos afin de les partager avec vous. Bien que la liste ne soit pas exhaustive, le constat est, lui, saisissant et se passe de tout commentaire :
Photo 1 : quid de nos panneaux de signalisation ? D’innombrables panneaux sont cachés par des bambous ou des arbres, sont complètement illisibles ou encore ne réfléchissent plus la nuit. Cette photo est ici prise à Forest-Side et à Wooton.
Photo 2 : L’herbe qui pousse sur l’autoroute. Les dangers de cette situation sont multiples : En un, la largeur de la route est réduite. En deux, il n’y a plus de ‘ligne blanche’ et de ‘Cat’s Eye’ sur des kilomètres et en trois, quand il pleut, vous roulez à l’aveugle et cette bande verte devient extrêmement glissante.
Photo 3 : Des trottoirs sont, eux, totalement bloqués par toutes sortes de plantes et d’herbes. Les piétons n’ont d’autre choix que de marcher sur la route.
Photo 4 : Des drains obstrués par la mauvaise herbe, des détritus et de la boue. L’eau de pluie reste donc sur la route et la rend extrêmement glissante par l’excès d’eau et par toute la boue qui s’y trouve.
Par ailleurs, qu’en est-il de l’éclairage de nos routes ? Elles ne sont malheureusement bien souvent pas aux normes. Prenez par exemple le tronçon de l’autoroute entre Phoenix et Wooton. Nous sommes bien pourtant sur une autoroute ; pas un lampadaire et pas un ‘Cat’s Eye’. Maintenant, si vous y êtes la nuit et s’il pleut et qu’un abruti arrive en face sans activer ses feux de croisement, alors là, bonne chance ! Quant à l’éclairage sur les routes secondaires dans nos petits villages, c’est comme si vous étiez l’instant de quelques secondes, pilote d’un A330 et que vous deviez poser ce mastodonte des airs sans aucune aide et lumière.
La deuxième, nos forces de l’ordre ; elles sont aussi responsables de cet état de choses. La volonté de réduire le nombre de décès est certes présente mais le laxisme est flagrant. Vu le nombre de nos concitoyens qui méprisent les limitations de vitesse, qui font fi de la conduite sous l’influence de l’alcool ou de l’utilisation du portable au volant, qui ne se soucient guerre des emplacements de parkings et des doubles lignes jaunes (Photo 5), qui ne respectent pas les feux de signalisation, qui oublient l’importance des feux de position, qui ne se soucient guerre de la priorité sur un rond-point ou ailleurs, qui négligent de porter une ceinture de sécurité ou un casque sur leurs deux roues ou encore ceux qui s’arrêtent pour observer un accident. Eh bien, messieurs les policiers, la loi est entre votre mains. ‘Qui veut la fin veut les moyens’. Si l’État doit être répressif, alors allez-y et soyez sans pitié. Ce laxisme de votre part fait que nous, automobilistes, sentons que tout est malheureusement possible et une très grande majorité en abuse.
Inversement, c’est nous chauffeurs qui sommes responsables de cette longue liste susmentionnée du non-respect du code de la route. Le citoyen mauricien au volant – qui est devenu un danger non seulement pour lui-même mais aussi pour tous les autres automobilistes et piétons – se sent malheureusement invulnérable. Nous pouvons même dire que certains chauffeurs n’ont que faire du code de la route et des agents responsables de cette sécurité. Et avec grand regret, cela n’est pas près de s’améliorer.
Quant aux solutions à ces ‘trois responsables’ du nombre croissant de décès sur nos routes, elles sont nombreuses et voici quelques pistes :
•Un durcissement de la législation actuelle.
•Réintroduire le permis à points.
•Introduire un permis sur une base probatoire.
•Des peines d’emprisonnement pour une conduite sans permis.
•Recruter des policiers qui seront uniquement affectés sur un réseau routier.
•Investir massivement dans de nouveaux axes et non dans des ‘bypass’ inadéquats.
•Introduire davantage de radars qui contrôleront les limitations de vitesse.
•Revoir complètement les différents systèmes d’éclairage sur nos routes.
•Installer des ‘Cats Eyes’ efficients et qui marchent sur toute l’île ; comme ceux sur la route d’Albion et de Petite-Rivière.
•Créer une entité qui sera responsable uniquement de l’entretien des infrastructures routières.
•Établir un partenariat public/privé avec comme objectif de réduire le nombre d’accidents.
•Enlever un plus grand nombre de véhicules du circuit chaque année.
•Augmenter les contrôles quant à la conduite sous l’effet de l’alcool et de la drogue.
•Introduire dans le programme scolaire deux heures mensuelles sur le code de la route.
•Envisager la gratuité du transport public sur certains trajets en zone rurale.
•Encourager le covoiturage.
Ce n’est certainement pas avec quelques affiches, billboards ou autres spots publicitaires à la télévision et à la radio que nous réduirons le nombre décès. Je me répète ici ; ‘Qui veut la fin veut les moyens’. La conduite des chauffeurs mauriciens est gangrenée et ce n’est pas avec du Paracétamol que nous réduirons ce nombre grandissant de décès. Le prochain gouvernement se doit de prendre des décisions fortes concernant ce sujet brûlant.
Bonne route…et soyons prudents.