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Amit Hurdoyal (ex-président de village) : « Les habitants de l’Est… ankor pe manz margoz »

Amit Hurdoyal, vous étiez président de village de Deux-Frères, Quatre-Soeurs, Marie-Jeanne et Pointe-aux-Feuilles entre juin 2021 et février 2022. Qu’est-ce qui vous a motivé à participer aux élections villageoises ?

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La raison est très simple. Lorsque vous avez grandi dans un village et que chaque matin et chaque après-midi, vous êtes témoin des difficultés rencontrées par les adolescents pour se rendre au collège, les personnes âgées pour se rendre à l’hôpital, par ceux qui se voient contraints de se déplacer en taxi et sans compter d’autres qui ont perdu leur emploi, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous poser de question ou de réagir.

Je pensais que la seule manière de faire entendre ma voix, c’était de participer aux instances démocratiques comme les élections villageoises.

Qu’est-ce que vous avez fait pour changer les choses dans ces villages ?

Pour être franc, pas grand-chose, malgré plusieurs interventions auprès des autorités concernées.

Quand vous dites auprès des autorités concernées, c’est très vague. Pouvez-vous être plus précis ?

Pour améliorer le service de transport et pour que les usagers d’autobus voyagent dans de meilleures conditions, nous avons averti la National Land Transport Authority, les différents postes de police de la région, envoyé des pétitions au bureau du Premier ministre, fait signer des pétitions par les habitants pour envoyer aux trois élus de la circonscription.

Nous avons aussi fait entendre notre voix à la radio, émis des suggestions pour que les chauffeurs et receveurs respectent les horaires, pour que les autobus soient remplacés par la CNT. C’est inacceptable que des passagers doivent attendre plus de 30 minutes sur un arrêt d’autobus et parfois plus d’une heure avant qu’un autobus ne passe !

Tout récemment, des conseillers et des habitants des villages de Grand-Sable et Petit-Sable, Bambous-Virieux, Pointe-aux-Feuilles, Quatre-Sœurs, de Marie-Jeanne – qui est le plus durement touché , car les habitants doivent parcourir environ deux kilomètres pour rentrer chez eux après le travail–, ont organisé une marche pacifique pour attirer l’attention des autorités sur les difficultés rencontrées.

Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Rien. Aucun député ou ministre de cette circonscription n’est venu sur place, ne serait-ce que pour écouter nos doléances. J’ai même envoyé des lettres à plusieurs instances, dont la NLTA, pour qu’elles mènent une enquête sur les causes du problème. Il n’y a eu aucune réaction. On ne sait plus à quelle porte frapper.

Vous voulez dire qu’il n’y a aucune volonté politique ?

Il n’y a aucune volonté politique. La situation a empiré, les conducteurs et receveurs d’autobus individuels agissent comme bon leur semble.

Ils vont sûrement venir frapper à nos portes à l’approche des élections, il n’y a pas de doute. Notre problème reste entier. Chaque matin, nous pouvons voir nos enfants, les personnes âgées, courir à droite et à gauche pour arriver à l’heure à l’école et les personnes âgées à l’hôpital. Cela nous fait mal au cœur.

Dans le passé, quelques habitants et moi avions organisé un transport pour que nous puissions nous rendre très tôt au bureau de la NLTA à Plaine-Lauzun. Savez-vous ce que des préposés nous ont conseillé ? Vous n’allez pas me croire…

Nous étions choqués, abasourdis d’entendre des employés de la NLTA nous dire d’aller faire une déposition à la police, de solliciter un homme de loi pour expliquer nos doléances et de nous faire accompagner dans un poste de police. C’est inimaginable ! Je leur ai fait comprendre qu’il ne nous appartient pas de cotiser pour résoudre ce problème de transport alors qu’il revient au gouvernement de le faire. Je crois que c’est une manière pour eux de nous renvoyer chez nous. Zot nek pas boul.

Vous êtes sûrement fatigué d’entendre la même chanson…

Pas la peine de vous le dire. Parfois, nous sommes découragés. Je me pose des questions sur mon engagement dans le social. J’ai une famille, un travail.

Je ne vis pas dans l’opulence, mais je mène une vie décente. J’ai mon propre moyen de transport, je bouge quand je veux. Je pourrais mener une vie tranquille.

Pourquoi dois-je m’exposer à des reproches ou ennuis ? J’ai même reçu des menaces d’un propriétaire d’une compagnie d’autobus privée. Ce n’est pas évident de voir la misère des gens. Voilà pourquoi, entre autres raisons, je me bats encore pour essayer de faire avancer les choses.

Vous attendez-vous que le gouvernement introduise le tram dans des endroits comme Grand-Sable, Petit-Sable, Bambous-Virieux, Grand-Port, entre autres ?

Si le Metro Express pouvait contribuer à faciliter la vie dans ces régions, pourquoi pas ?

D’après vous, d’où vient cette réticence des élus de venir sur place pour rencontrer des habitants et écouter leurs doléances qui concernent aussi les inondations fréquentes et la qualité de l’eau ?

Je crois que tout le problème gravite autour de Rajiv Jangi, le président du conseil de district de Grand-Port qui, dans le passé, a affiché ouvertement sa couleur politique. Il est proche du Parti travailliste. Le pouvoir en place a tout fait pour lui reprendre ce poste. Malgré cela, il est toujours en place.

Vous croyez sincèrement que c’est l’une des raisons principales ?

Je n’ai pas de doute. Ce n’est pas une raison pour pénaliser des milliers de villageois. Chacun est libre d’exprimer son opinion politique. Je trouve que c’est injuste de faire payer les enfants, les adolescents, les personnes âgées et plusieurs familles pour des raisons politiques.

Quels sont les autres problèmes qui vous préoccupent dans la région ?

Les inondations fréquentes. Il n’y a pas longtemps, les planteurs ont subi des dommages. Les terres qu’ils cultivent ont connu des érosions. Cela a forcé beaucoup de planteurs à abandonner la culture de légumes. L’inondation des champs et la forte érosion des sols, je dois le préciser, ont été causées par l’obstruction des drains et l’absence d’un système de drainage adapté à la région.

D’après mes observations, les inondations se produisent lorsque l’eau de pluie sur les pentes s’accumule plus rapidement que la terre ne peut absorber. Il n’y a presque pas de canaux appropriés pour drainer l’eau de pluie et il ne peut y avoir de développement durable dans la région du Sud-Est lorsqu’une quantité massive de végétaux est emportée vers la mer pendant des inondations.

Vous proposez quoi comme solution ?

Il faut mettre sur pied un plan d’action avec l’aide des planteurs, des conseillers de cette région et des experts. Et discuter sérieusement autour d’une table pour trouver des solutions dans les zones sujettes aux inondations. Il ne faut surtout pas oublier que des glissements de terrain ont été notés il n’y a pas longtemps à Quatre-Sœurs.

Les habitants sont aussi confrontés au problème d’eau…

C’est un calvaire quotidien pour beaucoup de mères de famille. On avait même organisé une action. Accompagnés de plusieurs habitants et de Rajiv Jangi, président du conseil de district de Grand-Port, nous avions loué un autobus avec nos propres moyens pour nous rendre au bureau de la CWA à Saint-Paul. La situation avait changé pour seulement deux ou trois jours. Aucune solution durable n’a été trouvée. Nou ankor manz nou margoz.

Propos recueillis par Jocelyn Rose

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