Diplal MAROAM
Selon les informations, qui ont transpiré jusqu’ici, le gouvernement compte présenter une réforme électorale comprenant 62 élus, selon le scrutin direct (FPTP), 12 de la Party List, selon la proportionnelle (PR), et 7 pour le remplacement du Best Loser System (BLS), soit une Assemblée avec, au maximum, 81 députés par rapport à 70 actuellement. Mais la question que l’on se pose : la décision d’augmenter le nombre de parlementaires, est-elle vraiment justifiée dans les circonstances actuelles ? Pourtant, le rapport électoral du Pr Carcassone de 2012 avait déjà constaté une surreprésentation au niveau de la députation et n’avait, par conséquent, pas recommandé une augmentation du nombre de députés. En effet, le quotient de représentativité à Maurice – nombre d’habitants par député – est parmi les plus faibles au monde, soit 1 :18,500 comparé à 1 :132,000 en Espagne, 1 :112,000 en France ou encore 1 :91,000 en Grande-Bretagne, etc. Alors que de nombreux pays, et non des moindres, effectuent des coupes budgétaires drastiques pour tenter de rationaliser leurs dépenses publiques, l’augmentation chez nous du nombre de parlementaires qui sont, pour la plupart du temps, en vacances mais jouissant des rémunérations et bénéfices faramineux puisés des fonds publics, ne ferait qu’ajouter l’insulte à l’injure.
Certes, la démocratie n’a pas de prix mais si la PR doit être introduite à Maurice, c’est uniquement dans le cadre du nombre actuel de députés et dans le but principal d’éliminer, une fois pour toutes, le dispositif communal de BLS qui, à l’instar du cas de Michaël Sik Yuen en mai 2010, a déjà démontré ses limites et manquements. En effet, pour booster sa chance d’être repêché après les législatives, le candidat du PMSD au No 17 avait utilisé une astuce somme toute ingénieuse en inscrivant « General Population » sur son bulletin de candidature au lieu de « Sino-Mauricien ». Certes, ce cas, passé inaperçu, n’avait pas été porté en Cour pour une interprétation des juges, mais qu’adviendrait-il si le candidat aurait maintenu devant un tribunal que son « way of life », dont fait mention la section 3(4) de la première cédule de la Constitution, est semblable à celui d’un membre de la population générale ?
C’est ce qu’avait effectivement observé en août 2000 le juge Seetulsingh dans l’affaire Carrimkhan qui, s’étant prévalu de la section 3(2) de la première cédule de la Constitution, avait logé une objection devant la justice contre l’appartenance ethnique indiquée par certains membres du parti Lalit sur leurs bulletins de candidature après un exercice de tirage au sort. « A common way of Mauritian life has gradually and steadily developed in Mauritius and cuts across communal barriers », avait alors écrit le juge. Exemples à l’appui, il avait ainsi fait ressortir que le mode de vie d’un individu peut aussi dépendre des classes sociales, pas seulement de l’appartenance ethnique. Et il est évident que si cette ambiguïté constitutionnelle avait été rectifiée alors – comme l’avait d’ailleurs suggéré le juge – à la faveur d’une réforme électorale promise depuis belle lurette, on ne serait probablement pas arrivé là où nous sommes aujourd’hui et que toute cette affaire n’aurait jamais été portée devant l’UNHRC. Incombe-t-il, après tout, à un tribunal de déterminer la communauté d’un individu ? C’est pourquoi, ceux, à l’instar du PMSD, qui se prononcent pour le maintien du BLS dans sa forme actuelle, doivent impérativement revoir leurs copies. En guise d’alternative, la PR accorde tout le loisir aux partis de faire émerger une Assemblée générale aux couleurs de l’arc-en-ciel mauricien.
Il ne faut pas se leurrer. Il n’existe aucun système électoral au monde qui reflète le vœu exprimé par l’électorat de manière absolue. Même le dispositif de FPTP, aussi imparfait soit-il, n’a pas été remis en cause lors d’un référendum en mai 2011 dans une démocratie telle que la Grande-Bretagne. S’il est vrai que la PR constitue un outil convenable pour essayer, autant que faire se peut, de corriger les aberrations du scrutin direct, sa mauvaise application est susceptible toutefois d’engendrer une sérieuse instabilité au niveau de la gouvernance vu qu’elle peut significativement influencer les résultats des urnes, comme c’était le cas à Rodrigues lors de deux dernières élections régionales. Certes, le concept de représentativité constitue un élément fondamental dans toute démocratie digne de ce nom, mais c’est la stabilité d’un gouvernement qui représente le garant du progrès et du développement. Pour le citoyen lambda, après tout, sa préoccupation majeure demeure bien plus son pouvoir d’achat, sa qualité de vie et celle de sa famille que la réforme du système politique.