Ram Etwareea, candidat du Mouvement Militant Mauricien (MMM), a été élu pour la première fois dans la circonscription No 6 (Grand-Baie/Poudre-d’Or) sous la bannière de l’Alliance du Changement. Dans l’entrevue qui suit, il affirme que L’Alliance Lepep a perdu les élections car le peuple n’aime pas l’arrogance, l’abus de pouvoir et l’absence de la méritocratie.
Quel est votre sentiment après avoir été élu au No 6 (Grand-Baie/Poudre-d’Or) ?
C’est un sentiment de soulagement semblable au printemps arabe. Je sens également que les Mauriciens en général sont soulagés. J’ai rencontré les gens après les résultats des élections et je constate que c’est maintenant qu’ils ont commencé véritablement à parler ouvertement et faire part de leurs doléances – qui sont légitimes. Nous, comme des politiciens, sommes en fait encouragés par les gens à aller de l’avant pour résoudre leurs petits problèmes rapidement et éventuellement leurs gros projets.
Quand je parle des petits problèmes, cela concerne entre autres une demande pour une connexion au réseau de distribution d’eau qui n’a pas été répondue, le manque de lampadaires, etc. Pas plus tard que mercredi matin, j’ai rencontré des gens qui disaient que le gouvernement affichait une politique selon laquelle tout leur est permis. En votant contre le MSM et les autres partis, ils ont voté avec rage par le biais d’un vote punitif.
Les Mauriciens en général n’aiment pas l’abus de pouvoir et le manque de liberté. Je le dis de façon paradoxale, la liberté n’est pas emplie de vent, mais c’est essentiel et fondamental. Avec la décision du gouvernement de suspendre les réseaux Internet, ce sentiment que leur liberté a été confisquée est remonté à la surface.
Et il faut ajouter à tout cela la liberté des parlementaires qui a été violée, et cela pendant cinq ans. La démocratie dans les administrations régionales a également été hypothéquée de façon systématique. Les citadins n’ont pas voté depuis presque dix ans maintenant. Comme vous voyez, la violation est à tous les niveaux, que ce soit au niveau du Parlement, dans les collectivités locales ou dans les médias où la presse Gagn bien kraze.
Finalement, la population n’accepte pas une telle situation et c’est pourquoi elle a sanctionné sévèrement le gouvernement. Aussi, lorsqu’il y a un taux de participation aussi élevé pour une joute électorale, c’est forcément un vote de sanction. Si le taux de participation avait été plus élevé, les gens auraient tendance à croire que les élections ont été faussées ou encore finn kokin. À dimanche soir, en voyant le taux de participation, on a conclu que c’est forcément un vote sanction.
Il s’agissait au fait pour la population de se libérer et de libérer leur parole également.
Quelles sont vos priorités maintenant que vous êtes élu ?
J’ai sillonné toute la circonscription en long et en large et deux ou trois principaux problèmes remontent à la surface. Le premier, c’est la fourniture d’eau. Elle est irrégulière. Je sais de quoi je parle parce que j’habite dans la circonscription No 6. Au fait, une de mes premières missions après avoir été élu concernait justement la nécessité de résoudre un problème d’eau dans cette circonscription. Comme je le disais plus tôt, nous pouvons régler de gros problèmes avec de petites initiatives.
Donc, avec l’aide d’un ami qui connaît les rouages, j’ai rencontré une personne qui représente une communauté qui fait face à un gros problème de fourniture d’eau. Nous avons contacté la Central Water Authority pour une rencontre et, au final, le problème sera résolu rapidement. De mon côté, je vais assurer un suivi de la situation.
L’autre problème qui m’a été rapporté concerne la méritocratie. Beaucoup de gens me disent que leurs enfants ne veulent plus continuer à rester dans le pays. Ils veulent faire carrière à l’étranger parce qu’ils ne parviennent pas à trouver les emplois qu’ils méritent. Pire encore, ils disent constater que des gens qui ne méritent pas d’occuper un poste gravissent les échelons.
Par ailleurs, nous devons maintenant nous tourner vers l’avenir pour qu’il y ait un développement durable. Nous ne pouvons continuer à développer le pays à la manière du MSM. Nous ne pouvons continuer à laisser abandonner des terres productives et à laisser le prix des lopins de terre augmenter comme tel est le cas actuellement. À ce rythme, les Mauriciens se retrouveront très vite dans l’incapacité d’acquérir un terrain en vue de construire une maison.
Et les Mauriciens font face actuellement à une rude concurrence venant de l’étranger. Le pouvoir d’achat des ressortissants étrangers est tellement fort qu’ils peuvent acheter des lopins de terre avec très peu d’argent. Je ne suis pas contre l’idée que des étrangers acquièrent des terres à Maurice, mais la concurrence est actuellement déloyale. Il faut remédier à cela.
D’un côté, nous ne pouvons cesser de construire et nous devons produire des aliments sur nos propres terres abandonnées. Nous pouvons prévenir cette concurrence déloyale grâce à des expériences étrangères et locales.
L’autre fléau pour les habitants de cette circonscription demeure la prolifération de la drogue. Au fait, c’est la raison pour laquelle j’ai quitté Maurice dans les années 80. À chaque fois que la famille Jugnauth est au pouvoir, la drogue fait des ravages à Maurice.
Dans les années 80, lorsque la famille Jugnauth était au pouvoir, quatre parlementaires de la majorité gouvernementale furent arrêtés à Amsterdam avec de la drogue dans leurs valises. La drogue fait des ravages et continue à faire des victimes parmi les jeunes, À l’époque, la drogue ne se vendait que dans certains quartiers dans les villes, et à cette époque, nous disions que cela concernait une communauté distincte.
Aujourd’hui, la drogue ne fait aucune distinction entre ville et campagne, religion, statut social et niveau d’éducation, âge, entre autres. Toutefois, c’est la classe défavorisée qui paie le prix cher. Le pire dans tout cela est que tout le monde sait dans quels quartiers de la drogue est écoulée.
Je dois dire en passant qu’avant de quitter le pays pour la Suisse, j’avais démarré ma carrière dans la presse à Maurice. J’avais créé une agence de presse en Suisse sur les relations internationales. J’ai ensuite pris de l’emploi dans le journal Le Temps à Genève et j’étais aussi correspondant pour le même journal à Bruxelles pour couvrir les actualités européennes.
Quand, en fait, avez-vous fait votre entrée en politique à Maurice ?
Je suis retournée au pays en janvier 2023. Après les élections générales de 1982 et la cassure de 1983, j’avais adhéré au MMM. J’ai fait l’apprentissage du métier de journaliste au sein du Nouveau Militant. Maintenant, je suis le seul candidat du MMM dans le Nord du pays qui a été élu.
Le leader du MMM, Paul Bérenger, a placé sa confiance en moi puisqu’il connaît mon engagement en tant qu’habitant de cette circonscription. Un des grands thèmes que j’ai exploités durant cette campagne électorale est l’unité nationale. Durant la campagne électorale, je ne cessais de dire aux gens qu’il n’y a pas deux pays à Maurice, il n’y a qu’une seule ou plusieurs communautés vivant ensemble. Nous n’avons pas de choix. Nous devons vivre ensemble.
À mon retour au pays, j’ai fait un constat. Un grand pas avait déjà été fait à Maurice pour la construction du mauricianisme et de l’unité nationale. Si vous prenez connaissance du nombre de mariages inter-religieux, et inter-caste parmi les hindous, vous verrez une ascension fulgurante.
Le monde du travail fonctionne aussi grâce au mauricianisme. Il n’y a que les politiciens qui tentent de diviser les Mauriciens afin d’en tirer un capital politique. Le MSM est en tout cas un champion dans ce domaine et cela ne date pas d’aujourd’hui. Le MSM vit sur la division du peuple mauricien.
Pourquoi, d’après vous, L’Alliance Lepep a-t-elle perdu les élections générales ?
Le peuple a eu ras-le-bol du MSM. Cela est lié directement au viol de la démocratie, de la méritocratie, à l’abus de pouvoir car le MSM croit que le pays lui appartient et que zot kapav fer seki zot anvi. Les Mauriciens en général pa kontan fezer ek arogans. C’est exactement ce qui s’est passé dans cette joute électorale. Les gens ont fini par éprouver du dégoût pour ce gouvernement.
Le gouvernement de L’Alliance Lepep est tombé sur plusieurs points : la drogue, la menace sur nos institutions démocratiques, l’abus de pouvoir, etc. Hormis cela, les Mauriciens croient fermement en l’alternance et cela a toujours existé depuis l’indépendance du pays. Le MSM a fait deux mandats et le troisième mandat aurait été un de trop pour la population.
Nous avons en fait posé la question aux gens avec lesquels nous organisions des réunions. La question était comme suit : est-ce qu’ils veulent un troisième mandat avec Jugnauth ? En réponse à cette question, même des partisans du MSM ont dit non. Mais ceux ayant bénéficié directement du MSM ont dit oui, et c’est pourquoi Avinash Teeluck a récolté un certain nombre de voix dans cette circonscription. Nous, au sein de L’Alliance du Changement, nous avons pris au sérieux le travail en recrutant des Polling Agents et des Counting Agents. Ils ont eu droit à des séances de formation pour éviter des cas de fraudes électorales.
De l’autre côté, dans plusieurs salles de vote, notamment à Grand-Baie, il n’y avait pratiquement pas d’agents pour L’Alliance Lepep et cela parce que les parlementaires du gouvernement disaient : Ce ne sont pas les Polling Agents qui comptent, car nous allons remporter de toute façon cette joute électorale. Finalement, c’est pour cette raison que dimounn finn revolte de peur que les élections soient truquées.