Le dossier brûlant des violences en milieu carcéral ne doit pas être sournoisement mis au placard, rangé dans un tiroir et envoyé aux oubliettes. Parce qu’il y va de la vie des citoyens mauriciens. Parce que nos institutions échouent à leur mission si elles agissent de la sorte. Heureusement cependant qu’il y aura toujours quelques voix qui s’élèveront contre ce type d’injustices, que d’autres taisent ou, pire, cautionnent. L’homme de loi et ancien Attorney General Rama Valayden est monté au créneau une nouvelle fois cette semaine justement pour tirer la sonnette d’alarme à ce propos.
Si les citoyens ne peuvent descendre dans les rues et faire entendre leur voix, confinement prolongé oblige, on s’étonne cependant du silence assourdissant de certaines institutions censées agir comme garde-fous dans ce genre de conjoncture. Par exemple, la Human Rights Commission (HRC). Cet organisme placé sous la responsabilité d’un ex-juge ne serait-il qu’un bouledogue inoffensif et sans dents, où certains proches du pouvoir ont été confortablement casés ? On se souviendra qu’au temps – et ce n’est pas très longtemps, d’ailleurs – où Me Hervé Lassémillante dirigeait la National Preventive Mechanism Division (NPMD) de la HRC, qui s’occupe d’ailleurs des institutions pénitentiaires. Cet autre ténor du barreau ne pratiquait pas la langue de bois, ni ne repoussait sous le tapis les manquements aux droits humains identifiés dans nos geôles. D’ailleurs, pour bon nombre, ce sont justement sa franchise et son intégrité eu égard à cette responsabilité qui ont fait que Me Lassémillante n’a pas été reconduit à ce poste…
Depuis le décès “in custody” de Jean Caël Permes, ce détenu de 29 ans qui a été l’élément déclencheur de la montée au créneau de plusieurs hauts gradés et d’officiers de prison, tous grades confondus, dans nos colonnes, nos politiques, pour leur part, semblent faire bien peu de cas de la situation. Tant du côté de la majorité que de l’opposition, il semble bien que les décès consécutifs des détenus Louis Michael Louise, Jean Alain Auguste et Caël Permes, alors qu’ils étaient sous la responsabilité de l’État, n’ont pas touché grand monde ! Est-ce par indifférence ? Est-ce parce qu’ils partagent le même raisonnement, hélas, que certains qui pensent que, parce qu’ils ont fauté quelque part sur leur parcours, ces repris de justice doivent être traités comme « une autre catégorie de citoyens » ?
La prison n’est pas une institution de répression, mais de réforme. Ces dernières années cependant, on a eu bien peu d’échos pour ce qui est de la mission de réhabilitation de nos prisons. Oublié le temps où les ateliers de formation, la boulangerie et la pâtisserie de nos prisons décrochaient des prix nationaux… Rivalisant, carrément, avec certaines entreprises du privé et du public. Il y a quelques années, la prison se targuait, lors des “open day”, jour de la moisson et autres événements du même genre, de mettre en avant les réalisations des détenus. L’idée était de leur faire sortir de leur ghetto et d’être valorisés.
À son arrivée aux commandes de la prison, l’ancien patron de l’Adsu, Vinod Appadoo, a bien évidemment estampillé le poste de son empreinte propre. Cependant, et on ne le dira jamais assez, l’opacité ne rend jamais service. Tout en communiquant, à sa façon, sur les incidents et dérives survenus sous son commandement, Vinod Appadoo ne s’est nullement attiré la sympathie ni l’adhésion de l’opinion publique. Au contraire. Certainement, il n’en a pas besoin pour assumer ses responsabilités de chef suprême de nos prisons. Mais quand des citoyens perdent la vie alors que lui, désigné par l’État, est censé les protéger, tout cela ne fait pas très joli joli…
Dans l’histoire des services de la prison, chez nous, il y a rarement eu des hauts gradés de ce service essentiel qui aient été appelés à occuper ce poste de commandement suprême. Pourquoi cela ? Ne sont-ils pas aptes à le faire ?
Husna Ramjanally