L’annonce par le Premier ministre et leader de L’Alliance Lepep, Pravind Jugnauth, du paiement d’un 14e mois aussi bien par les secteurs public et privé est accueillie avec circonspection au niveau des institutions du secteur privé.
Interrogé à ce sujet, un porte-parole de Business Mauritius, indique que « le mandat de Business Mauritius étant de travailler en collaboration avec les autorités sur le programme électoral établi, il n’est pas dans notre politique de commenter les promesses électorales en période de campagne. C’est d’ailleurs pour cela que nous nous sommes gardés de commenter les divers manifestes électoraux présentés. Nous nous en tiendrons à cette politique concernant les promesses faites hier au cours des meetings ».
Les représentants d’autres institutions du privé restent sur leurs gardes tout en faisant remarquer que ce sont des décisions unilatérales du gouvernement. La communauté des affaires n’a pas été consultée et n’a pas son mot à dire dans ce contexte. « Nous notons que beaucoup de PME n’arrivent toujours pas à payer les arrérages de la relativité salariale et auront à tirer le diable par la queue en vue d’assurer le paiement du 14e mois », fait ressortir catégoriquement un entrepreneur.
Pour sa part, François de Grivel, homme d’affaires engagé dans plusieurs instances, indique que les mesures annoncées alimenteront l’inflation et affecteront la compétitivité des produits économiques mauriciens à un moment où la situation économique dans les principaux marchés européens n’est guère brillante.
« Le secteur de production économique a connu des augmentations assez importantes en janvier, et des réajustements salariaux en juillet concernant la relativité salariale ont donné lieu à des augmentations sensibles. On nous fait des propositions éventuelles du salaire minimum de Rs 20 000 à Rs 25 000, ensuite il y aura un 14e mois à partir de janvier ainsi qu’une allocation de Rs 2 000 pour les femmes à la maison et une allocation de Rs 5 000 pour les jeunes jusqu’à 18 ans. Toutes ces mesures sont de nature électoraliste et comprennent un grand risque économique. Elles sont susceptibles de perturber l’emploi à Maurice, en particulier dans les petites et moyennes entreprises qui n’ont pas suffisamment de moyens pour faire face à la situation », fait-il comprendre à ce sujet.
Par ailleurs, François de Grivel met en avant le fait que « ce sera un vrai souci à terme. Sans compter que tout cela apportera une inflation additionnelle dans l’année et dans les années à venir. Ces mesures sont antiéconomiques et sont dangereuses pour l’économie en général. Nous sommes dépendants de l’international et la situation internationale n’est pas très bonne. En dehors des élections américaines, il y a des guerres. De plus, les clignotants économiques ne sont pas très bons pour l’instant. Si nous augmentons nos coûts de production, les produits mauriciens seront moins compétitifs et les mesures annoncées dont le 14e mois gêneront beaucoup d’entreprises et ne sont pas bienvenues. Ce sont des aspects économiques régionaux dangereux. »
Interrogée au sujet des difficultés auxquelles seront confrontées les PME, Kalpana Koonjoo-Shah a expliqué hier qu’une aide sera accordée par la Mauritius Revenue Authority (MRA) aux PME qui auront des difficultés à s’acquitter du 14e mois.
Par ailleurs, Kalpana Koonjoo-Shah a affirmé qu’entre 2019 et 2023, les plus grandes compagnies privées ont enregistré des bénéfices de l’ordre de 227% passant de Rs 12 milliards à Rs 39,1 milliards. « Il leur faudra suivre la philosophie de distribution équitable et le secteur privé devra pouvoir payer le 14e mois. Je n’ai pas de doute que le Premier ministre pourra implémenter ce qu’il a annoncé », dit-elle.
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POST-ANNONCE ALLIANCE LEPEP — MLC : « Le timing du 14e mois pas idéal »
Le Mauritius Labour Congress (MLC) est d’avis que le « timing » pour le paiement d’un 14e mois de salaire aux employés des secteurs public et privé en décembre prochain « n’est pas idéal ». Les travailleurs auraient dû à la place être compensés pour la hausse du coût de la vie, souligne Haniff Peerun, président de cette centrale syndicale.
Dans une déclaration, le président du MLC, a indiqué que pour appliquer le 14e mois, il faudra d’abord engager des consultations avec les différentes parties concernées et amender la loi par le biais du Parlement. Il a fait remarquer que, dans le passé, pour le paiement du treizième mois, il fallait que chaque année le paiement soit renouvelé à travers l’Assemblée nationale. Les choses ont changé par la suite, car le paiement du boni de fin d’année fait partie intégrante de la loi du travail qui s’applique aux fonctionnaires et aux employés du secteur privé en même temps. « Maintenant, pour que le gouvernement vienne de l’avant le paiement d’un 14e mois, il faudra amender à nouveau la loi du travail », a fait ressortir Haniff Peerun.
« Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a affirmé qu’en cas de victoire, le 14e mois sera appliqué en décembre prochain. Le Parlement doit donc siéger pour approuver le paiement. Je ne sais pas non plus qui sera au pouvoir. Pour le paiement d’un 14e mois, je ne pense pas que ce soit idéal de l’annoncer à la va-vite. On aurait dû faire cette annonce depuis longtemps pour que toutes parties concernées se préparent. Maintenant, parler du paiement d’un 14e mois à la veille des élections générales, c’est comme accrocher un appât à l’hameçon pour gagner des votes », déclare le syndicaliste.
« Le timing n’est pas bon. Si le Premier ministre avait à cœur l’intérêt des travailleurs, le 14e mois n’aurait pas dû être un One-Off Payment en 2024. Au lieu d’un 14e mois aux travailleurs, il fallait trouver une autre formule pour compenser les travailleurs pour la perte du pouvoir d’achat », a-t-il enchaîné. Avec cette manière de procéder, il est clair que beaucoup de PME éprouveront d’immenses difficultés à s’acquitter du 14e mois. Il ne reste donc que l’argent des contribuables en ce sens, comme cela a été le cas durant la période de la pandémie du Covid-19 et pour le réajustement salarial, trouve-t-il.