Depuis l’avènement de l’ère industrielle, le monde aura connu nombre de bouleversements, qui auront largement et durablement façonné le monde. Et bien entendu pour le meilleur, du moins dans un premier temps. Pourquoi d’ailleurs aurions-nous conservé un tel système intact s’il était vicié ? Sauf que, et cela va de soi, nos connaissances, aux balbutiements de cette nouvelle ère de développement, étaient bien moindres que celles que nous avons aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne les grands défis du siècle. Un peu, somme toute, comme un médicament (ou un vaccin) dont l’on n’aperçoit, au début, que les bénéfices, sans s’attacher à des effets secondaires si lointains (et inconnus) qu’ils ne peuvent de facto pas apparaître sur la notice.
Cependant, avec le recul et l’expérience, et après avoir récolté durant des décennies les fruits de notre politique capitaliste, tout en stimulant notre insatiable appétit de « toujours plus », on s’aperçoit aujourd’hui, bien que trop timidement encore, que notre propension immodérée à croire en une croissance éternelle amène, dans son sillage, plus de déboires que de bénéfices, nous rapprochant jour après jour toujours un peu plus près de l’abîme. Car oui, la croissance – qui sous-tend le gigantesque édifice économique que nous avons construit – est à la base même des fléaux de notre temps. Changement climatique, perte de la biodiversité, crises sociales, et même Covid, pour ne citer qu’eux, ne sont en effet que les conséquences directes de notre système, et donc de notre économie.
Mais qu’est-ce que l’économie justement ? Le dictionnaire en donne une définition claire, expliquant ainsi qu’il s’agit de « l’ensemble des activités d’une collectivité humaine, relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». En résumé donc, produire, distribuer et consommer. En l’occurrence, décrit comme tel, un système somme toute naturel puisque, étant dans l’obligation de consommer, nous nous devons bien entendu de produire et, ne pouvant tous produire de la même manière, distribuer le résultat de notre production. Logique, non ?
Sauf que, dans les faits, cette définition fait fi du plus important item de ce système, à savoir le profit. L’argent, si vous préférez. Car pour maintenir ce même système vivant et actif, il nous faut générer des bénéfices et de la croissance, et donc produire tant que possible, majoritairement des items loin d’être vitaux. Sans cela, l’ensemble s’effondre, du moins tel que pratiqué aujourd’hui. Le problème, en vérité, n’est pas vraiment l’argent, mais le fait que nous n’ayons pas mis de balises au système. Dépourvue de limites, l’économie navigue par conséquent comme elle l’entend, permettant ainsi que l’on continue de dépouiller la planète de ses dernières ressources pour satisfaire a minima les populations et enrichir plus que de raison une infime partie de personnes.
Ce système, pourtant, nous l’acceptons. Pas vraiment par conviction, d’ailleurs, mais plutôt parce que nous ne connaissons que lui. Pour autant, rien ne nous empêche de le revoir. Soit en le déconstruisant complètement, soit en le balisant. Ce qui impliquerait alors d’inclure dans l’équation les données dictées par la nature, à commencer par celles liées à l’état de nos ressources. Après tout, n’oublions pas que seule la nature peut légitimement imposer ses règles, dont certaines sont d’ailleurs immuables, à l’instar des lois physiques. Et aucunement l’économie qui, en fin de compte, n’est constituée que de conventions, faites de paroles davantage que d’actions, si ce n’est bien sûr d’actes virtuels.
Aussi, et si nous changions nos conventions ? Si nous mettions un terme à notre soif continuelle de pouvoir et d’argent, celle-là même qui nous pousse à changer plus souvent de smartphone que de chemise ? En d’autres mots, si nous adoptions un changement de paradigme, individuel d’abord, global ensuite ? L’équilibre étant la clé du tout, réduire notre zone de confort nous permettrait assurément d’augmenter nos chances, non seulement de survie, mais aussi d’accéder à un nouveau monde. Un monde certes pour l’heure utopique, mais où « pouvoir » pourrait enfin se substituer à « avoir ». Et où la vie pourrait alors se résumer aux plaisirs simples d’une existence courte, mais autrement plus remplie de choses véritablement essentielles.