La juge Véronique Kwok Yin Siong Yen a ordonné une Non Suit dans le procès intenté par Megh Pillay contre Air Mauritius dans un jugement rendu en début de semaine. Mais tout n’est pas perdu pour Megh Pillay, qui pourra reloger sa plainte en apportant des amendements concernant le montant réclamé.
Les faits remontent à 2016. Megh Pillay avait été nommé Chief Executive Officer (CEO) de MK le 15 mars, et ce, pour une période de trois ans. Mais le 28 octobre 2016, il a été licencié avec effet immédiat par Air Mauritius. Aucune raison n’a jamais été fournie par la compagnie d’aviation nationale pour justifier ce limogeage, de même que Megh Pillay n’avait jamais été appelé à s’expliquer devant le board de MK pour un quelconque écart de conduite ou pour mauvaise performance.
Air Mauritius avait essayé de lui verser des indemnités équivalant à six mois de salaire, au lieu d’un préavis de six mois, par virement bancaire, conformément à son contrat d’embauche. Mais Megh Pillay avait demandé à sa banque de restituer cette somme à Air Mauritius, ce qui avait été fait.
Pour Megh Pillay, il y avait eu rupture de contrat injustifiée. Raison pour laquelle il logera d’ailleurs une plainte pour licenciement abusif contre la compagnie aérienne nationale le 23 octobre 2019. Il réclamait alors plus de Rs 39 millions, soit une somme équivalente à ce qu’il aurait perçu comme CEO s’il avait été maintenu à son poste jusqu’à la fin de son contrat de trois ans.
Puis le pays a été confronté à la pandémie de Covid-19, et Air Mauritius a été mise en régime d’administration le 22 avril 2020. La compagnie d’aviation nationale avait tenu un « Watershed Meeting » le 28 septembre 2021 pour décider de la marche à suivre en ce qui concerne ses créanciers.
Un Deed of Company Arragement (DOCA) avait ainsi été entériné le 21 octobre de cette même année en ce qui concerne les paiements à ces derniers. Le Deed of Company Arragement faisait provision pour réduire les dettes des Unsecured Creditors de MK par 50 %.
Une fois Air Mauritius mise en régime d’administration, Megh Pillay s’était tourné vers la Bankruptcy Court, qui lui avait donné le feu vert le 20 août 2021 pour aller de l’avant avec sa plainte en Cour suprême, comme l’exige la loi quand le défendeur est sous un tel régime. Air Mauritius avait fait ressortir en Cour que le contrat de Megh Pillay était terminé légalement, en conformité avec une clause dudit contrat, qui stipulait qu’il pouvait être rompu par un préavis de six mois.
La compagnie nationale avait aussi fait état que Megh Pillay était soumis, comme les autres Unsecured Creditors de la compagnie, au Deed of Company Arragement, et qu’il devait réduire toute réclamation par 50%.
Megh Pillay avait cependant répliqué qu’il avait bien soumis une réclamation aux administrateurs de MK quand celle-ci avait été placée en régime d’administration. Mais il n’avait reçu aucune réponse de ces derniers, ni avait-il été convié au Watershed Meeting du 28 septembre 2021. Son avocat, Me Gavin Glover, Senior Counsel, avait pour sa part expliqué que le nom de son client ne figurait pas sur la liste des Unsecured Creditors annexée au Deed of Company Arragement, ajoutant que, de fait, sa plainte n’était en aucune façon affectée par ce document.
Mais Me Gilbert Ithier, SC, avocat d’Air Mauritius, avait argué que toute personne en litige contre Air Mauritius tombait dans la catégorie des Unsecured Creditors , de par la loi, peu importe qu’ils soient ou non inscrits sur le Deed of Company Arragement.
La juge Véronique Kwok Yin Siong Yen a retenu que la plainte de Megh Pillay était antérieure à la mise sous administration d’Air Mauritius et au Deed of Company Arragement. Après analyse des jugements rendus dans des affaires similaires, et après lecture de l’Insolvency Act, dont la section 265, qui prévoit que tout Unsecured Creditor est bound par un Deed of Company Arragement, elle a conclu que celui d’Air Mauritius était bien contraignant envers Megh Pillay.
De ce fait, Megh Pillay était bien un Unsecured Creditor », et sa réclamation pour licenciement abusif devrait être réduite de 50%, comme les autres créanciers, de par la teneur du Deed of Company Arragement. La juge poursuit : « I thus agree with the submission of Mr Ithier that the plaintiff is an unsecured creditor by operation of the law and that it is immaterial whether he was included or not in the list of creditors by the administrators. »
Cependant, continue-t-elle : « However, I do not propose to dismiss the plaint in view of the specific circumstances of the present case (…). Indeed, in the present matter the plaintiff has not been given an opportunity so far to amend his plaint. » Ainsi, vu qu’Air Mauritius ne lui a jamais donné l’opportunité d’amender sa plainte pour réclamer une somme réduite au moment où elle entrait en régime d’administration, la juge n’a pas rejeté la plainte, mais a « non suited » Megh Pillay. En d’autres termes, ce dernier pourra reloger une plainte amendée en ce qui concerne le montant. Toutefois, il devra encourir les frais de la présente affaire.