Au rythme où vont les choses, un jour viendra où cette rubrique s’arrêtera. Parce que son auteur aura disparu, parce que le journal que vous tenez entre les mains ne sera plus… tout comme les autres. Parce qu’il n’y aura tout simplement plus personne pour les lire, pas plus qu’il n’y en aura juste pour respirer. Le changement climatique n’est pas une chimère ; c’est une menace réelle. Un danger qui se précise tous les jours un peu plus, sans que l’on y accorde la moindre attention. Car trop impliqués dans nos petites querelles à débattre de choses que nous pensons « importantes », et bien qu’en réalité d’une superficialité consternante.
Lorsque s’éteindront les derniers représentants de l’humanité dans un monde devenu trop chaud, nous ne pourrons dire que nous ne savions pas. Tout au plus que nous avons sous-estimé la menace. Car jamais la nature ne nous aura envoyé autant de signes. Tandis que notre machine industrielle, elle, n’aura jamais été aussi puissante. Avec pour résultat de détruire notre seul habitat, sans espoir d’exode. Nous avons « hacké » la planète sans jamais vouloir « restaurer le système », ne serait-ce même simplement qu’en installant un pare-feu. Le virus est dans la place, et aucun antivirus à l’horizon !
Pourtant, nous le répétons, les alertes pleuvent de partout. À l’instar de cette récente étude qui indique que la moitié des lacs et réservoirs du monde se vident à vue d’œil… y compris dans les régions humides. Comme si nous avions oublié que l’eau douce est aussi vitale que l’air que nous respirons. Ou encore de ce rapport où l’on apprend que l’Europe de l’Ouest, comptant pourtant en son sein parmi les pays les plus développés de la planète, est aussi la région du monde se réchauffant le plus. Promettant à la France, par exemple, une hausse des températures de +4 °C d’ici… la fin du siècle.
Pour éviter cela, nous le savons, il n’existe pas 36 solutions : il nous faut décarboner nos économies. Sauf que nous ne sommes pas prêts à l’envisager, car cela coûterait cher, très cher. Et que le monde entrerait alors en récession, l’argent et le profit étant toujours pour l’heure à la base du système. Aussi apparaît-il naturellement bien plus facile d’espérer que nous trouverons des alternatives sans avoir à changer notre modèle de croissance. Quitte à ce que cela coûte encore plus cher en termes de vies humaines. À ce propos, des chercheurs viennent encore de nous le rappeler : une élévation des températures de +1,5 °C exposerait un milliard d’individus à des risques létaux, contre deux milliards pour un réchauffement de +2,7 °C.
L’humanité – pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, ou qui refuseraient de le comprendre – se trouve donc face à un risque existentiel majeur. Penser que l’on pourrait continuer éternellement avec un système dépassé serait non seulement faire preuve d’une ignorance totale, mais pire, d’une irresponsabilité abyssale. Preuve en est ce « plafond » fixé aux Nations unies de +1,5 °C à ne pas dépasser, calculé par nos experts puis avalisé par nos instances mondiales. Car une telle élévation exposerait, selon l’Onu, seulement 5 % de la population mondiale (chiffres sous-évalués). La planète comptant huit milliards d’individus depuis novembre dernier, ce ne serait donc, selon l’Onu toujours, « que » 400 millions de personnes qui seront directement impactées. Un chiffre qui ne pèse visiblement rien face au maintien de la croissance économique.
Comment d’ailleurs pourrait-on penser autrement ? Les chercheurs eux-mêmes se sont depuis longtemps résignés à ne plus véhiculer de messages fatalistes. Non, ce qu’ils veulent, disent-ils, c’est provoquer une prise de conscience. Mais de quelle prise de conscience parlent-ils ? Celle du réchauffement planétaire, du changement climatique ? Des catastrophes qui se profilent si nous n’acceptons de consentir aucun effort ? Il semblait pourtant que la chose était entendue. Qui peut en effet encore prétendre ignorer ce qui se passe, si ce n’est ceux qui, ouvertement, contemplent leur capital de leur tour d’ivoire ?
Face à cela, on nous promet sans cesse que « les jeux ne sont pas encore faits », que « l’espoir subsiste ». Que la science viendra à notre secours. Que l’on « trouvera un moyen » sans que l’on ait à toucher à notre confort, à notre développement. Bref, que l’on finira de toute façon par « régler le problème », comme on l’a toujours fait. C’est vrai que l’homme est si sage, si intelligent. Vous ne nous croyez pas ? Regardez Poutine !