Réflexions autour d’un « survey »

NAWAZ DOOKHEE

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Avocat

Expert en droit des TIC

L’industrie des télécoms est dynamique et a pris une importance considérable avec le temps. Elle est donc fortement réglementée pour s’assurer les meilleures conditions possibles entourant le flux de l’information sur les plans local et international, et pour renforcer l’égalité d’accès aux technologies de l’information et de la communication. Le régulateur chez nous de ces services est l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA). Marginaliser son rôle ne sert pas les intérêts de la nation mauricienne.

Il m’a paru utile dans le cadre du débat actuel sur le « survey » lié à la sécurité d’état entrepris par des techniciens indiens au site d’atterrissage du câble SAFE à Baie-du-Jacotet de souligner l’absence inacceptable de l’ICTA au niveau de cette démarche.

Je peux comprendre que le gouvernement ait fait appel au membre mauricien du consortium qui gère le câble sous-marin pour effectuer un tel « survey ». Mauritius Telecom est copropriétaire, avec d’autres compagnies de télécoms internationales, du câble sous-marin SAFE qu’elle cogère jalousement sans donner accès, même au régulateur, aux documents régissant ce câble, évoquant la confidentialité. C’était le cas il y a quelques années. Je ne crois pas que les choses aient changé pour les besoins de la transparence.

La situation de MT, elle-même, ne serait pas exempte de conflit d’intérêts car elle exerce un pouvoir dominant sur toutes les questions touchant au câble sous-marin par lequel transite la plus grosse partie de notre trafic numérique entrant et sortant. Les autres opérateurs de services télécoms, il est vrai, ont pu se rabattre sur un autre câble sous-marin assez récemment. MT demeure cependant l’opérateur déterminant sur ce segment jusqu’ici.

Alors, était-il vraiment légal que le gouvernement fasse appel à MT pour effectuer le survey qui fait couler beaucoup d’encre ces jours-ci ?

Voyons ce que prévoient nos lois.

L’article 17 de la loi de 2001 sur les Technologies de l’information et des communications (Information and Communication Technologies Act), telle que modifiée, prévoit que :

 « 17. Powers of the Authority  

(1) The Authority, in addition to the powers it has under section 37 of the Interpretation and General Clauses Act, may –  

(a) commission expert evaluations, conduct studies, collect data related to the information and communication industry;  

(b) authorise any person to conduct such technical tests or evaluations relating to information and communication services including telecommunication as it thinks fit.  

(2) For the purposes of subsection (1), the Authority may require a public operator who holds a licence granted under this Act to provide information on the use, area of coverage and means of  

access to his service.  

(3) The Authority shall have the power to make such determinations, issue such directives and guidelines grant such authorisation, approval or clearance, and do such acts and things, as are incidental or conducive to the attainment of its objects and the discharge of its functions. » *

À la lecture de ces dispositions juridiques, je m’explique mal comment cela a pu échapper aux autorités que toute demande d’un « survey » aurait dû en tout état de cause être canalisée vers l’instance de régulation des TIC et non vers MT.

 Un autre volet du débat passionnant qui a cours relève de la criminalisation éventuelle et même nécessaire de toute interception de communication au niveau de nos infrastructures de communication. La section 46(n) de l’ICT Act de 2001 évoque cette question sous divers aspects mais ne jette aucun éclairage sur une éventuelle infraction pénale dans de tels cas. Au Royaume-Uni, la loi de 2000 sur la réglementation des pouvoirs d’enquête (Regulation of Investigatory Powers Act 2000) ne passe pas par quatre chemins pour souligner la nature de toute infraction liée à l’interception d’une quelconque communication. Nous avons récemment dépoussiéré certaines de nos lois – il y a eu l’abrogation de la Computer Misuse and Cybercrime Act de 2003 et l’adoption d’une nouvelle loi sur la Cybersécurité et la Cybercriminalité 2021.

 Mais il est indispensable d’aller plus loin pour enlever les zones d’ombre, les zones grises au niveau du cadre juridique régissant le secteur des télécoms.

Une meilleure compréhension du rôle de l’instance de régulation même au plus haut niveau est indispensable et doit aller de pair avec une extension des responsabilités du régulateur si nous voulons maitriser les enjeux numériques de la société moderne tout en évitant un imbroglio qui risque de finir sur une série de points d’interrogation non-résolus.

* Traduction inofficielle à titre indicatif : « 17. Pouvoirs de l’Autorité

 (1) L’Autorité, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 37 de l’Interpretation and General Clauses Act, peut –

(a) commander des évaluations d’experts, mener des études, collecter des données relatives à l’industrie de l’information et de la communication;

(b) autoriser toute personne à effectuer des tests ou évaluations techniques relatives aux services d’information et de communication, y compris des télécommunications comme bon lui semble.

(2) Aux fins du paragraphe (1), l’Autorité peut exiger d’un Opérateur qui détient une licence délivrée en vertu de la présente loi, de fournir des informations sur l’utilisation, la zone de couverture et les moyens d’accès à son service.

(3) L’Autorité a le pouvoir de prendre de telles décisions, d’émettre des Directives et des lignes directrices, d’accorder une telle autorisation, approbation ou d’initier de tels actes qui sont accessoires ou propices à la réalisation de ses objectifs dans l’exercice de ses fonctions. »

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