Le Guide - Législatives 2024

Questions à  Amita Boolaucky (présidente de l’aile féminine du PTr) : « Les femmes doivent encore se battre pour la place qui leur revient en politique »

« Si au cours des 55 dernières années, des améliorations significatives ont été apportées pour améliorer la vie des femmes, Maurice continue de défendre une société patriarcale et a été lente à faire progresser l’égalité des sexes en politique. » Telle est l’opinion d’Amita Boolaucky, présidente de l’aile féminine du PTr. Elle relève les obstacles culturels et sociétaux omniprésents qui continuent d’empêcher les femmes d’exercer pleinement leurs droits.

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Si elle reconnaît qu’il y a eu des progrès, les femmes, regrette-t-elle, « doivent encore se battre pour la place qui leur revient en politique ». La rectrice du Royal Holloway College déplore que « le budget ne prévoit aucune incitation pour revaloriser la profession enseignante et expose les nombreux défis. »

Comment vivez-vous la campagne électorale sur le terrain ?

La campagne électorale n’a pas encore démarré de manière intensive. Cependant, il y a un sentiment palpable dans l’air qu’un changement important est en train de façonner l’avenir de Maurice. Alors que le mandat du gouvernement actuel touche à sa fin, les candidats potentiels, aux côtés des candidats confirmés, renforcent leurs liens dans leurs circonscriptions respectives.

Je suis convaincue que le changement est à venir et que l’Alliance PTr-MMM-ND représente l’espoir de garantir un avenir meilleur à notre génération future et au pays dans son ensemble.

En tant que rectrice, quelle est votre appréciation des mesures budgétaires dans le secteur de l’éducation ?

Les mesures annoncées sont inadéquates, irréfléchies, électorales et ne résoudront pas les vrais problèmes. L’exigence des 5 Credits, y compris l’anglais, en une seule séance pour monter en HSC désavantage grandement des milliers d’élèves. Le gouvernement propose maintenant de couvrir les frais d’examen pour une deuxième tentative pour ceux qui ne réussissent pas.

Ce n’est pas seulement une question d’argent. Une année perdue pour ces jeunes est synonyme d’opportunités manquées au niveau universitaire et sur le marché du travail. Face à une impasse devant l’entrée universitaire revient à dire adieu à leurs rêves. Les fonds votés pour étendre l’introduction de la Technology Education Stream (TES) dans tous les collèges sont préoccupants en raison du programme TES mal conçu.

La conversion d’un programme de formation professionnelle en un programme d’enseignement général dans les collèges présente des défis importants, notamment la pénurie d’éducateurs qualifiés, les perturbations de l’horaire et le besoin d’équipement et d’installations spécialisés.

Ces problèmes pourraient perturber considérablement le fonctionnement des collèges et entraîner un manque de succès. Le programme existant comprend déjà des matières cruciales telles que le design et la technologie, la mode et le textile, l’alimentation et la nutrition, et l’informatique, qui sont essentielles pour le développement académique et holistique.

Cependant, l’introduction de la TES pourrait détourner l’attention de ces matières au profit de modules tels que les principes fondamentaux de l’ingénierie et les systèmes informatiques et la maintenance, ce qui pourrait compromettre l’accent mis sur l’enseignement général.

Le budget ne prévoit aucune incitation pour revaloriser la profession enseignante, ce qui est inacceptable. Les enseignants sont démotivés en raison des pressions de l’apprentissage en ligne, des problèmes de comportement et des bas salaires. Il est crucial de lutter contre l’exploitation des enseignants suppléants qui n’ont pas de sécurité d’emploi ni de perspectives d’avenir. Cette situation est de l’exploitation pure et détestable, et elle doit être rectifiée immédiatement.

Les écoles doivent disposer d’infrastructures adéquates pour accueillir les enfants handicapés physiquement. Comment peuvent-ils s’adapter et réussir sans être laissés de côté si nous ne leur apportons pas le soutien nécessaire ?

Quelles améliorations auriez-vous souhaité voir dans le secteur de l’éducation ?

Il faudrait revoir le système de sorte à réduire la pression excessive sur les élèves et les parents. Il faut assurer la fourniture des manuels en temps opportun aux élèves ; prévenir les brimades et les agressions à l’intérieur et à l’extérieur des collèges.

Il faut des efforts pour améliorer le soutien aux élèves issus de familles défavorisées et mettre l’accent sur la lutte contre les trafiquants de drogue qui ciblent les élèves autour des écoles. De plus, assouplir les exigences strictes en matière de qualifications imposées par le ministère en vue de remédier à la pénurie d’éducateurs du secondaire. Il faut des efforts pour relever les défis financiers auxquels font face les collèges privés et confessionnels et mettre l’accent sur la culture des valeurs humaines et morales.

Quel regard portez-vous sur la situation socio-économique actuelle ?

Les politiques économiques actuelles mènent le pays tout droit à la faillite. C’est un désastre. Le gouvernement impose aux générations futures une énorme dette publique pour s’acheter des votes et apaiser les retraités. Ce comportement irresponsable rendra le pays instable s’il n’est pas rectifié.

De plus, sous prétexte de relever les défis posés par le Covid-19, la Banque de Maurice a été pillée, ce qui a entraîné une inflation, une dépréciation de la roupie et une pénurie de devises étrangères. Cela a fait grimper les prix, aliéné les investisseurs et privé les jeunes de perspectives économiques prometteuses, entraînant un exode des talents. Une action immédiate est cruciale pour éviter de nouveaux dégâts à l’économie du pays.

La femme en politique à Maurice, comment est-ce que cela vous parle ?

Au cours des 55 dernières années, des améliorations significatives ont été apportées à la vie des femmes. Les filles et les garçons ont désormais accès à l’éducation gratuite du primaire à l’université, les filles obtenant des taux de réussite plus élevés. Les femmes ont désormais un meilleur accès à l’emploi et sont devenues plus indépendantes financièrement. Néanmoins, Maurice continue de défendre une société patriarcale et a été lente à faire progresser l’égalité des sexes en politique.

La Constitution garantit sans équivoque l’égalité de tous les citoyens et stipule que les femmes ont les mêmes droits que les hommes. Néanmoins, des obstacles culturels et sociétaux omniprésents continuent d’empêcher les femmes d’exercer pleinement leurs droits.

Malheureusement, à mon avis, les partis politiques et le système électoral du pays ne tiennent pas compte de l’égalité des sexes, ce qui réduit les possibilités offertes aux femmes dans l’arène politique.

À Maurice, les femmes sont confrontées à des obstacles importants à la participation politique en raison de la nature conservatrice et patriarcale de la société. Ce cadre sociétal décourage les femmes d’adopter des rôles et des comportements considérés comme masculins, ce qui rend difficile pour elles un engagement politique.

Les femmes politiques en herbe doivent souvent passer beaucoup de temps sur le terrain et diriger des réunions publiques auxquelles assistent principalement des hommes, ce qui renforce la conviction que la politique ne convient pas aux femmes et nuit à la réputation de leur famille.

Je viens d’une famille modeste de trois frères et trois sœurs. Mes parents nous ont inculqué les valeurs d’indépendance et d’affirmation de soi, nous permettant de nous libérer des contraintes des rôles traditionnels des sexes. Personnellement, je n’ai jamais toléré de forme de discrimination sexuelle. Cependant, j’en ai été témoin dans d’autres familles asiatiques pendant mon enfance.

S’affirmer et imposer le respect en politique est indéniablement un défi, surtout dans un domaine qui est encore principalement considéré comme un monde d’hommes. Il est crucial de reconnaître les efforts inlassables des femmes pour démanteler les barrières historiques et les stéréotypes. Je suis fière d’être associée au PTr, une faction politique qui reconnaît et respecte de tout cœur le rôle des femmes en politique.

Bien qu’elles soient confrontées à des défis, dont la misogynie, et qu’elles soient injustement étiquetées comme moins compétentes ou émotionnellement fragiles, les femmes, y compris moi-même, tirent leur force des valeurs ancestrales et continuent de surmonter les adversités. En tant que présidente de l’aile féminine du PTr, je tiens à souligner que des facteurs tels que le contexte culturel, l’affiliation à un parti et la ténacité personnelle sont intrinsèques à notre parcours.

Alors que certaines femmes trouvent plus facile de tracer leur chemin et d’imposer le respect, d’autres font face à des obstacles incessants. Il ne fait aucun doute que des progrès ont été réalisés, mais les femmes doivent se battre pour la place qui leur revient en politique.

Vous êtes présidente de l’aile féminine du PTr. Comment vous voyez-vous évoluer dans votre parcours politique ?

J’ai toujours été une fervente défenseuse du service social en raison de la forte croyance de ma famille dans le principe que le service à l’homme est le service à Dieu. Alimentée par une telle conviction, j’ai perfectionné mes capacités de leadership et assumé divers rôles centraux dans ma vie, notamment fille, sœur, épouse, belle-fille, mère, rectrice et maintenant en tant que présidente de l’aile féminine du PTr.

Depuis 2002, je suis une partisane indéfectible du PTr et j’ai participé activement à des initiatives sociales au sein de l’Arya Samaj, des comités olympiques nationaux et africains, des organisations indiennes internationales, du Conseil des Religions et du Rotary Club. Mon engagement à faire le social continue au niveau politique.

En tant que rectrice et politicienne, auriez-vous un message aux jeunes ?

L’avenir est entre vos mains et il sera façonné par vos décisions d’aujourd’hui. Cela est particulièrement pertinent pour les personnes âgées de 18 ans et plus car le vote a un pouvoir inégalé pour façonner ou briser votre avenir. Utilisez-le avec prudence et intelligence, pas avec étroitesse d’esprit et préjugés. C’est la seule façon d’assurer un avenir prospère à Maurice.

Vous êtes membre du Conseil des Religions ; politique et religion ne font pas bon ménage, dit-on. Comment vous y prenez-vous ?

Les discussions sur la politique et les religions peuvent souvent être passionnées et émotionnelles. Il est important d’aborder ces sujets avec respect et ouverture d’esprit, même si les opinions diffèrent. Les systèmes politiques et religieux s’affrontent fréquemment en raison de valeurs et de croyances contradictoires. La religion agit comme un mécanisme de régulation pour s’assurer que l’injustice ne prévale pas. C’est pourquoi nous trouvons le Conseil des religions toujours attentif et réactif à toute question nationale. La politique aborde des questions telles que les droits de l’homme, l’égalité, la justice sociale, etc. Ces sujets sont souvent liés à des valeurs religieuses, ce qui peut entraîner des désaccords.

Comment souhaiteriez-vous que le pays évolue ?

Embrasser l’identité mauricienne plutôt que le communalisme ; favoriser un sentiment d’unité et décourager l’égoïsme, le favoritisme et la division ; maintenir la méritocratie et éradiquer le favoritisme ; lutter pour l’égalité ; défendre la liberté d’expression et éliminer la répression ; exiger l’indépendance de nos institutions et rejeter la soumission au parti politique au pouvoir ; exiger plus de démocratie et tenir les politiciens responsables de leurs actes ; encourager la responsabilité des citoyens ; promouvoir le talent et la culture chez les jeunes tout en luttant contre la drogue, l’alcoolisme et l’attrait de l’argent facile.

Enfin, se concentrer sur l’autosuffisance et donner la priorité au développement de piliers économiques tels que l’agriculture et l’industrie plutôt qu’aux importations excessives.

(Propos recueillis par Sharon Leung Ah Fat)

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