Le rapport de la Banque mondiale sur le secteur cannier, qui a été soumis au gouvernement en décembre 2020, a été rendu public samedi à l’occasion d’un atelier de travail organisé par le ministère de l’Agro-industrie et la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA).
Le ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, a justifié à cette occasion le retard dans la publication du rapport en expliquant aux parties prenantes du secteur sucrier, présentes au Caudan Art Centre, qu’il avait tenu à étudier les implications financières des propositions.
Le ministre s’est appesanti sur le fait que le rapport de la Banque mondiale est « un document consultatif, et donc non contraignant » pour le gouvernement. Le gouvernement engagera les discussions avec les parties prenantes, que ce soit les établissements sucriers ou les petits planteurs, à travers des ateliers de travail ou lors de rencontres informelles.
« Nous consulterons les parties prenantes. Nous retournerons vers la Banque mondiale lorsque cela s’avérera nécessaire. Nous implémenterons ce que nous pourrons », dit-il.
Maneesh Gobin a expliqué qu’à la réception du rapport, un comité technique, présidé par le ministère des Finances, et comprenant des officiels du ministère de l’Agro-industrie et celui des Utilités publiques, avait été institué. Ce qui explique, dit-il, que plusieurs mesures proposées par le rapport ont été introduites dans le budget 2021-22. Ces mesures comprennent la rémunération de la bagasse au taux de Rs 3,50 par Kwh, soit Rs 3 300/tonne de sucre sur composant bagasse, au lieu d’un montant moyen de Rs 150 par tonne de sucre auparavant.
L’accent a été mis davantage sur l’augmentation de la production des sucres spéciaux de 130 000 tonnes actuellement à 180/200 000 tonnes dans les années à venir, et à exploiter davantage de marchés de niche, augmentant ainsi les recettes du sucre et, en fin de compte, augmentant les revenus des planteurs.
Tenant en ligne de compte les observations de la Banque mondiale concernant le coût de stockage et de logistique pour l’exportation des sucres, qui était trop élevé, la MCIA obtiendra un terrain de Landscope à Jin Fei en vue de la construction par le gouvernement d’une installation moderne de stockage de sucre à la pointe de la technologie.
La MCIA a en effet récemment signé un contrat de location avec Landscope Mauritius pour un terrain de 16 arpents à Riche-Terre. La construction de l’entrepôt commencera très bientôt. Par ailleurs, le gouvernement a alloué des fonds pour permettre à la MCIA de remplacer ses tracteurs et autres équipements obsolètes afin de fournir des services rapides et efficaces à la communauté des planteurs. Aux termes d’un protocole d’accord signé entre le MCAF et la MCIA, une moissonneuse-batteuse a ainsi été achetée et mise au service des petits planteurs. Ainsi, pour la récolte 2021, 6 000 tonnes de canne de petits planteurs ont été récoltées mécaniquement.
« Nous mettrons prochainement à la disposition des petits planteurs une deuxième moissonneuse-batteuse, pour laquelle un fonds est déjà disponible, conformément aux dispositions gouvernementales de son budget 2021-2022 », explique Satish Parmessur, directeur de la MCIA. Il a aussi souligné que le National Biomass Framework a été mis en place et que des recommandations seront bientôt déposées sur la voie à suivre pour augmenter la part de la biomasse dans la production d’énergie verte et renouvelable.
De son côté, le MSIRI se penche sur la création de nouvelles variétés de canne pouvant également répondre à notre approvisionnement en biomasse de canne aux Independent Power Producers pour la génération d’électricité verte. Des mesures supplémentaires recommandées par la Banque mondiale seront mises en œuvre en conséquence, et d’autres seront recommandées pour être envisagées dans le prochain budget pour l’exercice 2022/23, a expliqué le directeur de la MCIA.
Devesh Dhukira (Syndicat des Sucres) : « Une photo de la situation fin 2020 »
« L’équipe de la Banque mondiale a fait une étude approfondie sur la compétitivité de l’industrie cannière à Maurice, et ce, après des consultations détaillées auprès de tous les protagonistes de ce secteur. Elle donne une photo de la situation fin 2020, quand elle a été remise au gouvernement. Cela devrait déclencher des discussions pour améliorer les différents composants de cette industrie, qui reste toujours très importante pour le pays, à partir des champs jusqu’à la vente du produit final.
Parmi les recommandations pour améliorer les recettes des producteurs, le gouvernement a déjà revu à la hausse la rémunération pour la bagasse utilisée pour la production d’électricité, cela pour être comparable aux coûts en utilisant l’huile lourde, et il est en voie de construire un entrepôt moderne à Riche-Terre pour l’empotage des sucres spéciaux, ce qui devrait faire baisser les frais logistiques encourus.
De son côté, le Syndicat des Sucres s’est mis comme objectif d’augmenter la vente des sucres spéciaux, afin d’améliorer les revenus à la tonne de sucre – déjà 149 000 tonnes ont été produites de la récolte 2021 –, mais sans négliger une optimisation des valeurs pour le sucre blanc en se gardant l’habileté de vendre aux marchés les plus rémunérateurs.
L’année 2021 a par ailleurs été témoin de beaucoup de changements comparé aux hypothèses utilisées dans le rapport. Premièrement, la roupie s’est affaiblie par plus de 20%, soutenant les recettes sucrières, mais avec un impact négatif sur les coûts des intrants, notamment les fertilisants. Ensuite, les cours sucriers ont augmenté par au moins 20%, mais le fret maritime a plus que doublé, et le cours du pétrole a augmenté d’au moins 50%, ce qui aurait dû améliorer davantage la rémunération pour la bagasse si elle y était indexée. De ce fait une actualisation des chiffres aurait été souhaitable. »
Raffick Chattaroo : « Séparer la rémunération de la bagasse de l’aide du GM »
« Il ne faut pas se leurrer. Les petits planteurs sont encore en difficulté. Le prix du sucre avait été fixé par le gouvernement à Rs 25 000, alors que le prix s’élevait à Rs 17 000. Grâce à cette allocation, nous avons pu survivre. « Actuellement, en tenant en compte le taux du dollar et de l’euro par rapport à la roupie, le prix du sucre est arrivé à Rs 22 000, avec les Rs 3 500 pour la bagasse. Cela fait Rs 25 300. Or, nous ne recevons que Rs 25 000. Quelle est désormais la part de soutien du gouvernement ? Nous, les petits planteurs, estimons que la rémunération de la bagasse ne doit pas être incluse dans les Rs 25 000 que nous obtenons du gouvernement, mais doit être payée séparément, afin de nous permettre de garder la tête hors de l’eau. »
Kreepalloo Sunghoon (petits planteurs) : « Rendre le secteur plus viable »
« Nous nous attendons qu’il y ait une relance du secteur cannier. Chaque année, les petits planteurs perdent au moins 1 000 à 1 200 hectares de cannes. Ils se retirent de ce secteur parce qu’ils considèrent qu’il n’est plus viable. Il faut le rendre plus viable. Pour cela, ils doivent obtenir plus d’argent sur leur production et il doit y avoir un support technique et logistique du gouvernement pour la récolte des champs de canne. Il faut ensuite valoriser la bagasse, la mélasse. Nous réclamons que la valeur ajoutée générée soit partagée avec les planteurs. »
Brinda Devi Dabysing (Banque mondiale) : « Maurice n’a pas à inventer la roue »
« Nous sommes là pour aider et nous accordons une assistance technique afin de renforcer la capacité des parties prenantes et qu’elles puissent prendre des décisions. Nous espérons qu’il y aura une discussion franche basée sur les données, les informations fournies et les faits. Il est important de savoir si ces réformes ont marché dans les autres pays, quels sont les facteurs qui ont contribué à leur succès et quels sont les facteurs qui font qu’elles n’ont pas marché. Maurice n’a pas à inventer la roue, elle peut bâtir sur ce que les autres ont fait. La Banque mondiale accorde une assistance technique à la demande du gouvernement. S’il faut une assistance financière quelconque, la Banque mondiale apportera son soutien. »