Sans foi, ni âme

Ce mardi 12 mars, Maurice fêtait son 56e anniversaire de l’indépendance et ses 32 ans d’accession au statut de République. Des foules se sont déplacées tantôt au Champ-de-Mars, où le gouvernement de Pravind Jugnauth avait convié à la fête populaire, tantôt à l’esplanade du Port-Louis Waterfront, où l’opposition parlementaire tenait sa cérémonie de lever du drapeau. Un dénominateur commun pour ces activités ? L’absence quasi-totale de quelque sentiment d’appartenance à notre patrie ! Pas de ferveur populaire parmi les foules réunies dans les deux endroits, ni de “feeling” de joie… Comme l’on en ressent, par exemple, lors des Jeux des Iles, soldée par des victoires de compatriotes.

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Mais autour de notre fête nationale, que nenni. Où diable est donc passé notre sens du patriotisme ? Notre mauricianisme serait-il passé à la trappe ? En fait, cette identité nationale a-t-elle jamais eu le temps d’exister ou n’a-t-elle pas été tuée dans l’oeuf, sacrifiée sur l’autel du “divide and rule” ?

Les plus blasés (ils sont de plus en plus nombreux, d’ailleurs) répondront que s’il perdurait encore une once de mauricianisme, le climat social et politique prévalant ces dernières années a tout englouti ! Doit-on sérieusement s’en étonner ? Avec la politique de favoritisme, du “get figir”, des passe-droits, des lois visant à asphyxier nos libertés, de népotisme, d’opacité et de corruption qui ont caractérisé ces dernières années, où dénicher cette denrée devenue rare et en voie d’extinction ?

Publié cette semaine, l’émouvant texte du Dr Zibya Issack, Et si nous échangions nos fichus, Soeur Angélique et moi ?, dans les colonnes du Mauricien, a irrémédiablement touché, bouleversé et marqué plusieurs d’entre nous, toutes communautés confondues. Ce vibrant témoignage est venu rappeler à quel point nous sommes si riches et favorisés par notre destin commun d’îlois ayant pris naissance sur ce même lopin de terre, au coeur de l’océan Indien. Mais 56 ans après que nos grands-parents se sont battus farouchement pour notre liberté, celle-ci est dangereusement menacée par la dite « coexistence pacifique ». Une formule creuse qui repose sur des arrangements et des accords tacites, mais dénués d’amour, d’affection, de respect et de compréhension. Soit, les bases mêmes d’une vie en communauté. Ce ver qui risque de pourrir intégralement notre harmonie. Avez-vous remarqué que le mot “harmonie” semble s’effacer lentement mais surement de notre vocabulaire ?

Dans les discours, le 12 mars, les appels au patriotisme ont évidemment retenti. Des mots et des expressions, encore et toujours. Mais dans l’acte ? Pourquoi est-ce aussi difficile, voire impossible, de répondre aux attentes du public, sans feindre ni jouer la comédie ? À sa décharge, le leader de l’opposition et des Bleus, Xavier-Luc Duval, a franchi ce pas, en se prêtant au jeu. Le temps de discuter, sourire, serrer des mains, faire des selfies et ainsi, sceller un pacte populaire.
Kaya le chantait et le prédisait avec justesse : les jours du mauricianisme sont comptés. Rasinn pe brile. La grenade a été dégoupillée. Si l’on n’y prend garde, elle nous pètera en pleine face. Et parions que nous n’aurons même pas la chance d’en pleurer.
Demandez aux Palestiniens de Gaza ce qu’ils endurent, de surcroît ces jours-ci. Malgré le mois du Ramadan, des exécutions se poursuivent. En dépit des tentatives, mêmes tardives de puissances étrangères, femmes, enfants, patients, seniors et hommes sont tués. Des familles exterminées. Les instances mondiales, comme la Cour internationale de justice – et les Nations unies, ont été très claires et ont demandé à l’Israël de Benyamin Netanyahou de stopper ces tueries. Pourtant, balles et bombes continuent de pleuvoir de plus belle…
Le jeûne musulman a démarré, tandis que le carême chrétien entrera, la semaine prochaine, dans sa phase cruciale. La Semaine sainte commencera avec le dimanche des Rameaux le 24 mars, commémorant la Cène, la Passion et la mort du Christ sur la croix. De grands moments de ferveur spirituelle, pour les uns et les autres. Des opportunités de se remettre en question, de faire l’examen de sa conscience. De changer de perspective, avec l’objectif majeur de devenir meilleur. Avec, surtout, le but recherché de ne pas se retrouver sans foi, ni âme.

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