Relativisons !

Peut-être serait-il souhaitable, eu égard aux différentes crises qui secouent actuellement la planète, de prendre un brin de recul sur certaines d’entre elles, notamment en mettant dans la balance les effets conjoncturels que celles-ci peuvent avoir sur nos existences avec ceux, bien plus dramatiques, que nos experts prévoient dans un relativement proche avenir. Mais aussi en remettant en perspective nos idéaux en les réconciliant avec une réalité qui, bien qu’encore trop largement ignorée, demeure moins réjouissante que l’on aurait aimé qu’elle soit. Si tant est, bien sûr, que l’on consente à regarder dans sa direction.

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Prenons pour commencer le cas de la Covid-19. Cette maladie, induite par un nouveau coronavirus, aura mis le monde à genoux, faisant près d’un million de morts et tellement trembler notre édifice économique qu’elle aura mis sur le carreau un nombre incalculable de personnes. Pour autant, est-il raisonnable de parler de véritable séisme ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la réponse ne s’impose pas d’elle-même. Si l’on s’en tient aux seuls effets de la crise, d’ores et déjà mesurables, alors oui, il s’agit bel et bien d’un séisme, notre système ayant en effet été, dans une large mesure, incapable de la gérer sans ébranler nos acquis sociaux. Et cela, c’est entendu. Oui, mais sur le fond ? En vérité, sur ce point, il apparaît vraiment saugrenu de « penser » la Covid-19 comme une « méta-crise » en ce sens qu’il ne s’agit aucunement de la maladie du siècle, et que de nombreux autres maux ont été (et sont toujours) tout aussi dramatiques. Avec une divergence fondamentale néanmoins, en comparaison avec la Covid, à savoir que ces fléaux se seront pour la plupart localisés dans les régions les plus pauvres de la planète, épargnant donc de facto l’Occident (dans son sens global) et sa puissante machine industrielle. Et donc nous faisant moins craindre qu’un virus rendu nomade par notre ultralibéralisation. Ce qui est totalement indécent.

Plus important encore : ce recul, il nous faudrait aussi l’avoir par rapport aux dérèglements en cours. L’on pense évidemment à la crise climatique, mais aussi à celle qui bouleverse le monde animal, avec lequel nous avons pris depuis des lustres une incroyable distance. Cette réduction drastique de la biodiversité aurait pourtant dû, et devrait toujours, nous interpeller au plus haut point. Et donc, il en est de même vis-à-vis du réchauffement planétaire, qui poursuit sa route sans que nous ne nous en soucions vraiment. C’est une vérité : l’humain est passé maître dans l’art du court-termisme, et ne peut par conséquent accepter une vue sur un horizon approximatif. Certes, la grande majorité d’entre nous (ou presque) sait ce qui nous attend demain si nous ne réagissons pas. Pour autant, cette prise de conscience s’arrête là où elle commence, autrement dit sans que nous ne nous investissions, ne serait-ce déjà qu’intellectuellement, dans un quelconque plan d’action pérenne.

Alors oui, nous sommes d’accord : défiler dans les rues, c’est bien ! Mais dans les faits, que fait-on après ? Sommes-nous réellement prêts à changer de vie, à renoncer à quelques items qui, aujourd’hui, contribuent à notre confort ? Nous réclamons à cor et à cri de nos gouvernements qu’ils se soucient davantage de l’environnement, mais comprenons-nous ce que cela implique réellement ? Accepterions-nous une autorité prônant la décroissance ou un ralentissement de l’exploitation outrancière de nos ressources naturelles, tout en touchant bien sûr à nos acquis sociaux ? Ne nous leurrons pas : nous n’accepterions pas !

Pourtant, s’il y a bien une chose qu’il nous faudrait avant tout apprendre à relativiser, c’est notre place dans l’ordre du vivant. Non, l’être humain n’est pas la seule espèce vivante sur cette planète. Non, notre survie n’est aucunement menacée par quelconque autre espèce dominante, car nous sommes le prédateur suprême. Non, nous ne pouvons sciemment nous accommoder de la disparition des autres membres du vivant sous prétexte qu’ils participent à notre confort. Lorsque nous aurons compris que nous ne sommes pas seuls et que nous aurons mis notre anthropocentrisme de côté, peut-être alors pourrons-nous accéder à une autre étape, nécessaire celle-là – car vitale –, de notre évolution. Mais pour cela encore, il nous faudrait accepter de prendre un certain recul. Et nous en sommes loin…

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