Ramanujam Sooriamoorthy, poète et philosophe, de l’océan Indien, fait l’éloge du football brésilien…

 

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… ce jeu merveilleux qui nous apprend à être et à vivre ensemble

 

Humberto Luiz Lima de Oliveira

Ecrivain et rédacteur en chef du magazine

numérique bilingue (www.cadernosdosertao.wordpress.com)

Du Brésil

 

Dans les 80 pages de ce livre, richement illustré, dans l’introduction intitulée Brésil, l’auteur, en bon philosophe, nous présente son interprétation imprégnée d’érudition philosophique d’un monde contemporain en confusion, dans lequel le manque de sens à vivre et le cynisme qui nous conduit à voir tout de manière fragmentée, peut être démontré de manière exemplaire par l’absence sur le terrain d’une star de la stature de Neymar qui, alors que l’équipe brésilienne était battue sur le terrain, pêchait très loin (p. 32). Après cet argument bien fondé dans la pensée contemporaine sur le jeu et sur la vie elle-même, l’auteur présente en 16 pages le poème clé …et près du Brésil, (un fragment du poème El Grito, du poète uruguayen Emilio Oribe) en 10 chants aux vers alexandrins construits avec précision dans la langue française standard que l’auteur manie avec maestria, pour montrer, poétiquement, comment le football, d’un simple jeu, apporté par les colonisateurs, grâce à l’ingéniosité d’un peuple qui, pour s’échapper la violence des joueurs européens, allait inventer les dribbles, et permettra ainsi au Brésilien d’éviter les coups voire de ne pas riposter, comme le montre le Chant I (p.34), dont les derniers vers sont « Car au Brésil, ce jeu pour l’esclave un moyen/ Fut de prouver au maître son infériorité/Face à ceux qu’il traitait vingt fois pis que des chiens/ Maintenant encore, il exprime de la liberté/ Le désir chez le pauvre qui  rêve de grandeur/ Pour lui, pour son pays, et aussi de splendeur ».

 

En effet, approprié et réélaboré par les Brésiliens, le football brésilien acquerrait le statut d’un véritable art, dont on trouvera des exemples parmi les joueurs de la Coupe du Monde 1958, comme dans ces vers qui terminent le Chant II dédié à Garrincha : « Le dribble au Brésil fut d’abord une technique/ pour fuir tout contact avec un adversaire/capable de réactions affreusement sataniques./ Mais grâce à Garrincha et à la populaire/ ferveur qu’il suscita, le dribble tout un art/ devint, du Brésil le rayonnant étendard » (p.35).

Dans le Chant III, le poète rend hommage au joueur Leônidas da Silva « Celui qui, un jour, la bicyclette inventa, / « diamant noir » surnommé par ses amis dont l’aide/ Inutile était pour qu’il se, lui-même, succède / C’est aussi ce qui crée le foot samba » (p.36).

Dans le Chant IV, le lauréat sera Didi, exalté à la fois comme joueur et comme être humain d’une politesse enviable, puisque « Où qu’il fût, Didi offrait toujours une image/ De majesté ou encore de sainteté/ L’apanage en tout âge des authentiques sages » (p.37).

Dans le Chant V, l’auteur poursuit son hommage à Didi qui, en effet, configure le football comme un art et offre ainsi une contribution à la création de l’identité brésilienne : « O jogo bonito, expression que l’on doit/ à Didi, n’a de sens qu’au Brésil, cette terre/ Où  bien mieux qu’une religion, un mystère/ Est le foot qui unit, comme de la main les doigts » (p.38).

Dans le Chant VI, les vers rendent hommage à « Edson Arantes do Nascimento, le nom/ D’un éternel jeune homme roi du foot, devenu / Par la seule vertu de son talent reconnu/ De tout l’univers qui ne sait que son surnom » (p. 39).

Dans le Chant VII, loin de l’aveuglement de la passion, c’est avec un regard amoureux et clairvoyant que le poète nous rappelle que pour la formation de l’identité nationale brésilienne la création de Brasília a été aussi tant décisive que le football, et c’est pour cela qu’il célèbre le génie de l’architecte Oscar Niemeyer : « [qu’… ] il créa le miracle Brasília de rien/ Brasília, synonyme de l’énigme Niemeyer./ Dans le silence toujours plongée malgré les bruits/ De la ville; même de jour, recouvert de nuit » (p.40).

Le Chant VIII revient sur le football brésilien comme déterminant de la formation de l’identité brésilienne : « La grandeur du Brésil, c’est d’avoir du foot fait/ un jeu presque au sens de l’illustre Mallarmé/  Éblouissant, tout le monde stupéfait. Car le foot s’y écrit, aucunement programmé: / constamment différent, toujours imprévisible,/ Au point que le joueur y est comme invisible »(p.41).

Dans le Chant IX, la voix poétique, même lorsqu’elle vante la beauté du football brésilien, reconnaît l’action néfaste du soi-disant Marché qui transforme tout en marchandise et défigure ainsi le jeu merveilleux: « Que le football soit en vérité écriture/ Et non rien que spectacle, comme on tend à le croire/ À écouter ceux qui le voudraient faire accroire,/  C’est le Brésil qui en signifie l’aventure./ Mais les temps ont changé et une caricature/ Du football brésilien, évanouie la mémoire / De son passé glorieux sous quelque funèbre moire, / S’est substituée à son ancienne vêture ». (p.42).

Et, pour terminer en beauté son éloge du Brésil, dans son Canto X, le poète revient sur la distinction entre le simple jeu de ballon et le football brésilien : « C’est surtout au Brésil que le foot écriture Se révèle en ce sens que, tout comme au ballet /A peine exécuté, chaque mouvement de mollet / Du joueur ou de la danseuse sitôt se rature./  Tout se passe comme  si dans sa course, sa torture / Tout pas ne pouvait que demeurer incomplet / un battement dans l’air, rien qu’un feu follet/ Car tout pas ici est sa propre sépulture/Ainsi fonctionne l’écrit, ainsi le foot se joue / Chacun traçant à chaque pas vers la mort la voie/La mort que porte la vie toute la vie joue à joue./Le football met en scène de la mort le convoi/La beauté de la vie qui, chaque instant, se meurt,/ Comme une balle de but dans d’un stade la clameur » (p. 43).

En guise de postface, Ramanujam Sooriamoorthy complète ses textes, l’introduction en prose et le poème en vers alexandrins, par un texte philosophique sur la Passion intitulé Une passion honteuse ? Une trop humaine faculté dans laquelle, avec érudition, de manière pertinente il distingue les différentes manifestations de cette affection, concluant que, dans le cas du football et du football brésilien inventé par des joueurs d’exception comme ceux qui ont apporté la Coupe du monde de 1958 et d’autres comme Ronaldo, Ronaldinho, Neymar, Arthur Friedenreich et Amarildo, pour le Brésil, ce jogo bonito, aux pas sublimes, dépasserait les limites de la simple passion qui pourrait réduire l’être humain à l’animalité et allait ainsi offrir aux Brésiliens, tant individuellement que collectivement, l’auto-estime nécessaire pour cimenter affectivement la nationalité brésilienne. Lui-même passionné par l’art du football (d’où son admiration pour le jeu merveilleux créé par les Brésiliens), Ramanujam Sooriamoorthy ne manque pas de rendre justice à d’autres joueurs non brésiliens, dont Diego Maradona, aimé des Brésiliens. (P.45-76).

Pour ceux qui s’intéressent au Brésil et à la construction de la nationalité d’un pays à travers le football, ce sport lequel est devenu un art grâce à l’expertise d’excellents joueurs qui se sont fait connaître grâce au talent avec lequel ils ont su créer des techniques qui les rendraient reconnus, admirés et aimés d’un peuple qui, par ces joueurs et par ses actes sur le terrain, le peuple brésilien se sentirait sauvé du joug colonial, ce livre intitulé .et près du Brésil…e per to do Brasil, ISBN 978-99949-78-34-2, publié par Editions Airesse, dans la ville de Port Louis, à Maurice, en 2023, devient une lecture nécessaire et enrichissante.

 

 

 

 

 

 

 

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