Le cardinal Maurice Piat a, une fois de plus, frappé très fort avec sa lettre pastorale, rendue publique cette semaine, et qui marque le début du carême chrétien. Le prélat a en effet évoqué sans ambages une crise morale majeure que traverse notre jeune nation, qui soufflera ses 55 ans très prochainement.
Abordant une fois de plus la problématique de la drogue, qui meurtrit et déchire un nombre incalculable de familles, causant des drames sans fin et indicibles, le cardinal Piat a étendu cette fois cette thématique aux institutions. « La drogue circule facilement dans le pays, souligne-t-il. Elle affaiblit la jeunesse et la détruit, de même que les familles. Et pire, elle corrompt nos institutions et les affaiblit. L’attrait de l’argent facile fait un mal immense. Et c’est un problème national. »
Tout est dit. Le cardinal Piat brosse le tableau sans fards, cru et franc de notre pays à l’état présent. Où sans nul doute, travailleurs sociaux engagés dans la lutte contre la toxicomanie et le trafic de drogue autant que des observateurs sociaux, qui ne mettent pas des visières, acquiesceront que, pour ce qu’il s’agit de la “war on drugs in Mauritius ?” Nounn fel ! Maurice Piat frappe ainsi en plein cœur d’une actualité locale où se succèdent depuis plusieurs semaines maintenant arrestations, saisies et interpellations, tantôt de présumés caïds, de prête-noms, tantôt encore des proches de ceux qui sont « dans le radar » des institutions. Fidèle à lui-même, connu pour ne jamais pratiquer la langue de bois, le chef de l’Église catholique n’est pas dupe. Et le prouve quand il souligne que non seulement ces problèmes sont d’ordre national, mais que « des dysfonctionnements existent dans nos institutions ».
Le cri du cœur du haut dignitaire ecclésiastique de l’Église catholique est-il parvenu aux oreilles des dirigeants du pays ? Quelles réponses aux dérives de nos institutions ? Est-ce que d’autres chefs religieux emboîteront le pas au cardinal Maurice Piat et feront passer la santé morale du peuple avant tout ? Ou préféreront-ils continuer à jouer à l’autruche ? La triste formule forgée par feu SAJ semble être devenue très populaire au fil des années (certains diront surtout depuis le retour aux affaires de la maison orange…). L’adage « Moralite napa ranpli vant ! » continue malheureusement de faire des émules. D’ailleurs, cela fait un bon bout de temps déjà que nombre d’observateurs sociaux et politiques font remarquer à quel point la confiance dans plusieurs de nos institutions nationales s’effrite dangereusement. Par contre, du point de vue des autorités et du gouvernement de Pravind Jugnauth, c’est encore et toujours « Tout va bien dans le meilleur des mondes » !
À la veille des 55 ans de l’indépendance de notre patrie, est-ce dans un tel climat peu propice à son épanouissement et celui de son peuple que le pays se prépare à entamer la nouvelle phase de son avenir ? Est-ce que celui-ci sera bâti sur des fondations qui menacent de s’écrouler dès la moindre secousse ? Plus que jamais, avec la montée de l’inflation dans le monde, et par incidence dans le pays, soutenue par toute la cohorte de scandales et de problèmes que rencontre le citoyen lambda, la paix sociale repose sur un fil de plus en plus fragile. Reconstruire est une phase qui réclame franchise, honnêteté, détermination, courage et persévérance. Autant ceux qui nous dirigent que ceux qui se présentent comme une alternative acceptent-ils de s’inscrire dans ce nouvel ordre d’idées ?
En début de semaine, le passage du cyclone Freddy dans nos parages n’a heureusement pas causé trop gros dégâts matériels. Un aspect qui a cependant émergé : des avenues d’entraide entre les autorités et ceux des citoyens qui ne sont pas décemment logés. Peut-on, sur ce point, penser à des formules de soutien et de collaboration entre les agences étatiques des différents ministères (Logement, Sécurité sociale…) avec des ONG, ainsi que des citoyens eux-mêmes, afin de, par exemple, mettre à l’abri leurs effets personnels importants avant que Dame Nature ne se déchaîne sous forme de pluies torrentielles ou tempêtes ? De sorte d’être… « wise before the event ».