Voilà ce que nous répond un médecin dans la soirée du dimanche 6 mai au téléphone avant
de nous raccrocher au nez. Ceci après avoir tenté à plusieurs reprises, pendant au moins une heure, d’avoir une assistance au bout du fil sur le 114 suite à un gros malaise de ma grand-mère, âgée de 86 ans. Celle-ci a heureusement pu reprendre conscience au même moment où l’hôpital Dr. A. G. Jeetoo décida – après plus d’une heure, et ce après maintes discussions avec les responsables – de nous envoyer une ambulance, mais sans aucun équipement sauf une civière « zis pou transport pasian-la », comme ne cessait de répéter l’infirmier, qui paraissait être dans un état second. Une attitude pas surprenante me diriez-vous, dénoncée par des Mauriciens, mais qui suscite encore davantage de l’indignation en général de notre Service d’aide médicale d’urgence (SAMU) à cause de certains qui vous lâchent des réponses brusques en pleine gueule, créant ainsi une réaction tout aussi radicale de la part d’autrui. Et ce, alors même que le SAMU est un service, qui a le devoir de répondre à la demande d’aide médicale urgente, c’est-à-dire à l’assistance pré-hospitalière – que ce soit dans la rue, à domicile ou sur un lieu de travail – avec pour unique mission d’essayer de sauver des vies.
Selon nos informations, le Service d’aide médicale d’urgence (SAMU) dont la salle de régulation principale, qui est le centre principal du système du SAMU de tout le pays, est situé à l’hôpital Victoria à Candos, reçoit environ 1000 appels par jour. C’est là où les permanenciers réceptionnent tous les appels – enregistrés et sauvegardés – en présence d’un médecin. Avec ce nombre d’appels quotidiens dont le chiffre peut descendre à une centaine de déplacements du SAMU après le tri, il est à se demander comment font-ils avec le manque d’effectifs, d’équipements et de transports afin de répondre à la détresse de la population puisqu’il semble qu’il n’y ait que deux ambulances du SAMU par zone (le pays est divisé en 5 zones) avec une équipe qui inclut un médecin, un infirmier et un chauffeur. Et le comble, tenez-vous bien, nous n’avons qu’un seul transport proprement équipé pour les patients cardiaques pour toute l’île pour une population de plus d’un million de personnes. Nul besoin d’être un expert hospitalier pour déduire que tout ceci pourrait être des facteurs mettant malheureusement ainsi plus de pressions sur les professionnels du SAMU, qui ont d’ailleurs déjà dénoncé à plusieurs reprises la surcharge de travail en pointant du doigt le manque de personnel et le manque de transport qui nous mène à des malaises comme pas possible au sein de nos services. « Afin de faire ce métier, il faut avoir du tact pour parler aux gens et aimer l’action », me disent certains passionnés du métier. Comment alors pouvons-nous rester animés par cette flamme et cette passion de servir si les membres du département du Service d’aide médicale d’urgence n’ont pas le soutien nécessaire à proprement parler ?
Il est clair que notre secteur de la santé doit impérativement se refaire une santé. Dans le discours du Budget 2017/2018, le Premier ministre et ministre des Finances avait d’ailleurs déclaré qu’il allait « allocate Rs 11.6 billion to the Ministry of Health and Quality of Life […], increase human resources in our hospitals […] and investing to expand hospital infrastructure and health care facilities [which includes] investing in 5 new SAMU ambulances… »(1). À l’approche du prochain Budget 2018/2019, il semble qu’on est encore loin de ces objectifs tant plébiscités qui devaient être accomplis en un an.
Il est vrai qu’il a été annoncé en décembre 2017 que le secteur de la santé serait en chantier cette année avec i) un hôpital flambant neuf spécialisé Ear, Nose and Throat (ENT), au coût de Rs 586 millions, qui verra le jour à la place du bâtiment existant à Vacoas, ii) un National Health Laboratory Services Centre pour réaliser des tests médicaux, iii) un nouvel hôpital des yeux à Moka au coût de Rs 600 millions, iv) ou encore un nouvel hôpital à Flacq au coût de Rs 5 milliards… Sauf que l’un des piliers les plus importants de notre service hospitalier, qui est le capital humain, semble être toujours négligé aux dépens de certains hauts cadres ou même directeurs d’hôpitaux avec leurs exigences pour leur intérêt personnel grâce à leur proximité avec le pouvoir et les interventions politiques.
Il est nécessaire de rappeler également que ce gouvernement dit « Lepep et ces transfuges », avec le PMSD à l’époque, avait présenté le 27 janvier 2015 son programme gouvernemental 2015-2019 pour un développement à visage humain, avec comme maître mot : le socialisme innovant – i) l’élaboration et l’implémentation d’un nouveau plan directeur pour les soins de santé primaire avec le système existant qui serait revu pour réduire la pression dans les hôpitaux régionaux, ii) la mise en place de comptoirs dédiés pour répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées au niveau des centres de soins de santé primaire dans les hôpitaux, iii) la mise sur pied d’un deuxième centre pour la chirurgie cardiaque, iv) ou encore l’investissement dans un nouveau centre de cancérologie en termes d’équipements et de logistiques à la pointe de la technologie; alors que la machine de radiothérapie de Candos ne fonctionne plus depuis quelques mois, selon certains médecins après être tombée constamment en panne depuis quelques années, comme rapporté par certaines personnes atteintes de cancer. Toutes ces mesures font partie de ce fameux programme qui avait pour objectif de définir les grandes orientations afin de transformer Maurice en un pays tourné vers l’avenir (2). À un an et demi des prochaines élections générales, en est-il le cas ?
Références
(1) Budget Speech 2017/2018, “Rising to the challenge of our ambitions”, Available at http://budget.mof.govmu.org/budget2017-18/2017_18budgetspeech.pdf, Page 34-39.
(2) Government Information Service, « Programme Gouvernemental 2015-2019 », Available at http://gis.govmu.org/English/Documents/Govt%20Prog%202015%20Final.pdf, Page 20 -21.