Une pointe de Rs 40,9 milliards d’emprunts, soit Rs 24,3 milliards de plus, pour assurer le financement des dépenses lors de la dernière année du mandat de Jugnauth
Sur chaque Rs 100 de dépenses, Rs 45 consacrées au remboursement de la dette de Rs 546,1 milliards au 30 juin dernier
Carton rouge de l’Audit : « The Ministry of Finance should improve the revenue and expenditure forecasting system »
Les 660 pages du dernier rapport du Directeur de l’Audit, le Dr Dharamraj Paligadu, un ancien du ministère des Finances, pour l’exercice financier 2023-24, sont parsemées de critiques et de dénonciations, probablement récurrentes, pour ne pas dire chroniques, de la gestion des finances publiques. Ou indigestion, semble être plus appropriée compte tenu que les chiffres cités dans ce dernier rapport dépeignent une situation en nette dégradation. Et cela que ce soit pour les paramètres économiques ou au niveau des pratiques abusives dans les différents ministères et corps parapublics. Les commentaires de l’Audit étayent les points relevés dans le State of the Economy, publié par le ministère des Finances en décembre dernier en attendant les conclusions des Article IV Consultations du Fonds monétaire international (FMI), dont les consultations démarrent cette semaine. Ainsi, à titre d’indication, l’ancien gouvernement, dirigé par le Pravind Jugnauth 3.0 avorté, a dû avoir recours à des emprunts de l’ordre de Rs 40,9 milliards au cours de l’exercice financier 2023-24, soit une somme supérieure de Rs 24,3 milliards sur les prévisions initiales du ministère des Finances, pour assurer les dépenses publiques en 2023-24, soit l’année ayant précédé les dernières élections générales du 10 novembre 2024. Sur le plan parlementaire, le dernier rapport de l’Audit représente de quoi pour alimenter les prochaines tranches du Question Time en vue d’acculer l’ancien gouvernement du MSM.
En parallèle au chapelet de gaspillages de fonds publics caractérisés dans l’exécution des projets ou autres dépenses pour les besoins de services publics, l’élément clé de la gestion des affaires reste le niveau de la dette publique au cours de l’exercice financier, confirmant la tendance à la détérioration. Et ce n’est nullement un hasard que le Directeur de l’Audit donne le ton dès le tout début du rapport.
À la page 16 de ce document, l’objet de toutes les convoitises publiques et politiques depuis mardi, mention est faite que « total Public Sector Debt (PSD) Stock increased by Rs 164,3 billion, that is 43 per cent, (contre une moyenne de Rs 33 milliards par an au cours de ces cinq dernières années) from Rs 381,3 billion as at June 2020 to Rs 546,1 billion as at 30 June 2024. » La coïncidence a voulu que le span de ces cinq dernières années couvre le précédent mandat du gouvernement de l’Alliance Lepep, qui a déclaré forfait pour les prochaines élections municipales.
Les différentes composantes de la montagne de la dette se déclinent comme suit :
l Budgetary Central Government Debt (Domestic) : Rs 408,9 milliards, soit quelque de Rs 100 milliards de plus comparativement au 30 juin 2020
l Budgetary Central Government Debt (External) : Rs 85,5 milliards, soit frisant la barre des 100% des Rs 43,7 milliards d’il y a cinq ans
l les corps paraétatiques (garantie du GM) : Rs 38,6 milliards contre Rs 34,7 milliards au 30 juin 2020
l les corps paraétatiques (sans la garantie du GM) : Rs 28,5 milliards contre Rs 6,5 milliards il y a cinq ans.
Le décompte de cet indicateur crucial donnait au 30 juin dernier une Domestic Public Sector Debt de Rs 430 milliards, soit 78,7%, et une External Public Sector Debt de Rs 116,2 milliards, représentant 21,3%. Force est de constater qu’entre-temps, la dette étrangère aura évolué avec l’emprunt de l’ordre de Rs 9 milliards auprès de la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds pour les travaux d’extension de la piste d’atterrissage de Plaine-Corail à Rodrigues et l’enveloppe financière de Rs 2,6 milliards consentie par l’Inde pour le secteur de l’eau avec la visite officielle du Premier ministre Narendra Modi pour les fêtes nationales du 12 mars.
De ce fait, le nouveau gouvernement de l’Alliance du Changement part avec un handicap alourdi de l’ordre de Rs 12 milliards au titre de la dette étrangère, crevant la barre des Rs 125 milliards. Indépendamment de ce détail, l’Audit met en exergue le fait que « during the financial year 2023-24, additional loans of Rs 3,6 billion, at nominal value, were contracted by Government from external institutions. Out of the Rs 3,6 billion, Rs 2,8 billion related to a new loan agreement signed in December 2023 for the water sector. »
Volet préoccupant
L’Audit se fait un devoir de faire ressortir que « Public Sector Debt as a percentage of Gross Domestic Product is an important debt indicator for assessing a country’s debt’s financial health and sustainability ».
À ce titre, le précédent gouvernement, avec Renganaden Padayachy aux fonctions de Grand Argentier, essuie un échec total. « The percentage of Budgetary Central Government Debt and Public Sector Debt Gross to GDP of 73,4% an 81,4% exceeded the target specified in the Estimates of 1023/24 — Debt Management Strategy by 11,4 and 9,9 percentage points respectively », note le Directeur de l’Audit, qui occupait d’importantes fonctions au ministère des Finances avant sa nomination à ce nouveau poste constitutionnel.
Avant d’ouvrir le volet préoccupant du debt servicing, l’Audit se permet un rappel à l’ordre, lourd de sens, en avertissant que « the ministry of Finance should formulate appropriate fiscal policies to reduce the public sector debt to GDP ratio below the 80% debt ceiling. » Ainsi, au 30 juin dernier, le budget a dû prévoir des dotations budgétaires de Rs 125,7 milliards, soit Rs 35 milliards de plus qu’il y a cinq ans, pour assurer le remboursement des intérêts et des capitaux, dont Rs 107,8 milliards au titre de la dette locale.
Ce qui est encore plus grave à ce tableau macro-économique est que pour chaque Rs 100 de dépenses publiques, Rs 45 sont consacrées au remboursement de la dette publique, bien au-delà du Rule of Thumb de 33%, appliqué par les institutions financières et bancaires, pour l’endettement des ménages. Mais ne dit-on pas que Government never goes bankrupt. De 2019-20 à 2024-25, le remboursement de la dette est passé de Rs 90,6 milliards à Rs 125,7 milliards.
« The share of government debt servicings in total government expenditure was high between financial years 2019/20 and 202324, ranging from 37,1 per cent to 45,2 per cent », confirme l’Audit, s’appesantissant sur le fait que « the ministry of Finance needs to balance its borrowing practices, with effective fiscal policies and debt management strategies, to ensure that the debt remains manageable and does not become a strain on the financial market and economic growth. »
Ce qui veut tout dire en prévision de la présentation du premier budget du gouvernement du Changement par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam.
Dans cette perspective, les Senior Advisers au Prime Minister’s Office n’auront d’autre choix que d’opérer un paradigm shift pour renverser la vapeur de « high dependence of Government on Borrowings to finance expenditure ». Au 30 juin de l’année dernière, la répartition des revenus de Rs 310 milliards révélait que 46% étaient de nature fiscale, alors que « borrowings accounted for 48%, indicating high reliance on borrowings to finance expenditure. »
L’une des principales sources de revenus du gouvernement demeure la taxe sur la consommation, notamment la TVA. Au 30 juin dernier, les prévisions de recettes de la TVA à Rs 61,5 milliards n’ont pas été réalisées, bouclant l’exercice financier avec un shortfall de Rs 8 milliards, laissant voir que chaque un point de TVA est susceptible de générer des recettes dans la fourchette de Rs 3,5 milliards à Rs 4 milliards annuellement. L’Income Tax, que ce soit pour les contribuables ou le corporate sector, constitue un potentiel de l’ordre de Rs 42 milliards avec l’Audit avançant en contrepartie que « overall performance of the tax collections showed under-collections with the budget estimates by 10 per cent, which may have an impact on the overall fiscal balance. »
En tout cas, au fur et à mesure que l’échéance de la présentation du budget 2025-26 se précisera avec les conclusions des Article IV Consultations du Fonds monétaire international, rendues publiques vers la même époque, la gestion de la dette publique et la politique de fiscal consolidation devront s’installer aux premières loges des préoccupations au Treasury Building.